Maghreb. L'union fait la farce
L'algérien Abdelmajid Tebboun, le tunisien Kaïs Saed et le libyen Mohamed al-Menfi.

L’événement n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de bombe diplomatique, mais, il a son importance, non pas parce qu’il est mais parce qu’il cache. Une réunion de consultation entre la Tunisie, la Libye et l’Algérie ayant pour objectif de mettre en place une union des pays du Maghreb à trois. D’abord, il faut le dire, tout projet politique qui bénéficie aux populations des trois pays doit être encouragé et même soutenu. Sauf que…

Après tout qu’est-ce que la finalité d’une union si elle n’apporte pas bonheur et prospérité aux populations. 

Est-ce donc le cas? Là on est moins enthousiaste. La raison principale est qu’une union ne peut se faire qu’entre pays politiquement stables et économiquement forts. Or, aucun de ces trois pays ne répond à ces deux préalables. 

En Algérie, la gouvernance est toujours compliquée et on ne peut pas dire que des élections crédibles sont devenues la tradition. A chaque élection, il y a des problèmes que l’armée finit toujours par résoudre à son avantage. Plus encore, la Kabylie ne se sent pas concernée alors qu’on parle, tout de même, d’une population de 12 millions d’âmes. Il y a encore le problème de la souveraineté fragile. On l’a constaté avec l’incident du maillot du club marocain de football, la RS Berkane, qui affiche la carte du Maroc et dont les militaires algériens ne voulaient pas. C’est pour eux une atteinte à la souveraineté. Personne n’a pu répondre en quoi. Ni en Algérie ni ailleurs. 

La Tunisie est, quant à elle, au bord du gouffre avec une situation financière dramatique. Un fort endettement, une faible production, un tourisme qui peine à relever la tête et une situation sociale délicate. Le tout couvert par un régime autoritaire qui ne laisse aucune place à la liberté d’opinion. Le président est seul maître à bord.

La Libye n’est toujours pas unie, des années après le démantèlement du régime de Kadhafi. Le président du conseil présidentiel libyen qui a assisté à la réunion tripartite n’a aucun pouvoir de décision engageant toute la Libye. L’économie du pays repose essentiellement sur les ressources pétrolières et gazières tout comme l’Algérie. Les hydrocarbures représentent l’essentiel de leurs économies. 

Comment, dans pareille situation peuvent-ils créer une union économique? Ce n’est pas une tâche facile. Il faudrait penser à l’union douanière; à l’ouverture des frontières pour les capitaux, les personnes et les marchandises; à des politiques industrielle, agricole, budgétaire, commerciale communes. Il faudrait aussi et surtout une infrastructure financière capable de financer tous les projets de développement qui pourraient être décidés pour assoir cette union. 

Or de ce point de vue, il est déjà difficile de réunir trois monnaies aux valeurs complètement différentes, même si elles s’appellent toutes Dinar. Pour un dollar, il faut 3,15 dinars tunisien, 4,87 dinars libyens mais 134,6 dinars algériens. Un grand fossé, que les gloires du passé, réelles ou supposées, ne pourront pas combler. Ce n’est pas en rappelant les millions de martyrs qu’on y arriverait. 

A un certain moment, il faut se poser sur terre et compter avec ce qu’on a ici et maintenant. 

L’Algérie qui est à l’origine de cette idée d’union n’arrive pas à assurer sa sécurité alimentaire à cause de sa politique économique très restrictive en matière de commerce extérieur. Les importations de plusieurs produits sont interdites de manière administrative afin de protéger les réserves de change. C’est une économie dirigée d’où les nombreuses pénuries que connaît le pays. 

En Tunisie, les choses ne sont pas plus brillantes. Le pays a connu lui aussi de graves pénuries. Et là encore c’est à cause de la politique économique du président. 

La Libye, avec tous ses problèmes politiques, n’est pas affectée par le phénomène, mais la situation n’est pas stable et tout peut changer à n’importe quel moment. Il y a deux gouvernements, avec des orientations complètement opposées et dans cette situation, aucune décision engageant le pays à l’international ne peut être prise. 

On ne peut évidemment pas souhaiter aux populations de subir davantage de désagréments mais on est tenté de penser que cette idée d’union n’est qu’un coup politique dirigé conte quelqu’un. Car pourquoi créer une structure nouvelle alors qu’un cadre existe déjà, L’Union du Maghreb avec le Maroc et la Mauritanie. 

A propos de Mauritanie justement, le président algérien avait pensé l’inclure dans son nouveau projet mais elle a préféré s’abstenir. Que peut lui apporter une union sans le Maroc? Quels gains peut-elle en tirer qui seraient meilleurs que ceux qu’elle tirerait de son alliance avec le Maroc et l’Afrique de l’Ouest?

Le Maroc a développé une intégration verticale, c’est-à-dire Afrique-Maroc-Europe. L’intégration horizontale avec les autres pays du Maghreb ne présente pas pour lui un potentiel du moins pour le moment. 

Il faut remarquer en fin que l’Algérie n’a pas pu inclure sa république sahraouie, qu’elle reconnaît pourtant. Elle aurait pu le faire, mais à l’évidence, même si la Tunisie et la Libye la suivent sur le terrain de l’union, elles ne peuvent pas aller aussi loin. Or c’est justement ce que recherche le président algérien. Derrière toute action internationale de l’Algérie, se cache le Polisario. A croire que le régime algérien n’est que le prête-nom de ce groupe devenu trop puissant par rapport a régime militaire algérien. 

Une dernière pour la route. Quels sont les grands enjeux économiques des puissances mondiales aujourd’hui? C’est simple, les innovations technologiques (batteries, micro-processeurs, nanotechnologies, espace, science des matériaux, microbiologie…) les technologies agricoles, la santé, les innovations financières, le industries automobiles et aéronautiques, les énergies vertes… Toutes des activités qui dépendent de la recherche fondamentale. Si l’union ne permet pas de se placer dans cette bagarre mondiale, il faut craindre qu’elle ne soit qu’un slogan politique. Une farce pour ainsi dire.