« L’heure est venue »

Nommé pour redresser le Mali et mener à bien la réconciliation nationale, il n’aura gouverné que sept mois.

Le Premier ministre malien Oumar Tatam Ly a démissionné le 5 avril sans cacher ses « divergences de vue » avec le président Ibrahim Boubacar Keïta.

Une franchise qui fait des vagues même si l’existence de tensions au sommet était de notoriété publique.

La lettre de démission de Tatam Ly à IBK les confirme : il y évoque des « dysfonctionnements » et des « insuffisances (....) dans la marche du gouvernement (...) qui réduisent grandement sa capacité à relever les défis ».

Affirmant n’avoir « pu convaincre » le président Keïta de changer de cap dans la gouvernance du pays, celui qui laisse une image d’homme intègre et de gros travailleur précise que ces « vues différentes » ne lui permettent pas de «remplir (sa) mission».

En clair, et selon l’un de ses proches, Tatam Ly « n’avait pas les mains libres pour travailler ».

Il déplorait les « interférences » dans son travail et attirait l’attention de IBK « de manière insistante » depuis début mars sur la nécessité « non seulement de restructurer l’équipe gouvernementale, mais de changer les vieilles habitudes de gestion au Mali ».

Dans l’entourage d’IBK, on préfère toutefois dire qu’il a été « viré » pour résultats « non satisfaisants » !

« Boîte à idées », jeune et populaire

On n’en sait guère plus pour le moment.

Le communiqué officiel annonçant sa démission - et son remplacement par Moussa Mara, le ministre de l'Urbanisme et de la Politique de la ville, qui fut candidat à la présidentielle de 2013 remporté par IBK - ne souffle mot des raisons de cet épisode.

Quant à la presse malienne, elle est partagée.

Pour le quotidien Info Matin, Tatam Ly aurait eu de mauvais rapports avec les politiques et s’intéressait peu aux préoccupations des Maliens.

Plus sérieusement, L’Indépendant ou Les Échos estiment qu’il « voulait revoir » le gouvernement, ce que IBK refusait.

Les tensions entre les deux hommes auraient été exacerbées par les bâtons dans les roues que lui mettait le fils du chef de l’Etat et viceprésident de l’Assemblée Nationale, Karim Keita.

Tout comme une partie du Rassemblement du peuple malien, le parti présidentiel dirigé par le même Karim Keita… Reste à savoir ce que pourra faire Moussa Mara, un expert comptable de formation, ancien maire de la Commune 4 de Bamako que même ses adversaires décrivent comme une « boîte à idées » et qui, selon la presse, aurait été choisi pour quatre raisons : « compétent, jeune (39 ans), bon communicateur et populaire».

Adepte d’un développement par la base, il est l’un des premiers responsables politiques à avoir rendu public son patrimoine et n’avait pas hésité à faire détruire récemment des immeubles illégalement bâtis.

Réconciliation en panne

Il conviendrait d’ajouter : vieille connaissance d'IBK puisqu’il s’est rallié à lui au second tour de la présidentielle de l’été dernier après avoir recueilli 1,5% des voix au premier tour et avoir été en 2007 candidat à la députation, avec lui, dans une même commune de Bamako.

« Je compte sur le soutien mais aussi les critiques objectives de tous.

Le plus dur commence », écrivait- il sur son compte Twitter après sa nomination.

C’est le moins qu’on puisse dire.

« La situation politique pourrait très rapidement devenir fragile à Bamako si le nouveau gouvernement ne fixe pas des objectifs clairs, avec des priorités à dégager », estime un diplomate occidental cité par l’AFP.

Quinze mois après l’intervention militaire française pour chasser les djihadistes du nord Mali, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian le dit sans ambages : « Le processus de réconciliation n’est pas assez rapide.

Or il est impérieusement nécessaire pour garantir l’intégrité du Mali, la paix et le développement.

Je le dis très clairement.

Je pense que l’heure est venue », vient-il d’affirmer en précisant en avoir fait part « au chef de l'Etat malien en janvier à Bamako ».

Ratissage à Kidal et Tombouctou

Alors que les tensions entre communautés touareg, arabes et noires sont fortes, les négociations entre le gouvernement et les différents groupes armés du Nord qui ont repris timidement il y a quelques semaines, semblent faire du sur place.

Surtout, la sécurité est loin d’être assurée au nord.

Différents groupes armés - indépendantistes touaregs, organisations jihadistes, milices d'autodéfense...

- y sont toujours présents.

La ville de Kidal a été une nouvelle fois la cible de tirs de roquettes attribués à Aqmi et au Mujao pendant le week-end.

Des jihadistes étrangers, notamment des Egyptiens, spécialisés dans le maniement des armes, y auraient même participé.

« Une fois qu’ils auront réussi leurs essais, ils pourraient déclencher de manière simultanée de nombreuses attaques dans le Nord », craignent les milieux proches de la mission de l’ONU.

En début de semaine, des patrouilles de grande envergure de l'armée malienne avec l'appui des forces étrangères, notamment françaises, ont commencé dans les régions de Kidal et de Tombouctou au nord-ouest.

« Le plus dur » commence effectivement.

Et c’est aussi un défi pour IBK ❚