​​​​​​​Réseaux sociaux, « siba » c’est fini !
Les réseaux sociaux un terrain de chasse privilégié des cyber agresseurs

Le temps où l’on pouvait s’attaquer ouvertement aux gens sur les réseaux sociaux, s’adonner à la diffamation ou encore manigancer, en se cachant derrière son écran, est bien révolu ! Trêve de « siba » (anarchie) ! Une loi protégeant les victimes existe et la prison attend ceux qui font fi des « bonnes manières ».

« Moula nouba »« C’est mon tour ! J’attends depuis des jours pour pouvoir b... cette blonde en chaleur », « Les amis, je suis bien plus âgé que vous autres, alors cédez-moi votre tour. Je veux la s... avant de mourir », « Mon frère a le RAMED. Pourrait-il bénéficier de ce service ou non ? », « SVP ! Un prétendant est aveugle, il faudrait lui donner la priorité et lui céder le tour le pauvre », « Ecoutez, ne vous bousculez pas au portillon ! Tous le monde aura droit à un coup avec Sofia. Veuillez juste faire la queue et attendre votre tour. Elle est disponible pour tous le monde, ne vous en faites surtout pas ! »... Ce sont quelques exemples des centaines de commentaires publiés sur le compte instagram de l’influenceuse marocaine Sofia Berbich, en juillet dernier. Juste quelques échantillons du magma d'insultes ayant noyé le mur de l'influenceuse.Des propos sarcastiques, diffamatoires et profondément sexistes que des followers et autres internautes ont proféré contre la jeune femme suite à la rupture de ses fiançailles avec Habbat, un autre influenceur fitness. Une campagne de diffamation sur fond d’insultes, de harcèlement sexuel et de violence verbale qui s’est déclenchée et s’est propagée dès l’apparition de Sofia dans le clip de la chanson à succès de Nouaman Belaiachi lancé en juillet.Le courage de riposter Mais c’était sans compter avec la coriacité de la jeune influenceuse aux milliers de follwers. Nullement intimidée par la virulence de l’attaque, elle a aussitôt réagi en portant plainte auprès du procureur. Elle annonce la nouvelle dans une story instagram révélant, à la grande surprise de ses détracteurs, qu’elle avait intenté des poursuites judiciaires contre tous ceux qui l’avaient insultée via des commentaires sur les réseaux sociaux.Avec ironie, Sofia Berbich annonce par la suite l’organisation d’un voyage spécial en Suisse (surnom mignon pour la prison) pour tous ceux qui se sont attaqués à sa personne sur les réseaux sociaux. « Simo a déjà gagné le meilleur voyage avec nous, votre tour arrivera également », promettait-elle à ses harceleurs, sur un ton triomphant.Victimes, la loi vous protège !« Effectivement la loi marocaine protège les victimes de violence numérique. Mieux encore les agresseurs risquent jusqu’à 3 ans à 5 ans de prison et c’est ce que, malheureusement, beaucoup de victimes et de harceleurs ignorent », explique à L’Observateur du Maroc et d’Afrique, Bouchra Abdou, directrice de l’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC). Le texte dont parle l’activiste féministe n’est autre que la loi 103-13 relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Un texte qui offre aux femmes et aux hommes aussi une certaine protection contre la cyber-violence même si ce n’est pas spécifiquement défini en tant que « forme officielle » de violence.« Ceci dit si une victime de n’importe quelle forme de violence numérique décide de protéger ses droits et de porter plainte auprès des autorités, la loi est aussitôt activée et des poursuites judiciaires enclenchées contre le ou les agresseurs. Il suffit d’avoir le courage de passer à l’action et surtout d’être conscient de l’existence de cette loi », nous affirme au téléphone Bouchra Abdou qui côtoie au quotidien ce type de victimes.La prison vous attend « Je tiens à affirmer aux victimes que la loi les protège et qu’elles ou ils doivent avoir le courage de porter plainte. Les exemples sont nombreux de droits restitués dans ce type d’affaires », ajoute l’activiste de Tahadi. Elle nous raconte l’histoire de cette femme de ménage qui travaille au « Moukef » à Casablanca. Longtemps harcelée par un concierge du quartier pour coucher avec lui, un jour il vient l’insulter car elle a eu des relations sexuelles avec un autre homme. Pire, il lui donne les détails de l’étreinte et la couleur des sous-vêtements qu’elle portait ce soir là. Scandalisée la jeune femme demande de l’aide auprès de l’ATEC et porte plainte auprès de la police.On découvre par la suite que le dit concierge aurait placé des caméras de surveillance discrètes dans une garçonnière du quartier où se rendent clandestinement des couples non mariés. « Il a été condamné à trois ans de prison. Et la jeune femme n’a pas été poursuivie par l’article 490 qui fait tellement peur aux plaignantes dans le cas de relations sexuelles hors mariage », rassure Bouchra Abdou. Autre exemple, celui d’une célébrité qui a été harcelée pendant longtemps par un fan persécuteur sur les réseaux sociaux. « Il a créé un faux compte en postant les photos personnelles de cette célébrité en prétendant qu’il était son amant tout en la bombardant de messages en privé. Terrorisée, elle a fini par porter plainte et le harceleur fut arrêté et condamné à la prison ferme », raconte l’activiste.Faites gaffe !Un tas d’exemples qui se rajoutent aux récentes opérations menées ces derniers jours par la police et les services de veille informatique de la DGSN. Pas plus loin que la semaine dernière, six individus dont un mineur ont été arrêtés pour diffusion de fausses informations et incitation à l’immigration illégale sur les réseaux sociaux. Les services de veille informatique de la Sûreté nationale ont repéré des publications et des contenus numériques faisant état de la préparation d'un assaut contre le grillage de sécurité situé entre la ville de Fnideq et Sebta. Les enquêtes techniques et les investigations sur le terrain ont permis d'identifier les suspects âgés de 16 à 31 ans, dans les villes de Tétouan, Casablanca, Souk Larbaa, Ksar El Kébir et Tanger.Sur le même registre, mardi 3 septembre, une nouvelle tentative d’immigration illégale a été avortée par la police de Beni Ensar au nord de Nador et 72 candidats arrêtés. Une opération déclenchée suite à la détection de publications à ce sujet sur les réseaux sociaux. Ces dernières incitaient à l’organisation d’une opération collective de migration illégale depuis Beni Ensar. Ces posts faisaient part des plans élaborés pour réussir la tentative. Aux aguets, les services de veille informatique ont déjà pisté suite au séisme d’Al Haouz, les publications pédophiles sur les réseaux sociaux appelant à l’exploitation des filles fragilisées par la catastrophe.Là encore, des arrestations et des poursuites judiciaires ont été enclenchées contre les auteurs de ces posts ; en affirmant que l’ère de la "siba" sur les réseaux sociaux est bien révolue. « Le grand problème, c’est que beaucoup de gens ignorent encore jusqu’à l’existence d’une telle loi. Ils se croient à l’abri des poursuites derrière leur écran, or c’est juste un leurre. Il est temps d’apprendre à respecter autrui, sinon la loi s’en chargera », met en garde l’activiste. A bon entendeur !P.SLoi du silence Selon une enquête réalisée par ATEC en 2019 sur la violence numérique, 87 % des femmes victimes de violence numérique ont pensé au suicide, 20 % sont passées à l'acte sans succès et une femme s'est donnée effectivement la mort après avoir subi une cyber-attaque. Seulement 34 % des femmes et des filles marocaines ayant subi des cyber-attaques ont pu briser le silence et dénoncer la violence numérique auprès de la police ou auprès de leurs proches. Tandis que 66% n'en ont jamais parlé à qui que ce soit. Elles ont préféré affronter leur calvaire seules et sans défense.