Israël se portera bien, quel que soit le Premier ministre

Quoi qu’il arrive dans les semaines à venir, gardons les choses dans leurs proportions réelles, ce ne sera pas la fin d’Israël.

Quelques semaines avant les élections du 23 mars dernier, j'ai débattu lors d'une conférence avec un partisan connu de Benyamin Netanyahu.

«Israël serait en grave danger si Netanyahu perdait les élections - l'administration Biden, l'Iran, les Palestiniens, la CPI et bien sûr l'approvisionnement futur en vaccins contre le coronavirus dépendent tous du responsable sortant. Avec Netanyahu, Israël serait en sécurité. Sans lui, Israël serait confronté à un grand péril», a affirmé ce fidèle.

Bien que livré avec passion, dis-je, l'argument lui-même est ridicule. Israël est un pays doté de l'armée la plus puissante du Moyen-Orient et au-delà, le pays a en fait vaincu de nombreuses menaces existentielles bien avant l’avènement de Netanyahu.

On pense que nous avons des armes nucléaires et une flotte de sous-marins souvent appelée «capacité de seconde frappe». Israël est le premier pays en dehors des États-Unis à avoir une flotte opérationnelle de F-35 de cinquième génération. Il affiche un PIB par habitant supérieur à la France, au Royaume-Uni et au Japon. Et quand Israël a bombardé le réacteur nucléaire irakien en 1981 ou le réacteur nucléaire syrien en 2007, il l’a fait d’une manière ou d’une autre sans avoir besoin de la présence de Netanyahu.

Néanmoins, j'ai souligné que Netanyahu a, en effet, réalisé des exploits incroyables au nom de l'État d'Israël.

Mais donner l'impression que l'avenir de ce pays puissant dépend d'un seul individu est non seulement absurde, mais l'argument même affaiblit en fait le pays. La force d’Israël, j’ai dit, vient de chacun de ses neuf millions de citoyens contribuant aux FDI (note du traducteur, Forces israéliennes de défense) ou en aidant l’économie à continuer de croître.

Ma conversation avec cet allié dévoué de Netanyahu n'était pas différente, j'en suis sûr, des discussions que de nombreux Israéliens ont eues ces dernières années avec certains de ses partisans.

La préoccupation ici découle de deux raisons principales. La première est que Netanyahu a été Premier ministre pendant les 12 dernières années consécutives, 15 au total.

Non seulement les Israéliens vivent aujourd'hui dans un pays façonné et modelé par Netanyahu, mais pour de nombreux citoyens dans la vingtaine et moins, il est même difficile de se souvenir des premiers ministres qui l'ont précédé. Ils ont peut-être entendu parler d’Ehud Olmert, d’Ariel Sharon ou d’Ehud Barak, mais ils ne se souviennent pas vraiment d’eux ou de l’impact qu’ils ont eu sur Israël - sans parler d’Yitzhak Rabin. Toutes leurs années de formation ont été façonnées par l'observation de Netanyahu, de sorte qu'ils ne connaissent aucune autre nature de la politique ou une atmosphère politique différente.

La deuxième est que Netanyahu lui-même croit sincèrement qu'être Premier ministre est ce qui assure la sécurité d'Israël. Son désir de rester, a-t-il soutenu, n'est pas dû à une ambition personnelle, mais plutôt à un sacrifice qu'il consent pour assurer la survie d'Israël. Sa femme, Sara, a déclaré que son mari aurait pu être multimillionnaire s'il était entré dans les affaires.

(...) Quoi qu'il arrive, nous ne devons pas avoir peur. Celui qui arrivera après Netanyahu- si quelqu'un vient vraiment après - Israël se portera bien. Cela pourrait être Yair Lapid, Naftali Bennett ou Benny Gantz. Avec l'un des trois, le pays non seulement survivra mais continuera probablement de croître - parce qu'Israël est plus grand aujourd'hui que ses dirigeants.

Bien sûr, il y aura des différences de politiques entre une personne et une autre. Un premier ministre pourrait décider de se battre avec les États-Unis au sujet d'un accord nucléaire avec l'Iran, et un autre pourrait décider d'essayer de travailler avec Washington. Un Premier ministre pourrait être plus prudent pour attaquer des cibles iraniennes en Syrie, et un autre pourrait être plus sensible socialement avec des plans de relance économique.

Cela n’a pas d’importance. Dans l’ensemble, les institutions israéliennes sont plus fortes. La Knesset, les partenaires de la coalition, Tsahal, le Mossad, le Shin Bet, la justice, les médias et la société civile sont tous là pour garder nos dirigeants sous contrôle, pour s'assurer qu'ils équilibrent leurs motivations personnelles avec les intérêts de la nation.

Personne ne le sait mieux que Netanyahu. Interrogez-le simplement sur les deux fois où il a tenté de lancer une attaque contre les installations nucléaires de l’Iran avant d’être stoppé net - une fois par ses chefs de la sécurité et une autre par le cabinet de sécurité.

Interrogez-le sur sa tentative d'annexer unilatéralement de larges pans de la Cisjordanie sous Trump, et comment il a été contré par Gantz et le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi, qui a discrètement fait pression sur l'Amérique contre cette décision. Demandez-lui comment il a essayé d'approuver un budget de plusieurs milliards de shekels pour acheter des millions de vaccins supplémentaires, pour être ensuite bloqué par Gantz, qui a refusé de convoquer le cabinet à moins que Netanyahu n'accepte de nommer un ministre de la Justice.

Les premiers ministres définissent la politique générale de la nation, mais ils ne travaillent pas seuls. C’est à la fois la force et le défaut du système politique israélien. D'une part, les premiers ministres ont une grande marge de manœuvre; d'autre part, il leur sera toujours difficile de mener une action qui remodèle radicalement la nation, car les différents intérêts de leur coalition obligeront presque toujours le Premier ministre à trouver un terrain d'entente.

Et après tout cela, nous pourrions nous retrouver avec Netanyahu rempilant à son poste de Premier ministre d'Israël, soit en recevant le mandat de former un gouvernement et en réussissant, soit en recevant le mandat de quelqu'un d'autre sans réussir, et là Israël ira vers une cinquième élection alors que lui restera le premier ministre par intérim.

Quoi qu’il arrive dans les semaines à venir, gardons les choses dans leurs proportions réelles, ce ne sera pas la fin d’Israël.

Cela est vrai dans les deux cas. Si Netanyahu reste, il sera certainement problématique d'avoir un chef en procès, mais Israël ira bien. Il en sera de même si quelqu’un d’autre lui succéde.

Et c’est formidable car c’est un témoignage du succès de notre nation: Israël est aujourd’hui plus grand que quiconque. Peu importe qui le dirige.

N.B : Cet éditorial est paru à la veille de la nomination de Benyamin Netanyahu pour la formation d'un nouveau gouvernement.