Liban : une instabilité explosive

 

Par Ahmed Charaï

 

Ce qui s’est passé à Beyrouth est une vraie tragédie humaine. 150 morts, des milliers de blessés, 300 000 personnes sans domicile, 5 milliards de dollars de dégâts, le bilan est lourd. Nul ne peut éviter d’être submergé par l’émotion face à ce désastre. Mais le Liban est fracturé depuis longtemps. Alors qu’il était considéré comme la Suisse Arabe dans les années 60, qu’il était un havre de paix, de tolérance, de création intellectuelle, la confessionnalisation à l’extrême a abouti à la constitution d’une clique où 16 familles se partagent les richesses du pays.

Ce pays est quasiment en faillite. Son économie «casino», basée sur un système financier ultra-dépendant des capitaux étrangers et du tourisme est terrassée. La livre libanaise a perdu 80% de sa valeur face au dollar en quelques mois. Cela a entrainé la disparition de la classe moyenne. La moitié des Libanais sont, désormais, sous le seuil de la pauvreté, même quand ils ont un emploi, parce que l’inflation est infernale.

«Save children», ONG internationale, estime qu’un demi-million d’enfants libanais risquent la faim. La destruction du port, unique ouverture du Liban, va accentuer le drame alimentaire, surtout que tous les silos ont été détruits.

L'exaspération des populations est à son comble. Le fait que le Nitrate soit déposé depuis 2014, n’est qu’un indicateur de la déliquescence de l’État.

Cela ne date pas d’hier. L’accord politique, pour répartir les pouvoirs entre les 3 communautés les plus puissantes, s’est transformé en un système clanique, sans vergogne. Nabih Berri est président du parlement depuis 40 ans ! les mêmes familles se partagent le pouvoir depuis toujours. Corruption, népotisme, petits arrangements entre copains ont fini par alimenter une défiance généralisée.

Emmanuel Macron, n’a pas montré grand respect pour les dirigeants politiques libanais. « Je leur proposerai une réforme politique et s’ils ne répondent pas au 1er Septembre, je prendrai mes responsabilités », martelait le Président français devant les caméras de télévision à Beyrouth. Il sait qu’il n’y a plus d’Etat libanais.

Le Liban est une poudrière

Il faut être aveugle, méconnaitre l’histoire, pour croire que l’instabilité au Liban ne déteindra pas sur l’ensemble du Moyen-Orient. La guerre civile libanaise a alimenté le terrorisme mondial.

Mais le Liban est le terrain de jeu de puissances régionales et mondiales. Ces influences ont figé, sclérosé le système politique. En vérité, le grand gagnant entre toutes ces puissances c’est l’Iran.

Il a créé une milice qui s’est transformée en parti politique: le « Hezbollah ». Nabil Berri lui a vendu le contrôle des chiites contre la présidence du parlement à vie. Aujourd’hui c’est le Hezbollah qui fait et défait les gouvernements. Il est militairement cinq fois plus puissant que l’armée libanaise. C’est une hypothèque empêchant un véritable État démocratique, ce qui est pourtant une revendication populaire transconfessionnelle. Désarmer le Hezbollah est une condition sine qua non pour reconstruire le Liban.

Que la France s’engage c’est louable, mais ce n’est pas au niveau des enjeux. L’Europe n’a pas de position commune, les pays arabes non plus. Or il s’agit tout simplement de la stabilité de la région la plus inflammable du monde : le Moyen-Orient.

Des pays comme la Jordanie, Israël, ne peuvent pas se désintéresser de la faillite de l’État Libanais. Un plan Marshall contre de véritables réformes politiques, sous une pression de la communauté internationale, c’est l’unique solution et elle est urgente.

C’est le seul moyen pour établir la paix et la prospérité dans toute cette région.