Fourgon attaqué en France. Les surveillants de prison en colère
Plusieurs dizaines de surveillants en grève de la maison d'arrêt de Douai ont bloquent le 23 mars 2004 à Douai les extractions de détenus pour protester contre la décision de de l'administration pénitentiaire de d'installer des éléments préfabriqués. AFP PHOTO

Plusieurs centaines de surveillants pénitentiaires, "en deuil", ont pris part mercredi à une journée "prison morte" dans toute la France, alertant sur la "dangerosité" du métier après l'attaque mortelle d'un fourgon transportant un détenu qui s'est évadé, mardi en Normandie.

Devant les prisons de Fleury-Mérogis (Essonne), Bordeaux-Gradignan, Lyon, Nantes, Marseille ou Nice, des agents affichaient leur "tristesse" et leur "ras-le-bol" au lendemain de la mort de deux collègues tués à un péage dans l'Eure.

Les syndicats devaient être reçus à 13H00 par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.

"La famille pénitentiaire est en deuil, c'est un massacre", a déclaré à l'AFP Nadia Chekhad, représentante Ufap-Unsa à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, où quelque 150 manifestants se sont rassemblés.

Dans cette prison, seul un "service minimum" était prévu mercredi. Des mobilisations similaires ont été organisées à Toulouse-Seysses, Montpellier, Nîmes, Villeneuve-sur-Lot, Meaux, Caen, Rouen, Strasbourg, Mulhouse-Lutterbach, Dijon, Roanne, Riom, ou encore dans les 17 établissements des Hauts-de-France.

"Le sentiment qui domine, c'est la tristesse. On n'est pas payés pour se faire tirer dessus", a déclaré Côme Dembelle, surveillant et délégué Ufap Pénitentiaire à Montauban, à un correspondant de l'AFP.

À Caen, une soixantaine de surveillants prévoyaient une journée sans activités pour les détenus, "seulement les promenades et les repas". "On est surtout touchés parce qu'on travaillait avec eux (les deux agents tués)", a témoigné Bruno, de l'Ufap Justice, qui n'a pas souhaité donner son nom. "Les pauvres collègues n'ont pas pu réagir."

À Fleury-Mérogis, quelque 200 manifestants ont installé des barrières avec comme mot d'ordre "blocage total: pas de parloirs, pas d'activités, pas d'extractions judiciaires".

Les syndicats réclament l'utilisation de véhicules blindés, de fourgons banalisés pour éviter de devenir "des cibles", et d'armements adaptés face à des assaillants dotés "d'armes de guerre".

"On trouve systématiquement (des véhicules blindés) pour le transport de fonds mais pas pour transporter des agents, cherchez l'erreur", a déclaré Jamel, 45 ans, délégué SPS à la maison d'arrêt de l'Elsau à Strasbourg.

"On est pris pour de la chair à canon", abondait Sébastien Thévenin, syndicaliste Ufap devant la maison d'arrêt de Dijon.

"Il n'y avait pas eu de mort en service depuis 32 ans", rappelle Frédéric Liakhoff, secrétaire FO Justice à Caen. "On demande moins d'extractions, plus de visio-conférences pour les auditions", a-t-il dit, pour limiter les transports de détenus.

Plus largement, de nombreux surveillants pointent un malaise profond des agents pénitentiaires, en raison notamment du manque de personnel, des heures supplémentaires "qui explosent" et des tensions grandissantes avec les détenus sur fond de "surpopulation galopante".

"Il y a de plus en plus de conflits, on bat les records d'agressions physiques et verbales", s'émeut Guillaume Pottier, responsable Ufap-Unsa pour les Hauts-de-France.

Face à la "dangerosité" du métier, "il faut des moyens, des formations", plaide de son côté Hubert Gratraud, délégué FO Justice au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

Devant cet établissement girondin, devenu l'une des prisons symboles de la surpopulation avec un taux de remplissage dépassant les 200%, une cinquantaine de manifestants ont bloqué l'entrée avec une barrière de palettes et de pneus.

Marion Maréchal, candidate Reconquête! aux élections européennes en déplacement en Gironde, s'y est rendue mercredi matin. "Il est temps d'écouter ces agents, leurs demandes, leurs souffrances", a-t-elle déclaré devant la presse, dénonçant une "faillite d'État".

François-Xavier Bellamy, tête de liste LR, s'est lui rendu à Fresnes (Val-de-Marne) pour appeler à sortir de cette "impuissance publique".

Une journée "école morte" était également observée mercredi à l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), qui forme les futurs agents, à Agen.

Avec AFP