La main de Tamim
Le moment où l'émir du Qatar repousse la main du président algérien.

En diplomatie tout est calculé, préparé, le moindre geste est négocié. Par exemple, lorsque des chefs d’Etats se rencontrent, ils se mettent d’accord sur la déclaration finale, les poignées de mains ou pas, les embrassades ou pas, les gestes de fraternité ou pas… Donc, un chef d’Etat ne peut pas prendre, de manière unilatérale, la décision d’un geste non validé par son homologue. Les gestes ont un sens politique.

Et quand cela arrive, ça devient un scandale diplomatique. Voilà pour le principe. 

Venons-en à l’événement qui a inspiré ce rappel élémentaire. Cela s’est passé en Algérie, en marge de la réunion des pays exportateurs de pétrole. Le maître des cérémonies était le président du pays d’accueil.

Abdelmajid Tebboun a voulu jouer au grand frère (toujours la superficie !) pour gagner quelques vues sur les réseaux sociaux, indispensable pour sa calmage électorale. Les vues, il en a gagné… mais à ses dépens. 

Il tenait le président iranien de la main gauche et tendait sa droite à Tamim ben Hamad Al Thani, l’émir du Qatar. Et là, la catastrophe diplomatique. L’émir repousse la main présidentielle sans ménagement et sans la moindre crainte que le geste soit capté par les caméras. Et c’est le déchaînement sur les réseaux sociaux. 

Spécialiste des fausses réconciliations, Tebboun a déjà tenté le coup avec les factions palestiniennes. Elles s'étaient prêtées au jeu, mais par la suite, elles ont déclaré qu'elles ne voulaient juste pas embarrasser leur hôte. Et tant mieux s'il y avait aussi un peu d'oseille. 

En pleine rencontre gazière, qui n'a aboutit à rien d'intéressant, l’agence de presse algérienne (oui, oui, c’est ça, la même qui accuse les opposants algériens de caniches du Makhzen) tartine sur les percées diplomatiques de l’Algérie, son grand retour sur la scène internationale grâce à ses positions immuables. Si immuables d’ailleurs, dit l’agence, qu’elles privent le pays des investissements étrangers, ce qui démontre le grand sacrifice. Mourir de faim et ne jamais baisser la tête.

Pourtant, il faut bien la baisser de temps en temps, la tête, lorsqu’on commet de grosses bourdes. Et c’est arrivé à plusieurs reprises. La RDC avait convoqué l’ambassadeur algérien exigeant des explications au sujet de la visite du chef d’état major au Rwanda, L’ambassadeur algérien au Mali a vécu la même aventure…Il y a aussi le Nigéria...L'Algérie avait elle-même rappelé ses ambassadeurs en France et en Espagne.

Et voilà que cette main baladeuse confirme l'instabilité diplomatique de ce pays devant le nom duquel « les puissants de ce monde se prosternent", répète Tebboun.

Il n’y a que l’émir qui ne s’est pas prosterné. Et en prime on a vu comment un pays de 11.571 Km2 tord les doigts à un territoire administratif, toujours provisoire, disons-le, de plus de 2 millions de Km2. 

Bref, concluons: en présence d’un chef d’Etat on peut se moucher, mais on ne peut pas le forcer à vous serrer les paluches.