Une campagne anti-Benmoussa est née des bruits suscités suite à un tweet de l’ambassadrice de France à Rabat. Ces éclairages exclusifs remettent les pendules à l’heure.

Mohammed Zainabi

Tout a commencé avec un tweet publié par l’ambassadrice de France à Rabat, vendredi 5 juin 2020 à 15H34. Hélène Le Gal y remerciait Chakib Benmoussa de lui avoir présenté « un point d’étape » de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) dont il est président. « De très belles perspectives pour le nouveau pacte économique », conclut la diplomate.

L’ambassadrice de France à Rabat était loin de s’imaginer que ces 32 mots allaient provoquer un tollé sur les réseaux sociaux. Cinq heures après la publication de son tweet, cette première réaction tombe.

Son auteur signale aux Marocains que le président de la CSMD a « remis le plan de développement du Maroc, non encore adopté, à des parties étrangères ». Les ténors d’Al Adl Wal Ihssane Hassan Bennajeh et Omar Iharchane étaient les premiers à embrayer. Parlant notamment d’« humiliation pour les Marocains », leurs tweets incendiaires en appelleront d’autres.

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En voyant certains souffler sur les braises, un commentateur réplique avec humour : «Twitter est froid, écrivons اقالة_شكيب_بنموسى#». Son ironie va s’avérer prémonitoire. Sous ce même hashtag, une pluie de tweets s’est aussitôt abattue sur le réseau au petit oiseau bleu.

Protestations, indignations et insultes s’enchaînent. Quelques réactions, publiées en français, essaient d’expliquer qu’il n’a jamais été question ni de plan, ni de projet dans le tweet d’Hélène Le Gal, en vain. A force de tweets et de retweets, une campagne anti-Benmoussa est lancée.

Pour tenter de calmer les esprits, vendredi 5 juin à 20H19, la CSMD réagit

Les autres ambassadeurs évoqués dans ce tweet sont ceux de la Grande Bretagne et des États-Unis, comme nous le précise un membre de la CSMD. Il se dit étonné des réactions suscitées par la récente rencontre en date avec l’ambassadrice de France. Il ajoute : « Dans aucune de ces rencontres, il n’a été question de rapport sur le projet de modèle de développement » . Il rappelle, au passage, qu’il n’y a encore aucun rapport et donc pas de sujet. «Le seul et unique destinataire du rapport, quand il y en aura un, c’est le Roi», tranche notre source.

Explications de l’ambassade de France

La CSMD ayant réagi, L’Observateur du Maroc a appelé l’ambassade de France pour recueillir ses explications. En réponse, c’est le porte-parole de cette ambassade, Sameh Safty qui nous les a fournies. Les voici dans leur intégralité :

«Le travail d’un ambassadeur dans n’importe quel pays est de rencontrer les responsables du pays où il est accrédité, pour bien comprendre les enjeux et les défis de ce pays et d’en tirer des perspectives pour les relations bilatérales. C’est d’ailleurs le travail que fait Monsieur Benmoussa à Paris où il peut se faire faire des points d’étape par les responsables français sur les sujets qui l’intéressent.

L’ambassadrice ne s’est pas précipitée pour s’informer sur la Commission spéciale, puisqu’elle a attendu six mois et une première étape avant de le faire. D’autres ambassadeurs ont discuté avec Monsieur Benmoussa avant elle.

Monsieur Benmoussa étant également ambassadeur du Maroc à Paris, c’est une raison supplémentaire pour s’entretenir de nombreux sujets d’intérêt commun.

L’ambassadrice est au service de la relation franco-marocaine et cherche par les entretiens qu’elle a avec les responsables marocains à l’approfondir en toute transparence et sans aucun esprit exclusif.»

Un coup d’épée dans l’eau

«La campagne anti-Benmoussa s’est estompée aussi rapidement qu’elle a été lancée», commente un jeune istiqlalien. L’Observateur du Maroc l’a contacté pour en savoir plus sur sa position. Et pour cause ! il est membre du département de la Jeunesse qui a publié, hier soir, un communiqué allant dans le sens des tweets réclamant la démission de Chakib Benmoussa. Le jeune militant tempère : « Ce communiqué a été publié sans la large concertation nécessaire pour ce genre de sujets ». Un membre du comité exécutif du parti de la balance abonde dans le même sens : « Comme vous le savez, les positions officielles du parti de l'Istiqlal sont exprimées par les instances décisionnelles et exécutives du parti conformément aux statut et règlement du parti. »

A l’instar de la Jeunesse du parti de la balance, certains analystes ont été eux aussi recadrés après leurs sorties anti-Benmoussa. Cette déclaration résume la contre-analyse de leurs pourfendeurs : « En parlant à l’ambassadrice d’un pays ami, le président de la CSMD n’a pas commis de péché capital, comme certains veulent le faire croire. Leur fatwa est ridule parce qu’elle est hors sujet. »