Yahya ou l’art de l’impossible

Installé entre Londres et Marrekch, Yahya Rouach, le designer maroco-britannique le plus raffiné du monde a su au fil des années sublimer l’art ancestral de la dinanderie vieux de 8 siècles. Sollicité par les grands de ce monde, monarques, milliardaires, hommes d'affaires, chefs d'Etats..., ce génie des luminaires en quête de perfection et particulièrement sensible au « beau » est apprécié pour son art mêlant élégance orientale et minimalisme occidental.

Créés à la main, ses pièces uniques sont des chefs-d’œuvre à la touche sophistiquée qui reflète le pur caractère de cet autodidacte aux multiples facettes et dont les explorations artistiques basées sur les techniques des artisans dinandiers et joailliers, ont été exposées internationalement à Paris et à Marrakech. Rencontre avec un orfèvre de la dinanderie pas comme les autres qui nous dévoile en avant-première sa toute nouvelle collection.

 

 

 

 

Né à Londres en 1972, d'une mère chrétienne anglo-allemande et irlandaise et d'un père juif marocain originaire de Meknès, Yahya découvre son côté artistique il y a une quinzaine d’années lors d’un voyage à Marrakech. Eblouit à l’époque par la beauté des lustres traditionnels, il décide d’exporter l’artisanat marocain à l’international et notamment en Angleterre, avant de se découvrir une véritable passion pour la création. Réputé dans le monde entier, il est désormais une référence en termes de design et de sculptures dans le milieu de l’art contemporain.

Récompensé en 2013 par le roi Mohammed VI de l'Ordre de Mérite National Wissam Al Mokaafa Al Watania, pour sa contribution à l'art et au design marocain, Yahya manie le métal et le façonne comme personne. Créées à la main, ses œuvres d’une rare beauté, à mi-chemin entre Orient et Occident, fascinent les créateurs du monde entier et leur conception reste encore un mystère pour beaucoup d’entre eux. Immersion dans le monde d’un magicien des temps modernes qui brouille les codes du design dont il est le seul capable de déchiffrer.

 

 

 

Comment êtes-vous passés d’un importateur d’artisanat à un véritable créateur.

 

Le déclic, je l’ai eu lors d’un voyage à Marrakech il y a une quinzaine d’années environ. Et c’est mon fils qui m’a en quelque sorte ouvert les yeux sur ce qui allait devenir plus tard mon métier puis ma passion. Petit, je dessinais très mal à l’école, et donc, je n’ai jamais pensé faire carrière dans l’Art. Je me rappelle encore de cet hôtel à Marrakech, mon premier fils était malade et n’arrêtait pas de pleurer puis, comme par magie, il s’est calmé, il fixait le plafond et semblait émerveillé par la beauté des lustres qui y étaient accrochés… et c’est à ce moment précis où je me suis rendu compte de ce que je voulais faire. Je suis tombé amoureux de la lumière, des couleurs…j’ai commencé alors à vendre des produits d’artisanat en Angleterre jusqu’au jour où un client américain me demande de lui réaliser sur cuivre un luminaire que j’ai moi-même dessiné.

 

 

C’était un défi à l’époque pour persuader les artisans dinandiers d’innover car l’idée de luminaires, de sculptures, de mobiliers ou décorations modernes n’entrait pas dans le cahier de leurs savoirs. Mais on a réussi, et le résultat était bluffant. Et c’est de là où tout est parti. J’ai eu plusieurs commandes que j’ai écoulé en un temps record et j’ai décidé alors de passer d’un simple importateur d’artisanat traditionnel marocain vers l’Angleterre, à un créateur qui devait se démarquer de la concurrence. J’ai réalisé à cet instant que j’étais d’abord un artiste et que je ne pouvais vivre sans créer. Et en 2005, j’ai ouvert ma galerie à Marrakech.

 

Qu’est ce qui vous inspire pour vos créations ?

 

 

Vu mes origines multiples, j’ai plusieurs sources d’inspiration : Angleterre, Allemagne, Maroc, cultures juive, chrétienne et musulmane…. De plus, j’ai toujours été subjugué par le savoir-faire de nos artisans. Nous avons les meilleurs artisans au monde ! Avec eux, j’essaie toujours d’innover et de faire du « jamais vu ». J’aime montrer qu’on a des génies au Maroc, qui sont capables de penser à l’extérieur du cadre. C’est une grande fierté pour nous.

 

Quels sont vos matériaux de prédilection ?

 

Le métal, le bronze, le cuivre, le laiton, le bois, le verre, le cristal, l’argent, l’or, …ça dépend, en Italie par exemple, j’ai fait tout un mur en or. En fait, ce qui m’attire, c’est le savoir-faire et le raffinement de nos artisans, et l’extrême précision de leur technique qui me permet de réaliser ce que je veux. Je suis obsédé par « le beau », pas la série. Je conçois des bijoux qui peuvent aussi bien devenir une sculpture de dix mètres qu’un accessoire ou ornement de taille modeste. Ce qui compte pour moi, c’est à la fois l’union de matières rares, comme l’or ou l’argent avec des pierres précieuses, et toujours au service d’une forme exclusive par sa beauté et son élégance.

 

 

 

Pourquoi cette attirance pour le beau ?

 

Comme je suis autodidacte, je ne suis attiré que par ce qui m’émeut. Les clients, bien qu’ils viennent de cultures différentes, ce qui les unit, c’est le beau et l’amour de la beauté. Je ne suis pas intéressé par l’art choquant et mes œuvres ne véhiculent pas des messages politiques. Le beau nous réunit, nous émeut. On n’est pas juste un cerveau et un corps, on est aussi une âme !

 

La lumière est la pièce maitresse de votre travail ?

 

Oui, la lumière m’a toujours intrigué, elle me fascine. C’est ce qui donne vie à mes créations et ça me passionne. C’est quelque chose qui me touche et qui m’émeut profondément. Ses effets vous reposent et vous procurent une sensation de béatitude qui vous envahit et vous enchante…c’est magique.

 

Vous êtes aussi attentif à l’espace et aux lieux qui accueillent vos créations ?

 

 

 

Oui, absolument. Avant de concevoir une œuvre, je me déplace d’abord sur les lieux et j’imagine par la suite comment elle peut prendre forme et vie dans un espace donné. Je pense toujours au rendu final, à l’empreinte et aux motifs qui vont se dessiner sur les murs une fois le luminaire allumé. Mes pièces sont uniques et personnalisées, c’est vraiment du sur-mesure. Les gens veulent que je crée une pièce unique conçue spécialement pour eux, une pièce qui leur ressemble et qui se marie parfaitement avec l’espace qui va l’accueillir, le plus beau lustre du monde peut ne pas convenir dans un autre lieu.

Je m’inspire de l’architecture des lieux at après, je passe à la création. L’inspiration vient d’abord de l’espace et est basée sur le goût du client.

 

Vous avez le souci du détail ?

 

 

Vous savez, je crois que ce qui fait la différence dans mon travail, c’est cette recherche permanente de la perfection, c’est la chose la plus compliquée à mon sens. La simplicité c’est la chose la plus complexe dans la réalisation d’une œuvre donnée.

 

Qu’est ce qui selon vous vous démarque des autres ?

 

 

 

Vous savez, j’ai des amis du monde entier. Avec mon art, j’essaie de créer des ponts entre différentes cultures, j’essaie de fédérer, de ramener les gens ensemble ; le racisme est un concept qui me dépasse. Si les gens viennent me voir de si loin (Inde, Chine…), c’est parce qu’ils veulent que je m’exprime dans leur culture. L’art est pour moi, une manière de nous fédérer, d’être ensemble ; il est sensé nous réunir, pas nous diviser.

Je crois que si les gens apprécient ce que je fais, parce qu’il y a toujours une dimension humaine dans mon travail. Et c’est cette émotion qu’on retrouve dans toutes mes œuvres, qui réunit tous les humains du monde. C’est plus que de l’art, c’est de l’ordre de l’émotionnel !

Les milliardaires du monde entier viennent chez nous au Maroc car ils sont séduits par ce qu’on appelle l’Art de l’impossible. Avec la technologie dont on dispose aujourd’hui, on est perçu un peu comme les magiciens des temps modernes. On essaie de faire du « jamais vu ».

 

Ces dernières années, vous êtes devenu une véritable star en Italie ?

 

 

Restaurant MayaJah Monaco

 

Pour le restaurant Mayajah à Monaco, c’était un grand challenge pour moi d’habiller les deux énormes piliers qui se trouvaient au centre du restaurant. Ça m’a pris 3 mois pour réaliser l’œuvre tellement le contrôle des motifs n’était pas évident. Personne n’a compris comment on a fait cela à la main au Maroc !

Actuellement, je développe une grande sculpture « un tourbillon », toujours en métal. Tout est dans la précision qui requiert un temps fou pour le rendu final.

 

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