Liberté de conscience. La chasse aux non-jeûneurs au Maghreb

Dans les pays islamiques, c’est toujours le même débat qui revient, chaque mois de jeûne. Et cela montre bien que tout le monde n’est pas d’accord sur le sens de la liberté de conscience.

Au Maroc, en Algérie et en Tunisie, c’est la même question, que dit la loi? Et cette loi, quand elle existe, est-elle conforme aux droits humains et plus particulièrement à la liberté de conscience?

Au Maroc, la loi est claire. L’article 222 du Code pénal prévoit que «celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 200 à 500 dirhams». C’est clair? Pas tout à fait, il reste à définir ce qu’on entend par « notoirement » et « ostensiblement », les deux termes admettent plusieurs interprétations et permettent donc des abus. Néanmoins des personnes ont été condamnées sur la base ce ce texte.

En Algérie, il n’existe pas de texte spécifique à l’acte de dé-jeûner en public, mais un texte général qui peut être utilisé pour arrêter et condamner tout algérien qui mangerait en public. Selon l'article 144 bis 2 du code pénal, « est puni d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende de 50.000 à 100.000 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque offense le prophète et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l'islam que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen». On le voit bien, nulle référence au jeûne, et c’est tout le problème. On peut interpréter l’acte de dé-jeûner en public comme une offense au dogme ou aux préceptes de l’Islam. Là aussi des personnes ont été bel et bien condamnées.

La situation en Tunisie est plus compliquées, puisque la loi ne dit rien sur la question. Les autorités se basent alors sur l'article 226 du Code pénal et une circulaire appelée Circulaire Mzali de 1981 qui préconisait la fermeture des bars et restaurants ainsi que la vente d'alcool pendant le ramadan. Les défenseurs des droits de l’Homme rappellent que cette circulaire avait été annulée par Habib Bourguiba suite à de nombreuses protestations. Elle ne peut donc pas être opposée aux citoyens.

Néanmoins, dans ce pays, certains cafés et restaurants restent ouverts bien que discrets, chose impossible au Maroc et en Algérie. Le mouvement MALI avait fait beaucoup de bruit au Maroc en manifestant contre la loi qui punit les non jeûneurs, mais on n’en entend plus parler aujourd’hui. C’est en Algérie que la contestation prend forme avec un groupe de citoyens kabyles à Tizi Ouzou qui ont « ostensiblement » mangé, bu de l’eau et de la bière en plein public, manifestant leur liberté de conscience. Les Kabyles qui revendiquent leur indépendance, revendiquent aussi leur culture antérieure à l'arrivée de la religion islamique.

L’emprise de la religion sur les consciences et sur les politiques publiques devient de plus en grande avec l’arrivée de partis islamistes sans projet de société et sans compétence en matière de développement (on l'a vu au Maroc et en Tunisie) qui n’ont que la religion, qu’ils interprètent à leur avantage, pour gager les voix des populations analphabètes ou très faiblement instruites.