Consommer autrement
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Période de grande consommation, par excellence, le Ramadan sous la crise Covid-19 impose quelques adaptations nécessaires. D’abord parce que la crise est toujours là, ensuite parce qu’il s’agit, plus que jamais, de mettre son alimentation au service de son immunité.

En plus d’être un mois de jeûne, de recueillement et de grande spiritualité, ramadan est paradoxalement un mois de grande consommation. Les gens sont portés à surconsommer et ramadan épuise habituellement les finances des foyers », explique Mehdi Sebbar, chercheur en sociologie. Ce dernier évoque le besoin et surtout la nécessité de s’adapter aux nouvelles donnes liées à la crise sanitaire doublée de la crise économique. « Beaucoup de citoyens subissent encore les retombées de la crise surtout les catégories les plus fragilisées socio-économiquement. Ce deuxième ramadan sous le couvre-feu impose une nouvelle manière de consommer et de dépenser », analyse le chercheur.

Consommation, contrôler ses pulsions

Se maîtriser et maîtriser ses pulsions de consommation tout en se focalisant sur l’essentiel et le nécessaire, c’est le conseil des psychologues mais aussi des diététiciens. « Au-delà de la crise et son effet appauvrissant, il est essentiel de contrôler ses pulsions consommatrices. Pendant ramadan, la privation durant la journée a couramment un effet stimulateur. On a tendance à acheter à outrance des produits, surtout alimentaires, que souvent on ne consomme même pas », analyse Nadia Bekkali, psychologue.

Cette dernière met en garde contre un effet insidieux que peut provoquer le couvre-feu et la privation de sortir. « Si on ne sort pas, si on ne va pas à la prière, si on ne rend pas visite aux proches, certains vont trouver dans la nourriture et la consommation un moyen pour combler ce vide », alerte la psychologue.



Trouver dans la consommation une compensation émotionnelle pour stimuler les mêmes sensations de plaisir et de bien- être engendrées habituellement par les activités sociales et religieuses... Nombreux sont ceux qui pourraient tomber dans ce piège, alerte la clinicienne. Pour y échapper, la spécialiste conseille de se focaliser sur des hobbies et des activités qui procurent une sensation de plaisir : lecture, jeux sociaux avec les membres de la famille, visionner des films, faire du sport chez soi... Autant d’activités divertissantes qui ont également l’avantage de rapprocher et de souder les liens familiaux. « Si on est privé de la grande famille et des visites après le Ftour, essayons de profiter de la proximité de nos proches et de se redécouvrir », conseille la psychologue.

Manger pour tuer l’ennui

De son côté, Zahia Benâchour, diététicienne, note cette tendance à se « suralimenter » pendant le ramadan. « Surtout avec les restrictions de déplacement après le ftour, on a tendance à s’occuper et à lutter contre l’ennui en mangeant ! », note-t-elle. « Or, manger devrait juste nous fournir nos besoins en aliments et en nutriments et ce n’est nullement une activité divertissante », insiste Benâchour.

En plus du déséquilibre alimentaire, cette dernière note le manque d’activité physique et de mouvement après le ftour. Une situation que le couvre-feu n’arrange nullement. « Mais qui ne devrait pas nous empêcher de pratiquer un sport d’intérieur : Des mouvements, vélo d’appartement ou autres. Youtube regorge de bonnes vidéos de coaching sportif que l’on peut suivre sans problèmes dans son salon », conseille la diététicienne.

Recueillement en solo

Si le sport d’intérieur représente une bonne alternative pour les amateurs de salles de sports et de mouvement en plein air, les fidèles des tarawih, eux, restent sur leur faim cette année encore. Leurs protestations et leurs appels à ouvrir les mosquées le soir inondent les réseaux sociaux. Se comparant à l’Egypte, à l’Arabie Saoudite ou encore à l’Indonésie qui ont autorisé les tarawih, ils n’ont de cesse d’exprimer leur frustration. Mais la présevation de la santé publique passe avant tout. Y contribuer est aussi un acte de foi.

« La réaction de certains par rapport aux Tarawih est tout à fait compréhensible. Cette prière a une valeur symbolique pour tout musulman pratiquant. Elle est attendue durant toute l’année et considérée comme un moyen d’expier ses péchés pour un grand nombre de fidèles », analyse Mehdi Sebbar. Si ces derniers se sont soumis aux restrictions sanitaires, ils n’en demeurent pas moins amers. « On est obligé de respecter le couvre-feu pour l’intérêt de tous, on n’y peut rien. Mais par contre, on peut transformer cette contrainte en une opportunité », ajoute le chercheur.

Comment donc ? « Se recueillir en solo ou avec les membres de sa famille, exalter sa spiritualité chez soi en lisant le Coran ou en s’instruisant. On peut aussi penser à son prochain en faisant des actions charitables... Ce sont là d’autres manières de se rapprocher de Dieu et d’honorer ses engagements religieux », ajoute-t-il. « De nombreux prescripteurs encouragent d’ailleurs les fidèles à chercher Dieu dans son prochain et en faisant beaucoup de bien autour de soi», soutient Sebbar en insistant sur l’importance de la solidarité sociale spécialement en ces temps de crise.