UE. Les agriculteurs écrasent les écologistes
Excédés par l'écologisme de l'UE, les agriculteurs décidés à en découdre

L’Union européenne est obligée de revoir sa politique agricole commune alourdie par les mesures écologiques. Les agriculteurs doivent se soumettre à la loi européenne sinon, ils seront exclus des aides.

Jachères, prairies, zones humides... les obligations vertes de la nouvelle PAC appliquée depuis l'an dernier sont sous le feu du mécontentement agricole, poussant l'UE à envisager flexibilités et dérogations tous azimuts, au grand dam des écologistes.

Voici les critères environnementaux de la Politique agricole commune (PAC) 2023-2027, au coeur de propositions d'assouplissement discutées lundi par les ministres européens de l'Agriculture.

Certaines normes minimales s'imposaient déjà et ont été renforcées (contrôle des phosphates et du nitrate, usage des pesticides, conservation des oiseaux sauvages, protection des animaux d'élevage...)

Mais la nouvelle PAC, âprement négociée et approuvée en 2021 par les eurodéputés et les Etats membres, prévoit surtout depuis janvier 2023 de stricts critères environnementaux ("conditionnalités") que les agriculteurs doivent respecter pour toucher des paiements européens.

Des dérogations ou flexibilités temporaires peuvent être rapidement adoptées par la Commission européenne en lien avec les Etats, mais pour les pérenniser, il faut une révision législative de la PAC --processus plus long impliquant les eurodéputés.

Parmi ces conditions: les exploitations doivent laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares...).

Après une suspension en 2023 de ce critère pour garantir la production sur fond de guerre en Ukraine, la Commission a déjà adopté pour 2024 une dérogation partielle.

L'obligation sera désormais d'atteindre 7% en cumulant d'éventuelles jachères mais aussi cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote (lentilles, pois...) sans produits phytosanitaires.

D'autres conditionnalités sont fustigées par les organisations agricoles, qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques et aux difficultés économiques.

Bruxelles a lâché du lest jeudi sur l'obligation de maintenir (à 5% près) les surfaces de prairies permanentes au niveau de 2018: il propose d'en exempter les éleveurs se convertissant dans les cultures céréalières pour éviter que leurs revenus ne soient pénalisés.

Cette dérogation partielle, pour l'année 2024, sera examinée par les ministres.

Plusieurs Etats (Pologne, Roumanie...) réclament d'autres assouplissements sur une conditionnalité --entrée en vigueur cette année-- imposant la rotation des cultures, avec une culture principale différente de l'année précédente sur 35% des terres arables.

Autre condition contestée: l'interdiction de sols nus durant les périodes sensibles.

Face aux réclamations des agriculteurs et d'élus PPE (droite), le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski souhaite que plusieurs conditionnalités --couverture des sols, rotation des cultures, prairies, jachères-- redeviennent "volontaires" jusqu'à fin 2027.

Il a indiqué dimanche à l'AFP qu'il "serait mieux d'atteindre ces objectifs par des incitations plutôt que par des obligations". Selon lui, avant un futur changement législatif, il serait possible dès maintenant de ne pas sanctionner le non-respect de ces critères.

Les syndicats s'inquiètent de l'obligation de protection des zones humides et tourbières, en vigueur depuis cette année, redoutant "l'impact économique négatif".

D'autres conditionnalités concernent l'interdiction du brûlage après la récolte du chaume, les bandes-tampons herbées le long des cours d'eau, l'encadrement des labours pour réduire la dégradation des sols.

C'est l'outil phare de la nouvelle PAC: des primes récompensant les agriculteurs recourant volontairement à des pratiques écologiques plus exigeantes.

Leur contenu est défini par les Etats: réduction d'intrants, surfaces en agro-écologie, plantation de légumineuses fourragères, nombreuses haies ou bosquets répondant à des critères précis, couverture très longue des sols pour accroître qualité de la terre et biodiversité...

Les Etats son tenus de consacrer aux écorégimes en moyenne 25% par an des paiements directs de le PAC: en pratique, les agriculteurs doivent donc respecter un ou plusieurs écorégimes pour garder le même niveau d'aides.

Si certains pays, comme la France, s'y étaient préparés, c'est loin d'être le cas partout. Le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, réclame "des dérogations aux écorégimes" et Bruxelles se dit prêt à les "simplifier".

Bruxelles propose qu'une tolérance soit accordée en cas "de force majeure", par exemple d'épidémie ou d'épisodes climatiques extrêmes (sécheresse, inondations...) empêchant un agriculteur de respecter les exigences de la PAC, afin qu'il n'encoure pas de pénalités --une disposition examinée lundi par les ministres.

Lors d'une future révision législative à "moyen terme", la Commission envisage d'exempter des contrôles liés aux conditions environnementales les petites exploitations de moins de 10 hectares --qui représentent 65% des bénéficiaires de la PAC, mais ne couvrent que 9,6% des surfaces.

Avec AFP