Mbarka Bouaida : « Dans les 5 ans, Guelmim Oued Noun sera radicalement transformée »
Mbarka Bouaida, présidente du conseil régional de Guelmim-Oued Noun.

La présidente du conseil régional de Guelmim-Oued Noun, Mbarka Bouaida annonce que la région est en pleine métamorphose, avec des projets d’envergure dans les infrastructures, les services publics, et les énergies renouvelables, promettant une transformation radicale dans les cinq prochaines années. Entretien.

Images: Khalid Chouri

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : La région de Guelmim Oued Noun a bénéficié de plusieurs programmes de développement. Quels sont ces chantiers phares en cours de déploiement ?

Mbarka Bouaida : Depuis l'instauration du découpage territorial en 2015 et la décision Royale de privilégier le développement des régions du Sud, la région de Guelmim-Oued Noun a bénéficié de plusieurs programmes significatifs. Parmi ces initiatives, le programme de développement intégré, signé en février 2016 à Dakhla en présence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, occupe une place centrale. Ce programme fait partie de l'enveloppe globale de 77 milliards de dirhams annoncée lors du 40ᵉ anniversaire de la Marche Verte, destinée aux trois régions du Sud.

Guelmim-Oued Noun a reçu une part importante de ce programme, avec de nombreux projets en cours ou en phase d'achèvement. Parmi les réalisations notables, on trouve la Voie Express, le barrage de Fask, ainsi que la transformation de l'ancien hôpital régional en un hôpital universitaire, sans oublier d'autres grands projets d'envergure qui continuent de se concrétiser.

Ces projets se concentrent principalement sur le développement des infrastructures essentielles pour désenclaver la région et renforcer ses capacités.

Le premier grand programme de la région est le programme de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS), dont la mise en œuvre est prévue entre 2017 et 2023. Ce programme a rencontré un grand succès dans la région de Guelmim-Oued Noun, avec une contribution de 40 % de la part du conseil régional. Les projets réalisés concernent principalement le réseau routier, l'électrification, le raccordement à l'eau, ainsi que des initiatives liées à la santé et à l'éducation.

Le troisième programme, spécifique à la région, est le contrat État-Région 2021-2023, doté de 5,5 milliards de dirhams. Ce programme, initié pour le mandat antérieur, est toujours en cours de réalisation. Sa validation a eu lieu fin 2021, et des efforts importants ont été déployés pour sécuriser les financements nécessaires.

La région de Guelmim-Oued Noun bénéficie actuellement de plusieurs programmes de développement majeurs visant à améliorer ses infrastructures et à renforcer divers secteurs clés. Ces initiatives comprennent 37 grands projets, notamment la mise à niveau des infrastructures et le développement de plusieurs secteurs, dont l'enseignement supérieur. Plus de 600 millions de dirhams sont alloués à ce secteur pour renforcer les établissements d'enseignement supérieur dans la région.

Parmi les projets phares, on trouve également la mise à niveau des infrastructures portuaires des ports de Tan-Tan et de Guelmim, ainsi que des projets de stations de dessalement. Une station de dessalement à Tan-Tan, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, est prévue pour irriguer 5 000 hectares. Une autre station à la Plage Blanche, à 60 kilomètres de Guelmim, fournira de l'eau potable et de l'eau pour l'irrigation.

Après les élections de septembre 2021, la nouvelle équipe du conseil régional a élaboré un nouveau Plan de Développement Régional (PDR) avec une enveloppe globale de 11,7 milliards de dirhams, couvrant environ 96 projets. Ce plan quinquennal vise à atteindre des objectifs ambitieux, notamment la décarbonation d'ici 2035 et la création de 50 000 emplois d'ici 2040. À ce jour, environ 80 % des projets ont été contractualisés, ce qui montre une avancée significative.

En raison du retard accumulé, quel est l'état d'avancement des projets majeurs visant à transformer la région, et quelles mesures sont mises en place pour rattraper ce retard ?

Les projets en cours incluent l'aéroport de Guelmim, désormais opérationnel, et le barrage Fask, qui est presque achevé. La Voie Express, notamment le tronçon complexe Guelmim-Tiznit, est en phase de finalisation et devrait être achevée dans les semaines à venir, selon le ministère de l'Équipement.

La région de Guelmim-Oued Noun bénéficie également d'un hôpital régional modernisé, désormais devenu un hôpital universitaire avec une faculté de médecine ouverte en septembre 2023. Cette faculté a accueilli une centaine d'étudiants à ses débuts. D'autres projets importants incluent la création d'une ceinture verte de plus de 80 hectares, déjà en cours de réalisation, et le développement d'infrastructures scolaires avec de nouvelles écoles, collèges et lycées déjà achevés et opérationnels.

Concernant le Plan de Développement Intégré (PDI), plusieurs autres projets sont en préparation. Un contrat État-Région de 5,5 milliards de dirhams est également en cours de mise en œuvre. La station de dessalement à Tan-Tan, supervisée par le ministère de l'Agriculture, a vu ses études de faisabilité finalisées et un site a été choisi. Les stations de dessalement de Tan-Tan et de Guelmim à Plage Blanche sont désormais intégrées à la feuille de route nationale et seront réalisées en collaboration avec les ministères de l'Agriculture, de l'Équipement et de l'Eau.

La mise à niveau des ports, en collaboration avec l'Agence Nationale des Ports, est un autre projet qui démarrera bientôt. Plusieurs institutions internationales font également confiance à la région et la soutiennent dans ces initiatives, renforçant ainsi le potentiel de développement à moyen et long terme.

Par exemple, la Société Financière Internationale (SFI) nous soutient avec un prêt de 40 millions de dollars. Nous collaborons également avec la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) sur des projets liés à l'eau, avec un premier prêt de 135 millions de dirhams, assorti d'une assistance technique et environnementale substantielle.

Nous travaillons activement à la mise en œuvre des conventions du plan de développement régional. Parmi elles, une convention de plus de 2 milliards de dirhams pour les infrastructures routières, signée il y a un an avec le ministre de l'Équipement. En juillet 2024, nous avons validé une convention de 1,2 milliard de dirhams pour la mise à niveau urbaine, un programme d'urgence destiné à toutes les provinces et qui sera déployé rapidement pour répondre aux attentes croissantes de la population.

Nous avançons sur la bonne voie en termes de projets, en rattrapant le retard accumulé et en préparant notre région aux défis du 21e siècle. Notre plan de développement régional repose sur trois axes : rattrapage, préparation et transformation. Nous devons rattraper notre retard dans un délai très court, préparer notre région pour l'avenir et, avec ces efforts, transformer durablement notre territoire.

Qu'en est-il des projets d'hydrogène vert prévus dans la région, et quelles ambitions sont affichées dans ce secteur ?

En ce qui concerne le projet d'hydrogène vert, nous ambitionnons de faire de la région de Guelmim-Oued Noun une véritable capitale internationale de l'hydrogène vert. Grâce à son positionnement stratégique et à son potentiel considérable, la région peut jouer un rôle central dans ce domaine.

La feuille de route de l'hydrogène vert, présentée récemment, intègre fortement Guelmim-Oued Noun, et nous en sommes très fiers. Nous avons commencé à recevoir des investisseurs depuis plusieurs années et avons facilité leur tâche grâce à un travail remarquable des autorités locales. Nous avons identifié plusieurs sites pour abriter ces projets. Cependant, notre objectif n'est pas simplement d'accueillir des projets, mais de créer un écosystème dynamique et durable

Nous ne voulons pas être un partenaire passif, mais bien un acteur dynamique, en accord avec la vision de Sa Majesté pour un Maroc prospère. Notre objectif est d'accompagner les grands projets crédibles et de les intégrer dans une économie réelle et dynamique.

Nous aspirons ainsi à créer un écosystème économique intégré, qui ne se contente pas seulement d'exploiter nos terres pour produire de l'énergie verte, mais qui utilise cette énergie pour développer localement des industries en amont et en aval. Cela nécessite des formations spécialisées, des zones d'activités économiques, et une infrastructure portuaire adaptée.

Nous travaillons sur des projets de zones d'activité économique et envisageons un nouveau port dédié aux énergies renouvelables. À l'image des grands ports stratégiques du Maroc tels que Tanger Med, Nador West Med, et Dakhla Atlantic, pourquoi ne pas imaginer Tantan Atlantic, un port dédié aux énergies renouvelables ? Ce projet, basé sur un partenariat public-privé, pourrait propulser encore plus la région sur la scène internationale.

Le volet formation des compétences locales fait partie intégrante des différents plans de développements dédiée à la région. Quelles ambitions dans ce sens ?

Nous nous préparons pour cet avenir prometteur en renforçant l'attractivité de notre territoire par le biais d'infrastructures solides : ports, aéroports, lignes aériennes, et infrastructures sanitaires, y compris des hôpitaux universitaires et de proximité.

La centralité géographique de notre région permet également d'attirer de nombreux étudiants du Maroc et d'autres pays africains, favorisant ainsi la création d'un véritable pôle universitaire. Nous développons des institutions telles que l'institut des mines à Assa, la cité des métiers et des compétences, et collaborons avec des organismes comme l'OFPPT pour des projets comme l'ISTA et avec le ministère de l'Enseignement pour des établissements tels que l'EST et la faculté d'économie et de gestion. Nous avons aussi établi des partenariats avec des universités de renom, notamment l'UM6P, que nous considérons comme un modèle au Maroc.

L'idée est de réorienter nos jeunes vers les métiers d'avenir et de libérer les énergies au sein de la région. En mettant en place ces initiatives, nous espérons réussir une transformation significative de notre région.

Quels obstacles ont entravé le développement de la région jusqu'à présent, et quels leviers peuvent être activés pour assurer un décollage effectif ?

Aujourd'hui, les leviers à activer pour accélérer l'ensemble de nos projets reposent principalement sur plusieurs aspects. Tout d'abord, nous avons travaillé intensément ces dernières années sur la contractualisation, la conviction de nos partenaires, et le financement. Nous avons exploité les leviers de financement disponibles grâce à l'État, y compris le recours à des financements externes, ce qui nous a permis de sécuriser une bonne partie des financements nécessaires.

Cependant, plusieurs défis restent à relever. Le premier défi est celui des compétences. Nous ne pouvons pas travailler seuls ; il est crucial de développer un écosystème capable d'attirer et de rémunérer les compétences nécessaires.

Le deuxième défi est la mise en place d'organes de gouvernance efficaces et capables d'absorber tous ces projets avec la rapidité souhaitée. Le législateur, en offrant une certaine flexibilité, nous a permis de mettre en place l'Agence régionale d'exécution des projets il y a un an et demi. Cette agence a déjà pris en charge de nombreux projets importants et a commencé à les réaliser avec succès. Les projets ont été lancés, suivis, et nous avons prouvé notre capacité à les mener à bien lorsqu'on dispose des organes de gouvernance et des compétences nécessaires.

Nous lançons également des Sociétés de Développement Régional (SDR). Nous avons commencé par la Société de Développement Régional Touristique, qui est en cours de mise en place. Le conseil a voté pour la création d'une Société de Développement Régional Culturel, et nous préparons actuellement un projet de SDR Aménagement. Ces sociétés nous permettront d'accélérer le suivi et l'exécution des zones d'activités économiques, des programmes de mise à niveau, et d'autres initiatives.

En complétant notre schéma de gouvernance avec ces organes spécialisés, nous pourrons aller beaucoup plus vite et répondre aux attentes croissantes de notre population.

Quelle est votre vision pour l’avenir de la région de Guelmim-Oued Noun ?

L'avenir de la région Guelmim-Oued Noun s'annonce très positif. De nombreux projets prometteurs sont en cours, et des initiatives concrètes sont déjà en place. La voie express, par exemple, jouera un rôle crucial dans le désenclavement de la région, améliorant ainsi la connectivité et facilitant les échanges économiques. L'ouverture à de nouvelles compagnies aériennes au niveau national, qui inclura également notre région, créera une dynamique de mobilité accrue.

Des sites touristiques ont été identifiés et développés, offrant une opportunité de croissance significative pour le secteur du tourisme. Les énergies renouvelables représentent également un domaine clé, avec des projets crédibles qui intégreront l'industrialisation, créant ainsi des emplois et stimulant l'économie locale.

Je suis convaincu que dans les cinq prochaines années, la région sera méconnaissable par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Nous avons une vision claire et des projets en cours qui apporteront des améliorations tangibles. Par exemple, dans le domaine de la santé, les efforts que nous avons déployés ces dernières années commenceront à porter leurs fruits.

Le secteur privé commence également à investir dans la région, témoignant de la confiance croissante en notre potentiel. Le conseil régional continue de soutenir le secteur de la santé en renforçant la contractualisation, en animant des caravanes médicales et en créant des conditions de vie favorables pour le personnel médical.

Les citoyens commenceront à voir et à apprécier les résultats de ces efforts. Nous avons mis en place des initiatives qui auront un impact positif et durable sur la qualité de vie dans la région, et je suis optimiste quant à notre avenir commun.

Et à mon avis, ce développement se fera de manière de plus en plus accélérée. Nous avons commencé avec un rythme soutenu, en passant par des phases importantes préalables à ces projets. Ces étapes initiales ont permis de poser les bases solides nécessaires. Aujourd'hui, l'objectif est d'adopter un rythme encore plus rapide. C"est précisément ce que nous tentons de faire, en travaillant en parallèle sur plusieurs fronts.