USFP UN PARTI À REPENSER

YOUNES DAFKIR

Rédacteur en chef d’Al Ahdath Al-Maghribia

A l’Union socialiste des forces populaires (USFP), seuls quelques détails concernant les acteurs, le scénario et le décor changent.

Les crises, elles, se suivent et se ressemblent.

Dans ce parti où les discordes à répétition font rages, il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil.

Sauf que le poids électoral s’effiloche, le long de ces 15 dernières années et en continue, sans que les divergences ne soient réellement tranchées.

La confrontation a éclaté notamment à la suite d’une mauvaise appréciation politique de la participation de l’USFP au premier gouvernement d’alternance.

Il s’en est suivi, un houleux débat sur le positionnement des minorités au sein de cette formation politique et sa capacité à peser dans les décisions majeures.

C’est de là qu’est sorti le courant des nouveaux socialistes.

La confrontation sur le volet organisationnel s’est intensifiée depuis et chaque clan tente d’affaiblir ses adversaires en brandissant la carte de la « spécificité ittihadie ».

Et à chaque fois, une partie des belligérants optent pour la scission.

C’était le cas lors de la création du Parti National du Congrès Ittihadi (CNI) ou encore du Parti Socialiste.

Il arrive aussi que les mécontents claquent la porte, sans réel renoncement, comme c’était le cas pour le courant « Fidélité à la démocratie ».

Les mêmes scenarii refont surface encore aujourd’hui.

Sur fond de friction autour du sens à donner à « l’opposition » interne, une bataille rangée a été menée pour la tenue des ficelles de l’organisation du parti.

Là encore, on verra, faute de compromis, des mécontents jeter l’éponge, quand d’autres sont poussés sans ménagement à la touche.

Dans la foulée, il serait aussi possible que des mécontents créent une nouvelle formation politique.

Des réformes onéreuses L’USFP est le parti qui semble être le plus addict aux « conflits organisationnels ».

Lesquels éclatent contre certaines théories produites au sein du parti de la rose.

Rappelons- nous, par exemple, le clash qui a opposé le groupe formé autour de Abdellah Ibrahim et celui de Abderrahim Bouabid sur « le syndicalisme du pain ».

Autre exemple, le projet révolutionnaire de Fquih Basri.

Ce projet, armé qui plus est, a été à l’origine de la «stratégie de lutte démocratique » qui inspirera, plus tard, différentes formations de gauche.

Dans les années 80, période qui était un désert politique, les ittihadis vont lancer l’idée de « l’ouverture politique » ou encore celle des « réformes politiques et constitutionnelles ».

Le parcours de l’USFP sera ensuite radicalement transformé dans les années 90.

On constatera qu’en matière de « théories», l’USFP était plus prolixe à chaque fois qu’il avait le Palais dans sa ligne de mire.

En changeant de fusil d’épaule, ses partisans ne cessent de se confronter les uns aux autres sur leurs propres choix politiques.

L’arme brandie n’est plus alors l’idée, et encore moins « la théorie », voire « l’idéologie », mais bien l’appareil organisationnel, les mesures disciplinaires, l’intimidation, voire l’opprobre.

La confrontation ayant eu lieu autour du gouvernement d’alternance est la meilleure illustration du changement survenu dans la maison ittihadie qui reste dominée depuis par une guerre intestine de positionnement.

C’est ce qui a créé une nouvelle culture au sein de l’USFP, marquée par l’ambition, qu’on pourrait considérer légitime, de nombre de ses membres qui veulent à tout prix tirer profit de leur appartenance au parti.

C’est une métamorphose dramatique qui contraste avec le militantisme désintéressé d’antan dont le tribut était plutôt les geôles et la maltraitance.

L’enjeu aujourd’hui devient un maroquin, une planque dans un cabinet ou dans une grande administration publique… L’entrée de l’USFP au gouvernement de l’alternance a engendré une nouvelle stratification, avec de nouvelles élites qui ne font plus leur le fameux slogan « les postes ne nous intéressent pas ! ».

Cela résulte de la course du parti vers une plus grande représentativité numérique, devenue son principal pari pour rester au pouvoir.

Les militants qui sont incapables de décrocher des sièges au parlement se sont vu éjecter au profit de notables, d’hommes de pouvoir et de machines électorales.

Le reprofiling des « militants » s’est produit à une cadence éclair.

Du coup, le système de réseautage intéressé (par un poste bien rémunéré ou un quelconque pouvoir au sein même du parti) est devenu la règle.

Fini donc la théorisation et avec elle la production de nouvelles idées pour mobiliser les masses.

Cet esprit a été jeté aux orties.

La logique du nombre a fait que des responsables ont tiré profit de ce système au vu de leur capacité à embrigader le plus grand nombre de votant en leur faveur à la veille des congrès électifs.

De fil en aiguille, on en arrive aujourd’hui à la métamorphose même de la notion de « zaïm » politique chez les ittihadis.

Et parce que le PJD a porté à sa tête un belliciste en la personne de Benkirane et l’Istiqlal son antidote en la personne de Chabat, des ittihadis (en tout cas la majorité des votants parmi eux) ont alors estimé que Lechgar était « l’homme de l’étape ».

Hémorragie organisationnelle Le changement de cap de l’USFP de l’opposition au Palais à l’opposition face aux différentes majorités gouvernementales a été le principal revirement ayant impacté son rayonnement auprès des masses.

Son adhésion aux règles du jeu politique l’a contraint à se limiter à une opposition technocratique non mobilisatrice des foules.

Pire, son expérience de parti au pouvoir lui a attiré des inimitiés de la part de différentes catégories sociales lui reprochant ses « nombreuses promesses non tenues ».

La crédibilité du parti de la rose, revenu à l’opposition, a été remise en question.

Une suite logique, mais pas automatique puisque l’Istiqlal a moins pâti de ses années au pouvoir même si son secrétaire général tirait des casseroles aussi lourdes que l’affaire « Ennajat ».

Contrairement aux Istiqlaliens, les Ittihadis ont affaibli leur appareil électoral en affaiblissant leurs structures d’appui suite à l’avènement du gouvernement d’alternance.

Cela s’est traduit par la sortie de la CDT des arcanes du parti, ou encore par la diminution du poids des ittihadis au sein de l’Union des écrivains marocains, sans parler des organisations de défense des droits de l’Homme que se sont accaparés des membres d’Annahj, du PSU ou du PADS.

Au cours de ces dernières années, même la bourgeoisie, attirée par le discours de l’islamisme modéré du PJD, a commencé à prendre ses distances de l’USFP.

Et même quand le parti de la rose évite les scissions, il ne peut arrêter la dynamique des départs prônée par certains usfpéistes comme arme mortelle de contestation.

Résultat, la liste des partants est déjà bien longue et risque de continuer à s’allonger : Achaari, Ajjoul, Ali Bouabid (fils de figure emblématique Abderrahim Bouabid), Taieb Mounchid (figure syndicale de renom) et aujourd’hui Zaïdi.

Bref, des symboles défendant l’orientation idéologique jettent l’éponge et cèdent la place à des cadres moyens et à des personnes inexpérimentées.

Comme quoi, les ittihadis ont cette fâcheuse propension à l’autodestruction.

Ainsi, hormis Abderrahim Bouabid, les secrétaires généraux du parti, de Youssoufi à Lachgar en passant par Radi et Lyazghi, ont été tous secoués au cours de leurs mandats respectifs.

Tous ont eu cette fâcheuse attitude de jeter la patate chaude au bureau politique au lieu de régler les problèmes posés lors du congrès.

De la sorte, à la première explosion, c’est le secrétaire général qui saute ❚

 

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