Al qantara, le dernier album de Majid Bekkas

L’Observateur du Maroc. Vous revenez avec le projet musical Al Qantara en trio, très métissé. Pourquoi ce choix ?

MAJID BEKKAS. Je suis passionné par les rencontres et les métissages en général, la musique indienne fait partie de mon histoire et de ma culture. Je sais que Khalid Kouhen et Manuel Hermia sont très engagés dans cette musique, et donc, pour moi, ce n’était pas un choix au hasard. De plus, la musique a un caractère universel, c’est quelque chose qui traverse les frontières culturelles, et depuis des années, je fais des croisements des genres. Fusionner des rythmes gnaoua avec de la musique orientale, arabe, andalouse, indienne, et du jazz et pouvoir créer un espace commun où tous les trois, on peut s’exprimer librement, nous procure un énorme plaisir. C’est ce langage universel qui nous intéresse. D’ailleurs, le métissage n’est pas quelque chose de nouveau et même le jazz est né métissé, mêlant rythmes africains et sonorités américaines occidentales.

Comment est né votre amour pour le jazz ?

J’ai découvert le jazz à la base américaine de Kénitra, puis, avec la création du festival de jazz des Oudayyas en 1996, j’ai pu découvrir le jazz européen, aujourd’hui, on peut même parler de la naissance d’un jazz marocain.

Comment, à votre avis, le public perçoit votre musique métissée et ce mélange des genres ?

Le public est pluriel, il écoute et il est libre d’avoir une conclusion sur le travail qu’on présente. A partir du moment où on fait de la musique, elle ne nous appartient plus, et quelque part, chacun se l’approprie, chacun peut la vivre différemment, on n’a pas de contrôle là-dessus. La seule chose qu’on puisse faire, c’est de jouer avec la plus grande conviction, c’est notre responsabilité, après, ça ne nous appartient plus.

Etes-vous obligé de vous greffer à d’autres sonorités pour être accepté par le public ?

La musique gnaoua est acceptée par le public sans qu’elle ne soit mélangée. J’aime faire des métissages parce que j’ai une double culture, à la fois traditionnelle et académique, j’ai étudié la guitare classique, oud et d’autres instruments, j’aime l’improvisation et je peux me permettre de faire des expériences de ce genre. Ce n’est pas par obligation pour me faire connaître, j’ai fait des tournées traditionnelles aux USA, au Japon. Toutes les diversités ont besoin d’affirmer leur identité propre -en Espagne par exemple, le Flamenco a beaucoup évolué et de nos jours, on a du Flamenco jazzmais peuvent fusionner avec d’autres musiques, l’un n’empêche pas l’autre, les deux sont nécessaires. Il faut à la fois préserver ce qui existe et s’ouvrir pour créer. De plus, le jazz permet d’improviser et c’est ce qui me passionne.

Vous êtes le directeur artistique du Jazz au Chellah, chaque année le festival grandit, quelle est la place aujourd’hui de ce festival au Maroc ?

C’est devenu un rendez-vous incontournable de la ville de Rabat. Sa particularité et son point fort, c’est qu’il est basé sur les rencontres entre jazz européen et musiques marocaines au pluriel. C’est un festival qui permet des croisements très intéressants ❚