L’Interview . Carlos Martínez Gorriarán, Député au Congrès espagnol
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Carlos Martínez Gorriarán, est député au Congrès, deuxième sur la liste et chef du programme et de l’action politique du parti UPyD,  la troisième force politique en Espagne.

Interview réalisée par Barbara Casado

L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Selon les enquêtes du Centre de recherche sociologique, le chômage est la principale préoccupation des Espagnols. Quelle solutions propose l’UPyD pour résoudre ce problème?

Carlos Martínez Gorriarán: Le taux de chômage en Espagne est un problème grave et dépend de nombreux facteurs. À notre avis, ce qui aggrave le problème du chômage en Espagne, par rapport à d'autres pays qui sont encore pire que l'Espagne, (par exemple, le Portugal affronte une situation économique bien pire que celle de l'Espagne et pourtant son taux de chômage est inférieur), c’est que le chômage est structurel. Il s’agit de la façon d'aborder l’économie et le droit du travail.

Nous proposons deux choses. D'une part, un changement radical du marché du travail et l'introduction de la formule du  seul contrat à durée indéterminée. Nous pensons qu’il est fort nécessaire de mettre fin au chômage des jeunes, qui pose le plus gros problème en Espagne, à la fois en pourcentage et en conséquences. Un pays dont la jeunesse ne travaille pas est un pays sans avenir. Nous pensons que le contrat unique à durée indéterminée aidera les jeunes, les femmes et les immigrants à ne pas payer la facture de la crise. Nous devons modifier radicalement le modèle contractuel en Espagne car il existe actuellement 42 modèles de contrats. Ce qui est absurde et ne sert qu'à accroître l'insécurité, et les salaires faibles ...

D'autre part, nous voulons une économie plus compétitive. En Espagne, il existe un modèle de "capitalisme de copinage”. Les faveurs politiques sont donc essentielles pour certaines affaires. Et la politique en Espagne a également besoin du soutien des grands groupes économiques. C’est dommage, car cela aboutit à des économies moins novatrices, et à une perte d'argent insensée. Nous sommes contre le projet de construction des gares ferroviaires dont le coût est estimé à  3,5 milliards d'euros parce que c’est une année électorale. Nous estimons que l'argent du gouvernement devrait être dépensé pour une économie productive. Mais il parait que les promesses électorales et les accords secrets conclus avec des entreprises amies sont plus importants que l'intérêt général.

Dans ce sens, être un entrepreneur et réussir doit être compliqué en Espagne.

C’est encore plus compliqué car la loi n’apporte aucune aide. Il y a très peu d'aide réelle pour les entrepreneurs. Mais il y a un besoin réel d’instaurer un cadre législatif et fiscal qui encourage les entrepreneurs.

En Espagne, non seulement les médecins et les ingénieurs tentent de migrer, mais même les entrepreneurs abandonnent la création d'entreprises parce que la législation est très hostile. Il y a beaucoup plus de problèmes que de facilités. Il y’en a qui ont créé des entreprises en Angleterre via l'Internet, car ce pays est doté d’une législation plus favorable : plus d'allégements fiscaux et moins de bureaucratie. Tant que la politique ne règle pas ce problème, l'Espagne continuera à perdre des entrepreneurs.

Une situation très évidente dans le contexte de l'économie numérique. L'Espagne ne  développe pas son potentiel. Parce que nous avons encore des lois très protectionnistes qui ne se focalisent point sur l'innovation, la jeunesse, les nouvelles idées ... Nos lois ne protègent que les vieilles idées, les anciens modèles d'affaires et les entreprises qui existent déjà.

Vous dites que les entreprises qui existent déjà sont protégées, mais   ailleurs on soutient que leurs mauvaises performances sont dues aux taux d’impôts qui sont parmi les plus élevés en Europe. Si UPyD remporte les élections, que feriez-vous au sujet de taxes?

Nous proposons de répartir la charge fiscale sans pour autant augmenter les impôts. Nous considérons que les entrepreneurs indépendants et les MPE paient trop de charges et que le groupe social qui paye le plus est celui des travailleurs salariés.

Les revenus du capital bénéficient d’un traitement fiscal très favorable et de nombreuses façons de contourner les impôts. Ce n’est pas illégal, mais on profite des avantages pour payer moins d'impôts.

Ce que nous voulons, c’est que les revenus du capital paient plus. La SICAV paie plus d'impôts, ce qui empêche les sociétés de patrimoine de devenir des biens personnels. Nous pensons que par  la redistribution de l'effort budgétaire, la classe moyenne paiera moins d'impôts et les grandes fortunes paieront  plus.

Vous avez également mentioné que de nombreux jeunes migrent vers d'autres pays où les avantages sont attrayants. Comment pourriez-vous résoudre  cette  «fuite des cerveaux»?

Ce problème peut être résolu à l’aide d’une politique active qui favorise la science. Il existe deux types de «fuite de cerveaux» en Espagne: les entrepreneurs et les scientifiques.

Ce qui a été commis en Espagne est un véritable fléau. Parce que les vieux partis, en particulier le PP, ne comprennent pas l'importance de la science. Ils la considèrent comme un luxe. Pour l'avenir d'un pays la science est la base. Sans la science il n’y aura pas d’économie novatrice. Et le pays ne pourra donc pas disposer de technologies ...

En fait, il s’agit d’un problème européen. Mais il est plus prononcé en Espagne. Selon un récent classement des 150 meilleures entreprises dans le monde, les 60 premières sont des sociétés technologiques. Mais aucune d’elles n’est européenne.

Nous accumulons des arriérés dans ce domaine. On doit faire un investissement intelligent dans la recherche en politiques publiques. Cela n'a pas été fait, et n’implique que peu de ressources financières. Cette année, avec 300 millions de plus, nous aurions pu garder le système de la science en Espagne.

Un autre sujet de grande préoccupation pour la société espagnole est la corruption. UPyD est défini comme un parti exempt de corruption. Nous n’avons jamais eu de scandale depuis la création de notre parti

Comment luttez-vous contre la corruption au sein de votre parti, et comment  pourriez-vous agir devant un cas de corruption ?

Aucun parti n’est exempt de ce risque. Nous le prenons très au sérieux. Si quelqu'un s’avère impliqué dans un cas de corruption, il sera automatiquement exclu du parti et poursuivi en justice. Ce qui est important c’est la transparence. La société doit être pleinement au courant des revenus et des dépenses d'un parti, ainsi que ses sources de financement. Le patrimoine de ses membres doit être public. La politique ne doit pas être une arme utilisée pour leur enrichissement personnel de manière illégale.

Et comment lutteriez-vous contre la corruption en général en Espagne?

De la même manière qu’au niveau de notre parti. Par le renforcement des politiques de transparence et de responsabilité. Autant de mesures pour empêcher ce fléau. Bien sûr, les cas avérés de corruption seront sévèrement punis. Tolérance zéro. Un pays ne peut prospérer sans ces mesures de transparence et de responsabilité.

Sur le plan antiterroriste, quelle serait votre politique?

Nous proposons de renforcer la primauté du droit et la tolérance zéro pour le terrorisme.

Il est hors de question de pardonner à ces terroriste. Nous ne pouvons pas leur donner raison. Nous ne pouvons pas sous-estimer leurs actes ni les excuser. Nous avons vu dernièrement toutes ces attaques djihadistes. Pour nous, c’est comme le terrorisme de l'ETA. Leurs actes à tous sont intolérables.

Nous estimons qu'il y a assez de lois pour lutter contre le terrorismo. Mais il faut surtout les respecter. Et ce n’est pas le cas à présent. Dans le cas de l'Espagne, Zapatero a conclu un pacte souterrain avec l'ETA. En échange d’arrêter la violence, l'Espagne a toléré la présence de la marque politique de l'ETA dans les institutions. Tout le monde le sait. Mais rien n’a été fait. Nous ne demandons pas l’impossible. Nous voulons que les terroristes collaborent avec la justice dans le but de condamner le terrorisme.

ETA a été vaincu. Mais politiquement parlant il est encore en vie. C’est une erreur. Il doit être défait également sur le plan politique.

Le Djihadisme n’est pas seulement un problème de terrorisme. C’est aussi un problème social. Car beaucoup de jeunes ne sont pas intégrés dans la société. Ces terroristes ne viennent pas de l'extérieur. Mais ils vivent ici. Quelles politiques devraient être appliquées pour atténuer la radicalisation de la jeunesse?

Dans le cas du djihadisme, je pense que ce que fait la communauté musulmane est très important. Le rôle des Imams est primordial à travers leurs discours sur la tolérance zéro pour le terrorisme. Ils devraient annoncer publiquement que personne ne peut se permettre un acte terroriste au nom de l'Islam. Et il doit y avoir toujours une action contre chaque acte de terrorisme.

De nombreux djihadistes sont des Européens qui se sont convertis à l'Islam. Nous devons nous concentrer sur la prévention du terrorisme sur les plans culturel et éducatif. Le problème c’est que Al-Qaïda a été dépassée par l'État islamique. Cela suggère le passage à une nouvelle étape puisqu’ils aspirent maintenant à des États terroristes. Nous ne pouvons pas vivre avec des Etats terroristes. Et nous ne pouvons les tolérer. C’est juste une question de temps avant d'entamer une confrontation ouverte avec eux.

 Beaucoup de gens en Espagne ont associé la montée du radicalisme djihadiste à l'immigration clandestine croissante. Comment ce problème peut-il être abordé?

Il y a beaucoup de problèmes qui devraient être abordés. C’est une immigration qui vient d'Afrique. Et il faut que ce problème soit réglé dans les pays d’origine par des politique de prévention.

Nous devons aussi lutter contre les mafias qui facilitent le mouvement de ces immigrants vers le Maroc. Nous devons changer le statut de Ceuta et Melilla pour les convertir en villes parmis les plus européennes de l’Afrique du Nord et renforcer les relations entre l'Espagne et le Maroc.

L'image des clôtures est une honte, mais elles doivent exister. Idéalement, Ceuta et Melilla devraient être une frontière avec le Maroc dans le sens le plus créatif, un site de développement, d’opportunités ...

Malheureusement, l'immigration clandestine est un problème compliqué aussi bien en Espagne qu’au Maroc. Il n’y a pas de solution à court terme, mais on doit commencer à travailler dessus.

 Comme nous le voyons,  Podemos s’impose en Espagne. Dans la dernière enquête, UPyD paraît comme une troisième force dans la prochaine élection, mais a été dépassé par Podemos. Comment analysez-vous ce phénomène?

Il n'est pas probable que Podemos gagne les élections. C’est un phénomène qui suit une crise politique brutale. En Espagne, il y a une énorme frustration politique, une indignation envers les élites politiques traditionnelles. Beaucoup de gens ont décidé de voter pour Podemos, non pas parce qu'ils sont intéressés par le programme de Podemos (qui n’existe d’ailleurs pas). Mais pour exprimer leur rejet de la politique traditionnelle.

Nous pensons que ce que nous devons faire, c’est fournir des politiques alternatives démocratiques et positives. Nous devons proposer des solutions réalistes. Et c’est ce que nous essayons de faire.

Je pense que la société espagnole est mature. Il n y’a pas eu de violence, en dépit de la situation difficile que beaucoup de gens vivent, la pauvreté, la marginalisation ... Podemos ne disparaîtra pas. Le parti va s’écarter puis éclater. Podemos est une bulle gonflée d'indignation et de certaines élites politiques et financières qui préfèrent secouer Podemos pour soutirer le vote de la peur. Ils jouent avec le feu. Et c’est très dangereux. Il est à noter que certains groupes de médias donnent à Podemos un support qu'ils n’ont jamais donné à un autre parti.