Marrakech. Le Musée Yves Saint Laurent rend hommage à Bert Flint

Le Musée Yves Saint Laurent Marrakech présente, jusqu'au 30 mai 2021, une exposition qui dessine le portrait de Bert Flint, regardeur passionné, qui a su mesurer, par sa proximité avec les différentes cultures marocaines et subsahariennes, leur caractère paradigmatique.

 

 

 

L’exposition, la première en son genre, regroupe plus de 200 œuvres de sa collection personnelle que Mouna Mekouar, commissaire de cette exposition, a volontairement sélectionné avec la complicité de Bert Flint. Car tous ces objets témoignent de son regard sur la diversité et la richesse des traditions rurales et berbères qui se sont épanouies de l’Atlas à l’Anti-Atlas et du Sahara au Sahel. "J’ai envisagé cette exposition comme un hommage à l’extraordinaire Bert Flint et néanmoins encore méconnu du grand public, nous explique Mouna Mekouar. Né en 1931 aux Pays Bas et installé au Marrakech depuis 1957, ce regardeur passionné a constitué une collection qui témoigne de sa passion pour les arts berbères. Elle souligne aussi sa fascination pour les traditions rurales, nomades et semi-nomades qui se sont épanouies de l’Atlas à l’Anti-Atlas mais aussi du Sahara au Sahel".

Pour la commissaire de l'exposition : "Cette exposition présente plusieurs objets de la collection personnelle de Bert Flint que j’ai volontairement sélectionnés avec sa complicité, nous confie Mouna Mekouar. Ensemble, nous avons choisi des objets - vanneries, poteries, parures, amulettes, textiles et maroquineries – qui témoignent de son regard et souligne la diversité de ses intérêts. Avec cette mosaique d’objets, l’exposition a été pensé comme un voyage imaginaire : elle est organisée, en différentes sections, qui évoquent, les territoires que Bert Flint a traversés de Marrakech à Tafilalet jusqu’aux régions subsahariennes. Elle témoigne aussi des échanges et des circulations reliant les traditions marocaines à l’Afrique subsaharienne".

L’exposition s’inscrit aussi dans une longue histoire d’amitié, d’admiration et de collaboration entre la Fondation Jardin Majorelle et Bert Flint. Suite à la généreuse donation faite en 2015 par ce dernier au Musée Pierre Bergé des Arts Berbères, il revenait à la Fondation de lui rendre hommage, avec un ouvrage exhaustif publié en 2018, et désormais, avec cette exposition.

 

 

« Cette exposition est un dialogue entre la Fondation Jardin Majorelle et Bert Flint, qui est un créateur et fondateur du musée Tiskiwin dans la médina de Marrakech en 1989 », confie Alexis Sornin, directeur des Musées Yves Saint Laurent et Pierre Berger des arts populaires. Consacrée à l’anthropologue hollandais et expert des arts afro-berbères, qui s’est intéressé à la culture marocaine et à ses similitudes avec la culture subsaharienne, « cette exposition est le fruit d’un dialogue que nous continuons avec Bert Flint, puisqu’il a donné 600 textiles au musée Pierre Berger des arts berbères en 2015. Il a également publié un ouvrage « L’Art afro-berbère de tradition néolithique saharienne en Afrique du Nord et dans les pays du Sahel », aux Editions Jardins Majorelle en 2018, et en 2021, il me semblait juste de mettre en valeur la collection personnelle de l’artiste qui n’est toujours pas présentée dans les collections du musée Tiskiwin ici à Marrakech ».

 

Un poème visuel

 

 

Pensée tel un vaste poème visuel, l’exposition suit la démarche de Bert Flint, en privilégiant un langage formel. Vanneries, poteries, parures, amulettes, textiles et maroquineries dessinent, ensemble, un paysage emblématique de sa pensée et de son regard sur ces territoires. Ainsi assemblés, ces objets nous invitent à repenser notre approche des productions artistiques de ces différentes régions. Comme un voyage imaginaire, l’exposition traverse les territoires et les sites allant de Marrakech à Tafilalet jusqu’aux régions subsahariennes, du Niger à la Mauritanie.

Chaque étape du parcours est en lien avec une de ces régions qui, porteuse de son histoire, enrichit et transforme les autres régions au contact des populations nomades ou semi-nomades. Riche de ces échanges, chaque objet exposé est en réalité témoin et indice de pratiques culturelles partagées et atteste de la présence d’un socle culturel commun. Avec cette mosaïque qui se développe de part et d’autre, du Maroc au Sahel, il s’agit aussi de penser tous ces mondes comme une seule entité culturelle et artistique.

 

Une géographie artistique

 

 

 

 

Fasciné par le Maroc et ses traditions berbères, Bert Flint s’était installé au pays en 1957. « Lors de mon premier voyage au Maroc en 1954, raconte l'anthropologue, j’ai découvert que l’architecture et la décoration de nombreuses demeures privées d’anciennes villes du Maroc se rattachaient à la même tradition artistique que celle ayant inspiré l’Alhambra. J’ai été émerveillé de voir que les habitants de ces demeures menaient une vie guidée par la quête quotidienne de la beauté et de l’élégance dans le geste. La tradition andalouse, telle que vécue au Maroc, s’est révélée à moi comme un modèle de vie et c’est pour m’initier aux différents aspects de cette tradition citadine si accomplie que j’ai décidé de m’installer à Marrakech en 1957 ».

 

 

L’exposition parle du regard de Bert Flint sur les oeuvres et les mondes qu’elles suggèrent. Les oeuvres parlent aussi les unes des autres, nous renvoyant une certaine image de cette géographie artistique. Est- Ouest, Nord-Sud, les échanges et les circulations sont comme des traits d’union culturels reliant les traditions marocaines à l’Afrique subsaharienne. Par ces jeux de rapprochements et de renvois, l’exposition porte une nouvelle attention à ces cultures et tente de rendre manifestes les apports mutuels de tous ces décors et motifs. « Le Maroc est intimement lié, depuis la Préhistoire, au monde subsaharien. C’est ce dont veulent témoigner mon musée mais aussi cette exposition », explique Flint. « Mes recherches m’ont poussé à reconnaitre dans les manifestations matérielles de la culture rurale au Maroc, un témoignage de l’expérience du temps et de l’espace, selon les modes de vie (nomade ou sédentaire) et de production (élevage ou agriculture). On y retrouve les principes d’une activité qui s’appuie sur l’interaction en matière, fonction et usage », affirme celui qui a participé à créer le Musée Municipal du Patrimoine Amazigh d’Agadir en 1990.

 

 

L’exposition semble nous dire beaucoup sur Bert Flint mais aussi sur notre monde. Elle se fait l’écho des territoires qu’il a traversés et des cultures qu’il aime. Cette exposition, à l’image de la pensée de Bert Flint, tire sa force de cette façon d’être totalement en phase avec notre époque, une façon d’être profondément contemporaine.

 

 

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