Libre cours

Par Naïm Kamal

Jeudi, 9h 30. Si tôt et Il fait déjà chaud, très chaud. A la descente d’avion, une bouffée de chaleur envahit les voyageurs. Mes lunettes s’embuent et ce qui me sert de cervelle se dilate comme pour rompre tout contact entre les synapses. Ce n’est finalement pas par hasard si c’est dans les environs qu’on a élu domicile pour le complexe solaire Noor. 1 h 20 en ATR depuis Casablanca et on est déjà loin de la vie débordante des grandes villes du Royaume. Ainsi va Ouarzazate dès que l’été pointe ses degrés Celsius. Dix minutes de l’aéroport qui n’a d’aéroport que son unique piste, à l’hotel, et pas âme qui vive. Enfin presque. Seuls quelques courageux touristes retardataires rappellent qu’en d’autres saisons la ville aux larges artères bien structurées offre un visage plus accueillant, plus chaleureux, j’allais dire.

« Il est tout de même désarçonnant qu’à Ouarzazate, le Hollywood marocain, le seul cinéma qu’elle abrite soit fermé ». En une virgule un point, Aziz Akhannouch résume le désert culturel de la Région de Draâ-Tafilalat. En face de lui les trois-cents jeunes RNI réunis en conclave régional applaudissent pour signer leur adhésion.

La veille, je me suis retrouvé au siège local du parti de la colombe où des jeunes discutaient en attendant l’arrivée de leur président. Un instant j’ai fermé les yeux. Mon voisin qui pensait que je m’étais assoupi tenta de me réveiller d’un coup de coude qu’il croyait discret. Je cherchais seulement à échapper au lieu pour mieux me concentrer sur le jeune, Farid Outaha, c’est son nom, parler du présent qu’il veut, de l’avenir qu’il conçoit, des rêves qu’il porte... En somme, des espoirs que j’ai nourris à son âge, des ambitions de tout jeune d’aujourd’hui.

Vendredi, aux alentours de 17 h. Le thermomètre est toujours au beau fixe. Le hall de l’hotel tourne au ralenti. Pas pour longtemps. Sans préavis, une subite agitation gagna les lieux, des serveurs s’alignent. Une foule de personnes jusque-là tapie dans le creux des fauteuils s’empressa en direction de l’entrée.

Aziz Akhanouch, entouré de membres du Bureau politique, fait son arrivée. Il est souriant dans son costume qui me semble d’un bleu roi, et si ce n’est pas d’un bleu roi, il n’en est pas très loin. Il serre quelques mains, un mot gentil pour chacun et tente sans brusquerie de se frayer un passage vers la salle où se tiendra la réunion décentralisée du BP. Une tradition qu’il a mise en place pour sortir la décision de sa tour d’ivoire et la rapprocher des gens. Un maillon dans la lutte pour le désenclavement des régions isolées de tout qu’il développera longuement devant ses militants.

Au menu du BP, les questions de l’heure. L’évaluation périodique du travail gouvernemental, la grève des étudiants en médecine et la perspective malheureuse d’une année blanche. La loi organique sur l’amazigh figurait en bonne place

dans l’ordre du jour. Pour la ‘’moitié’’ de Soussi qu’il est, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Il en dira le lendemain devant les jeunes du RNI que ce n’était pas une simple question de langue ou de son caractère, mais une cause nationale qui détermine l’identité du vivre ensemble marocain.

Des interventions, un sous-entendu ne passera pas inaperçu, celui de Saïd Chbaatou, membre du Bureau politique, s’en prenant à l’acception de la notabilité en politique. Il n’est peut-être pas le mieux placé pour en parler, mais sur le fond, il

a raison. Ce concept archaïque doit céder à la vraie notabilité d’aujourd’hui qui tire sa légitimité de la volonté des électeurs librement exprimée. Disait-il tout haut ce que Aziz Akhannouch pense tout bas ? Sans doute, mais je n’aurai pas le temps de lui poser la question. De Ouarzazate, il trace son chemin sur Zagora et de là, sans escale, à Düsseldorf en Allemagne à la rencontre des Marocains du Monde, où il n’aura pas le temps de se rendre compte du « choc des civilisations ». Moins de 48

h et il est à son bureau au ministère de l’Agriculture. Aziz Akhannouch ne rechigne pas à payer de sa personne, et probablement de sa poche, dédiée à une ambition politique qui ne pourrait être frappée d’illégitimité dès lors qu’elle se met au service d’un projet de société.