DIMANCHE: Le fantôme de Khomeiny
Vincent HERVOUET

En général, la guerre approche quand on voit les ministres des Affaires étrangères bousculer leur emploi du temps et se précipiter en Suisse, toutes affaires cessantes. Ce week-end, c’est précisément le contraire. John Kerry a abandonné le Proche-Orient et a retrouvé Laurent Fabius à Genève où le Britannique William Hague et l’Allemand Guido Westerwelle les ont rejoints pour parler de paix. Depuis 36 heures, les agences de presse psalmodient qu’un accord historique est à portée de main avec l’Iran. Emballement médiatique et politique, en stéréo. Toujours dangereux de négocier sous la pression indiscrète des médias. L’accord a fait long feu. Les participants se quittent en se donnant rendezvous. Les palabres qui durent depuis dix ans reprendront dans dix jours, la belle affaire ! On verra alors si les Iraniens parviennent à troquer l’abandon des centrifugeuses contre la suspension des sanctions. L’arrêt de l’enrichissement contre l’arrêt de l’appauvrissement.

En attendant, ils ont été incapables de donner à Laurent Fabius les garanties raisonnables qu’il réclamait. L’arrêt de la filière au plutonium qui n’a d’intérêt que militaire. La réduction à 5%, le niveau nécessaire aux centrales civiles, du stock d’uranium déjà enrichi à 20%. L’acceptation de visites-surprise de l’AIEA, la police nucléaire. Autant de garanties qui sont prévues par le Traité de Non-Prolifération signé par Téhéran. La négociation a surtout mis en évidence le mélange d’idéalisme et de cynisme qui semble la marque de l’administration Obama. John Kerry était prêt à sauter sur n’importe quel compromis pour satisfaire une opinion publique toujours prompte à s’enthousiasmer pour la paix. De quoi justifier le mépris dont l’ayatollah Khomeiny accablait l’Amérique et que son successeur Ali Khamenei réserve à Paris dont il dénonce « l’attitude imprudente et inepte ».