Les hôtels n'ont pas le droit de réclamer l'acte de mariage
Le nouveau Code pénal qui tarde à voir le jour saura-t-il garantir les libertés individuelles ?

Le débat reprend de plus belle sur les réseaux sociaux à propos de la légalité de l'exigence de l'acte de mariage pour les couples dans les hôtels mais aussi par rapport au refus d'accueillir les femmes résidant dans la même ville. Libertés individuelles, respect de la vie privée et loi marocaine feront-ils bon ménage finalement ?

C'est un débat qui ne cesse de rebondir surtout à l'approche des vacances: L'éternel problème de l'exigence de l'acte de mariage dans les hôtels. Une pratique courante qui consiste à demander aux couples de fournir la preuve légale de leur union pour pouvoir séjourner ensemble.

" Une pratique complètement illégale qui va à l'encontre de la loi marocaine et du respect de la vie privée tout comme le refus d'héberger les femmes seules dans les hôtels de leurs villes ", déclare le ministre de la justice au parlement il y a quelques jours en promettant du changement avec la nouveau Code pénal en gestation.

Votre acte de mariage SVP !

Une déclaration qui n'a pas manqué de provoquer le débat sur les réseaux sociaux en départageant les internautes. " Il est temps que les choses changent et cette pratique est en totale rupture avec le respect de la vie privée des clients. De quel droit les tenanciers d'hôtels se mêlent-ils de nos affaires personnelles ? ", s'insurge un internaute. Si ce dernier fait valoir la liberté personnelle, d'autres internautes estiment que cette pratique est un garde-fou. Ça permet aux hôtels de ne pas se transformer en "bordels" comme qualifie une internaute. Une idée qui rejoint en effet l'explication souvent fournie par les hôtels pour expliquer leur attitude : " C'est une consigne "orale" de la police pour lutter contre la prostitution ".

La réponse vient d'une autre internaute qui estime qu'on vit dans un pays qui respecte les droits humains et les libertés individuelles. Ce n'est pas aux hôtels de jouer les gardiens du temple et de dicter aux clients leur conduite ". Une joute verbale et des positions opposées par rapport à une pratique qui, même si sans fondement légal clair, reste intimement liée à la controversée loi 490. Interdisant clairement toutes relations sexuelles hors mariage, cet article du Code pénal reste la loi la plus contestée par les défenseurs des libertés individuelles. Au cœur de plusieurs initiatives et campagnes, son abolition est l'un des objectifs ultimes des activistes des droits humains.

"La source du mal"

" C'est une loi en décalage avec l’évolution de la société marocaine. L’article 490 favorise la culture du scandale " dénonce le mouvement " Hors la loi " dans une pétition lancée en solidarité avec « la voilée de Tétouan » poursuivie pour une sextape. L’article 490 stipule en effet qu’elles sont passibles « d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles».

Qualifiée de loi rétrograde, l'article 490 est en rupture avec l'évolution de la société marocaine, estime le Collectif 490 en réclamant l’abrogation pure et simple de cet article. " Il faut introduire cette abolition dans le projet de réforme du Code pénal ... Il faut absolument mettre fin à cette hypocrisie sociale et ce flagrant décalage entre la société marocaine actuelle et la justice qui la régit » réclame le collectif dans son plaidoyer.

Interdit aux femmes et aux chiens

Doublement discriminées, les femmes seules sont souvent éjectées par les réceptions des hôtels car vivant dans la même ville. Une pratique illégale selon les juristes qui reste en complète contradiction avec le principe constitutionnel de l’égalité des sexes. « Il n’y a aucun texte de loi sur lequel ces hôtels peuvent se baser pour interdire l’accès aux femmes célibataires ou seules. C’est une attitude totalement injustifiée et injuste envers la gent féminine » nous explique maître Lamia Faridi, avocate au barreau d’Agadir.

Cette membre de l’Association Femmes du Sud estime par ailleurs que c'est un comportement anticonstitutionnel. " L’article 19 de la constitution de 2011 stipule que l'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental. Cette attitude est en franche rupture avec les avancées réalisées en termes de parité et d’égalité des genres », argumente Faridi.

L'avocate rappelle que le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales pour la protection des droits des femmes notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et le Pacte des droits économiques et sociaux.

En 2014, une grande polémique a éclaté suite au refus d'un hôtel d'héberger une psychiatre de la même ville. Le ministre de l’intérieur de l’époque Mohammed Hassad, a fait une déclaration " mémorable " à la Chambre des représentants en affirmant « qu'il n’existe aucune circulaire écrite interdisant le séjour aux femmes dans les hôtels. Il s’agit peut-être d’un excès de zèle de la part de tenanciers d’hôtels »