Dizzy Dros, le prince du Gangsta rap

Avec sa gangsta attitude, son bon flow, ses basslines croustillantes et ses punchlines choc, Dizzy Dros est sans doute le nouveau prince de la nouvelle vague des rappeurs marocains. Agé de 25 ans, ce jeune rappeur et compositeur casablancais issu du quartier Bine Lemdoune s’inspire de son vécu pour imposer son propre style. Son premier album « 3azzy 3andou stylou » cartonne depuis sa sortie en novembre 2013 et son clip Cazafonia -réalisé par l'un des parrains du Hip Hop au Maroc, Khalid Douache (aka DJ Key)- a séduit plus d’un million de fans sut Youtube. Rencontre avec un mordu de la musique qui a tout plaqué pour se consacrer corps et à âme au rap gangsta « Wa3r », pur et dur. Sa muse, nous dit-il, c’est Casa, toujours Casa et encore Casa. Le Maroc, c’est clair, il l’a dans le sang, puisqu’il rappe avant tout avec ses tripes. « C’est un artiste carré, perfectionniste qui sait ce qu’il veut », nous affirme, son complice DJ Sim-H.

L’Observateur du Maroc : Tout d’abord, pourquoi Dizzy Dros ?

DIZZY DROS : C’est un pseudo que j’ai adopté il y a une dizaine d’années. Au début, on m’appelait Dros, une abréviation de «Da Rythme Of Street» (le rythme de la rue). Mais c’était juste pour m’amuser avec les potes du quartier. Et ce n’est que lorsque j’ai commencé à écrire des textes que j’ai réellement adopté ce pseudo. Après, il fallait l’esthétiser pour les besoins de la scène. Et c’est ainsi que c’est devenu Dizzy Dros. Sinon, je m’appelle Omar Souhaily ou Omar Smiyeti.

Comment t’es venu au rap ?

Quand j’étais jeune, j’aimais l’écriture. À l’âge de 12 ans, J’écrivais des choses en darija et après, je me suis rendu compte que c’était des rimes. Après, je commençais à écouter de la musique rap, pop,… D’ailleurs, c’est ma cousine qui m’a filé le virus. En 2005-06, il y a eu l’explosion du rap, surtout via internet, les gens ont commencé à balancer leurs morceaux sur youtube ; à cette époque, je n’écoutais pas encore le rap marocain. En 2007, j’ai été approché par Simo, DJ Sim-H, que jai rencontré dans un studio d’enregistrement, et c’est comme ça qu’on a monté un groupe avec le rappeur Sellook Dillah (aide vocale) avant que je me lance en Solo en 2009.

Après ton passage au festival L’Boulevard l’année dernière, tu remontes sur scène avec le groupe de rap Shayfeen ?

Oui, en guise d’invité, j’ai joué avec eux sur scène le morceau LBenj qui parle du choc de culture entre la jeune génération et les anciens. C’est un groupe que je respecte beaucoup, c’est la combinaison parfaite entre les paroles chez Small X et le flow chez Cho-B. J’ai aussi participé au souk, où j’ai vendu mes t-shirts et les CD de mon premier album : 3azzy 3andou stylou.

Qu’est ce qui a changé depuis la sortie de ton album en Novembre 2013 ?

Avant, j’avais juste 3 ou 4 morceaux sur internet, puis, j’avais sorti le clip Cazafonia. On avait une page de 25.000 fans, il n’y avait qu’un cercle de branchés qui nous connaissaient, alors que maintenant, on a 100000 fans, surtout après la sortie de l’album, et notre passage au tremplin. Les gens me reconnaissent plus dans la rue, ils m’abordent plus, ils m’appellent plus au téléphone…

Est-ce que la popularité te dérange ?

Ça dépend du caractère de chacun. Certains, ça les déprime, d’autres, ça les ravit, moi, c’est les deux. C’est un peu le revers de la médaille. Des fois, c’est rageant quand quelqu’un t’appelle à 3h du matin, ou qu’il vient pointer à la maison, mais bon, tu es obligé de tempérer, car, sinon, tu es taxé de grosse tête. C’est difficile de gérer tout cela. Pendant l’boulevard, j’ai pris avec mes fans 300 photos en 3 jours, c’est bien et épuisant à la fois.

Que pensent tes parents de ton choix de rapper ?

Mes parents sont très conservateurs et ont eu beaucoup de mal à comprendre mon choix. Ils ont peur que je dégénère, ils veulent que j’aie un boulot stable. Mais quand ils ont vu que je passais à la radio et à la télé, ils se sont rendus à l’évidence.

« 3azzi », c’est un peu « Niga » aux USA ?

Je ne suis pas le seul qui a utilisé ce mot au Maroc. Quand je suis rentré dans le domaine, ça a commencé à prendre du sens. Il y a un problème de racisme au Maroc, les Marocains sont racistes entre eux, avec 3wazas (noirs), surtout les subsahariens, il n’y a qu’à voir les derniers incidents à Tanger. Je ne comprends pas pourquoi les gens se sentent offusqués en entendant ce terme au Maroc, nous sommes 3wazza, nous sommes africains.

Quel style revendiques-tu ?

Mon style, c’est celui qui me convient, que personne ne m’impose, que j’ai adopté depuis le début de ma carrière. Après, il y a eu ce jeu de mot, en français, le stylo… c’est un avantage pour moi d’avoir ce double sens. On me reproche souvent d’être à la fois rappeur et conservateur, j’ai ma propre interprétation des choses, de la musique, de la société, de la religion.

Qu’est ce qui te différencie de la nouvelle génération du rap ?

Je crois que mon rap est facile et accessible. Quand les gens me voient rapper, ils ont l’impression que c’est très facile, comme si je parlais d’une manière musicale, sauf que c’est bien travaillé, avec une bonne qualité son, les rimes, le flow, les punchlines,...

Tu soignes aussi ton image ?

Bien sûr, l’image est la moitié de l’artiste, surtout dans le rap. Il y a beaucoup de rappeurs qui sont très moyens, et pourtant, ils percent parce qu’ils soignent leur image, et ils ont une bonne équipe de communication derrière. Difficile pour un rappeur de percer s’il n’a pas l’image.

Tu es plutôt West Coast ou East Coast ?

Certains, après avoir vu mon clip «Cazafonia» disent que je suis influencé par la West coast mais j’aime tout en général, Das EFX (purement east coast), Warren G, MCH,…

Les rappeurs marocains sont séduits par la Gangsta attitude, mais le rap aux USA, c’est beaucoup plus hard. Les rappeurs sont des fois de vrais gangsters, des membres de gangs,…

Dans mon clip Cazafonia, il y a un pitbull, mais pas les flingues. Je parle de notre réalité quotidienne, les joins, …Nous avons notre propre gangstérisme au Maroc, quand ils parlent de ghettos, ce n’est pas comme chez nous. Notre ghetto à nous, c’est sidi Moumen, Karyanats. Eux, ils ont au moins l’électricité, le gaz, l’eau, alors que dans notre ghetto, il n’y a rien, sans parler des problèmes de vols, de viols, d’accidents, de chômage, de bassesse politique,…Dans le rap, Gangsta a une autre signification. Quand un rappeur sort une mélodie d’enfer, on dit : Oh, that’s gangsta.., ça veut dire : c’est mortel, wa3ra, gangsta rap, c’est le rap dur. J’ai des amis qui boivent, qui se droguent, des dealers,…mais moi, j’essaie de rester clean et de bien me comporter avec les gens.

Tu vis de ton rap ?

On ne vit pas dans un pays où on peut avoir une carrière de rappeur. On fait des t-shirts pour les vendre, parce le rap ne fait pas vivre ici. Donc, il faut faire quelque chose en parallèle, on n’a pas où les vendre, à part L’boulevard. D’ici 2 mois, on pourra acheter mes CD à Casa, Rabat, Meknès. Sinon, sur : itunes, Google play,…

https://www.youtube. com/watch?v=YCYj4vbCr40

https://itunes.apple.com/us/album/3azzy- 3ando-stylo/id757012926

Tu vis de quoi ?

Des concerts, une fois tous les 3, 4 mois. Je bossais dans des centres d’appel avant 2012, après, j’ai tout lâché, j’ai économisé de l’argent pour produire mon clip, je suis resté une année sans aucune ressource, mais là, ça va mieux, ça valait le coup de tout plaquer.

Casablanca est omniprésente dans tes morceaux ?

Casa est ma ville natale que j’adore. J’ai voyagé dans plusieurs villes marocaines, mais Casa reste mon grand amour, malgré tous ses inconvénients, le bruit, les embouteillages, les ordures, la pollution, les trottoirs défoncés,…Je l’aime parce que je veux qu’elle soit meilleure.

Tu es tenté de quitter le pays un jour ?

Au niveau production, il y a beaucoup à faire au Maroc, mais les grands studios sont chers. De plus, le niveau musical au Maroc n’a pas encore atteint celui en Angleterre ou aux Usa, c’est pour cette raison que mon album a entièrement été masterisé à Londres. Si jamais je pars, j’irai pour acquérir de l’expérience, pas pour y vivre.

Quel est selon toi, le secret pour durer ?

Il faut que ça émane du coeur et il ne faut pas faire attention aux critiques.

Tes projets ?

Je veux être pilote du rap au Maroc (Rire). Je voudrais pouvoir faire deux clips avant de sortir un 2e album. Je voudrais sortir un clip de « Sa3tek weslat », un morceau qui me touche personnellement, car c’est l’histoire de trois jeunes de mon quartier qui sont morts jeunes dans des conditions dramatiques ❚