LIBYE : En route vers le chaos
Mireille DUTEIL

Qui gouverne la Libye ? Bien malin qui peut répondre à cette question alors que la lutte d’influence entre islamistes et libéraux pour le contrôle du Congrès général national (CGN), le Parlement libyen, s’exacerbe. Et se règle parfois à coups de kalachnikov. Le CGN est la plus haute autorité politique et législative du pays en attendant d’organiser une élection présidentielle qui n’est pas encore à l’ordre du jour compte tenu du chaos ambiant. Or le Parlement est régulièrement la cible d’attaques de divers groupes armés qui depuis mars tentent d’imposer leur Premier ministre. Concrètement, si les partis islamistes ne sont pas officiellement majoritaires au sein du CGN, ils sont les plus influents. Ils disposent des députés du parti de la Justice et de la construction (PJC, proche des Frères musulmans) et du bloc Wafa, un mouvement plus radical. Ils réussissent à imposer leurs décisions à l’ensemble des 240 élus. En face, le poids des libéraux regroupés dans le bloc de l’Alliance des forces nationales s’effrite, car des députés ont démissionné. La dernière crise commence en mars lorsque les islamistes obtiennent la démission, le 12, du Premier ministre Ali Zeidan après un bras de fer de plusieurs mois. Ils veulent aussi mettre la main sur l’exécutif. Elu le 8 avril pour prendre la succession d’Ali Zeidan, Abdallah Al- Thani, démissionne cinq jours plus tard, après avoir été, selon ses dires, victimes d’une attaque armée, dans les environs de Tripoli. La bataille politique devient de plus en rude entre clans et l’insécurité s’accroît. L’ambassade du Portugal est attaquée, l’ambassadeur de Jordanie et deux diplomates égyptiens sont enlevés – et assez vite libérés – à la mi-avril. A Benghazi, fief des groupes islamistes radicaux, un camion piégé explose devant une caserne des forces spéciales. Trouver un nouveau Premier ministre devient donc de plus en plus ardu. Fin avril, au second tour de scrutin, deux candidats se disputent la faveur des députés. L’un, Ahmed Omar Miitig, homme d’affaires de Misrata, est soutenu par les islamistes. L’autre, Omar Al-Hassi libéral, est un universitaire originaire de Benghazi. Mais rien n’est si simple. Le 29 avril, le vote est repoussé après que des coups de feu ont éclaté dans le Parlement obligeant à l’évacuation des députés. Des partisans de l’un des deux candidats avaient eu des informations sur son éventuelle défaite…. Le 4 mai, Ahmed Miitig était finalement élu comme nouveau chef du gouvernement de transition après un dernier cafouillage. N’ayant obtenu que 113 voix lors du vote (il en faut 120 pour être élu), ses partisans ont fait voter des députés retardataires pour emporter la mise. Miitig a obtenu officiellement 121 voix. Une bouffonnade qui augure mal du futur mandat du cinquième et du plus jeune chef de gouvernement, 42 ans, depuis la mort de Mouammar Kadhafi à l’automne 2011. Il aura les mains liées par le vote des islamistes qui l’ont porté au pouvoir. Pour tenter de trouver une issue à la crise libyenne qui entraîne le pays mois après mois vers le chaos, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Abdelaziz, cherche une recette-miracle. Il croit l’avoir trouvé avec la restauration de la monarchie. Les Senoussi créeraient le ciment qui manque tant à ce pays éclaté. Pourquoi pas ? Mais comment s’y prendre ? ❚