Libre cours
Naim KAMAL

BURLESQUE L’ÉCHANGE ENTRE NABIL BENABDALLAH et Driss Lachgar sur le gouvernement et l’opposition de Sa Majesté lors de Moubacharatane Maakoum sur 2M ? Pas si sûr. La confirmation plutôt d’une culture, celle du parasol, ne rien assumer. C’est l’installation électrique qui devient le bouclier du fusible. Si la réplique du premier secrétaire de l’USFP - « l’opposition aussi est celle de Sa Majesté » - au ministre de l’Habitat se voulait narquoise, l’affirmation de Nabil Benabdalleh – « nous sommes le gouvernement de Sa Majesté » - est l’expression d’un naufragé qui se cherche une bouée. Du coup il ne restait de l’émission plus rien, que ce passage dont on se serait bien passé.

MAIS J’AI BEAU JEU DE M’AMUSER DES AUTRES alors que je me suis accroché à une branche similaire, il est vrai dans des circonstances différentes, c’est-à-dire atténuantes. En 1990, Hassan II créa le Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir. Je tenais à l’époque une chronique, La Puce à l’Oreille, dans L’Opinion et j’ai eu la bonne idée de me fendre d’un article dans lequel, croyant éviter d’insulter le futur, j’ai écris, entre autres : « On ne fera pas de procès prématuré à ce Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir car seul cet avenir nous dira si ce conseil est le prélude à une nouvelle politique à l’égard des jeunes ou le produit d’une politique politicienne ». Le jour de la sortie de l’article, Idrissi Kaitouni, alors directeur du journal, m’appela tôt le matin pour me dire de mettre un costume et une cravate : « Nous sommes convoqués au bureau de Driss Basri ». Le tout puissant ministre de l’Intérieur à une période où l’ouverture politique n’était qu’une vague idée et l’alternance consensuelle qu’une esquisse qui n’avait pas encore pris ce nom.

JE VOUS PASSE LES DÉTAILS ET NOTRE LONGUE ATTENTE, en compagnie de Seddik Maaninou, alors secrétaire général du ministère de l’information, dans la salle destinée à cet exercice de conditionnement. Je me rassurais en me disant : de toute façon s’il y avait quelque chose pouvant prêter à conséquence, je ne serai pas dans ce salon à mariner dans un beau fauteuil en cuire, mais entre quatre autres murs qui n’ont peut-être jamais vu même pas une chaise. Je commençais à avoir faim, ce qui était bon signe, quand on nous « invita » enfin à entrer dans les bureaux de Monsieur le Ministre. Il était là l’agent d’autorité en chef. Il tendit une main autoritaire aux deux autres, ignora la mienne. Commença un dialogue digne des cours de justice :

❚ Basri à Maaninou : Lis l’article ! Maaninou s’exécuta calmement en articulant bien ses mots comme à la télévision. Puis, après quelques questions sur quelques passages, Basri, s’impatientant, l’interrompit : Lis le passage incriminé !

❚Maaninou : « On ne fera pas de procès prématuré à ce Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir car seul cet avenir nous dira si ce conseil est le prélude à une nouvelle politique à l’égard des jeunes ou le produit d’une politique politicienne »

❚ Basri à Moi : Que signifie politique politicienne ? - Moi (interloqué) : Démagogie… - Basri : Et Sa Majesté le Roi fait de la démagogie ?! - Moi (surpris): Que vient faire Sa Majesté là-dedans ? - Basri : C’est Sa Majesté qui a fait le conseil !!! - Moi (inspiré) : Mais Sa Majesté a fait tout le Maroc ! Driss Basri accusa le coup et se lança dans un long soliloque sur le Maroc, ses projets, son avenir rayonnant que d’aucuns cherchent à compromettre, puis se tournant vers moi : - Puisque tu es plus maximaliste que les royalistes, [c’està- dire que je l’ai doublé sur sa droite lui qui était plus royaliste que le roi], alors fais attention à ce qui sort de ton stylo ! Il me congédia sans autre forme de procès ni de politesse de son bureau que j’étais très heureux de quitter sans demander mon reste. Je n’ai jamais su ce que le ministre, le secrétaire général et mon directeur se sont dits après mon départ, mais ce n’était pas difficile à deviner… ❚