Flambée des prix des tomates. Comment stopper l'escalade?
Même avec l'interdiction de l'export, le prix de la tomate ne devrait pas chuter en dessous de 7 DH.

La crise actuelle des prix de la tomate révèle des enjeux complexes liés à la production, à l'exportation et à la régulation du marché.

Un kilo de tomate dépasse les 14 DH sur le marché marocain, suscitant des inquiétudes parmi de nombreux citoyens, en particulier ceux à faibles revenus. Cependant, ils ne sont pas les seuls à s'inquiéter, les grossistes partagent également ces préoccupations. Abderrazak Echabbi, secrétaire général de l'association du marché de gros des fruits et légumes, attribue cette crise à l'exportation. Il met en évidence la discordance entre l'offre et la demande, notamment due à l'exportation massive vers l'Afrique. « La non-application de normes de calibre et de qualité sur le continent africain aggrave la situation», déplore t-il.

L’export pointé du doigt

Le professionnel, estime qu’actuellement, une caisse de tomates au marché de gros coûte 350 DH pour 29 ou 30 kg et le prix du kilogramme  sortie ferme, se négocie actuellement à 12DH. «Avant, l'Europe s'approvisionnait en fonction de normes de qualité spécifiques, et malgré cela, l'offre était adéquate. Aujourd’hui, Ce qui est consommé localement est la même catégorie exportée, tandis que le reste est destiné à la consommation locale ». Il ajoute : « Les grossistes achètent ce reste parce qu'ils y sont obligés. C'est un produit d'appel qu'ils vendent aux côtés d'autres produits. Ils en font l'acquisition en petites quantités pour liquider leur marchandise composée d'autres produits. La tomate devient simplement un moyen de vendre d'autres articles ».

Echabbi expose également un dilemme économique auquel font face les vendeurs. Même avec une tomate vendue à 14 DH le kilo, certains subissent des pertes en raison de marges bénéficiaires réduites et de charges élevées. « Lorsque la tomate est vendue à 2 DH, le coût d'une pièce défectueuse ne dépasse pas les 0,10 centimes, ce qui n'impacte pas significativement la marge de profit. Cependant, jeter une pièce alors que le kilogramme a été acheté à 10 DH entraîne des pertes de 1 ou 2 DH, augmentant ainsi les charges et réduisant la marge bénéficiaire », détaille t-il.

Une production insuffisante

De son côté, le président de la Fédération Interprofessionnelle Marocaine de la Production et de l’Exportation de Fruits et Légumes, Lahoucine Aderdour, met en avant les défis de la production. « Le secteur a été durement touché par un virus affectant certaines fermes à Agadir, en plus des conditions climatiques défavorables. Cette combinaison a entraîné une réduction significative de la production, impactant directement l'approvisionnement sur le marché », fait-il savoir. Alors qu'Echabbi préconise le gel des exportations, Aderdour souligne que même si l'exportation est interrompue, cela ne garantit pas une baisse des prix, surtout qu’il estime que les tomates exportées ne correspondent pas à celles demandées localement, en particulier pour les tomates cerises, qui sont largement exportées. Cependant, « si les autres variétés sont rares sur le marché, cela n'est pas directement lié à l'exportation », insiste t-il.

Vers une interdiction de l’export

Les deux parties s'accordent sur la nécessité d'interventions. Aderdour confie à l'Observateur du Maroc et d'Afrique que des représentants du ministère seront présents demain à Agadir pour discuter de mesures visant à stabiliser la situation et à endiguer cette crise. Selon lui, il pourrait s'agir de geler les exportations vers certaines destinations. Cependant, selon Echabbi, la décision d'interdire l'exportation vers l'Afrique est déjà prise, mais la mise en œuvre et le contrôle posent problème. « L'absence de commissions chargées de contrôler la situation a entraîné une anarchie totale au cours des trois dernières années, mettant en péril notre sécurité alimentaire », alerte le professionnel. Aderdour reste par ailleurs convaincu que même avec le gel des exportations, le prix de la tomate ne devrait pas chuter en dessous de 7 DH.