Axelle Fanyo « Jouer du Gershwin est un sacré challenge »
Extraits de Porgy and Bess

'Après sa brillante prestation l’année dernière à Dar Souiri, la jeune soprano Axelle Fanyo, 26 ans, a de nouveau enchanté le public de sa voix chaude et limpide en interprétant des rôles dramatiques, comme Tosca de Puccini et Bess de Gershwin, lors de la 15e édition du Printemps des Alizés' 

 

L’observateur du Maroc et d’Afrique . Ça vous quoi de revenir à Essaouira ?

Axelle Fanyo : Je suis super contente, c’est magnifique, les gens sont super chaleureux, le public est super, il y a un très bel accueil, une très belle organisation, en plus, il y a une super équipe cette année, on s’entend tous très bien, on s’amuse bien.

Vous avez démarré votre carrière en tant que violoniste puis vous avez viré vers le chant. Pourquoi ce choix ?

J’ai toujours voulu faire du chant, sauf que je savais qu’il fallait attendre. Je savais qu’on ne pouvait pas commencer le chant à six ans, comme on peut commencer le violon, alors j’ai attendu d’avoir un certain âge et de me sentir prête. Quand j’ai senti que c’était le moment, j’ai laissé de côté le violon et je me suis investie complètement dans le chant. Depuis toute petite, j’ai su que je voulais chanter et l’opéra est venue très vite, d’ailleurs, mes parents écoutaient beaucoup Jessye Norman et quand je la voyais à la télé, ça m’a donné envie de suivre sa trace. Il paraît que lorsque j’étais jeune, je chantais tout le temps dans la voiture, c’était ma façon à moi de communiquer, et ça ne s’est jamais arrêté jusqu’au jour où j’ai pu faire ça pour de vrai.

Chanter à Dar Souiri, dans un cadre intimiste, est-ce différent que de chanter avec un orchestre ?

C’est incroyablement différent, c’est passionnant mais c’est épuisant à la fois, ça demande un don de soi et une grande énergie. Lorsqu’on joue avec piano, on donne de soi d’un point de vue de l’émotion, de ce que le public ressent, mais avec un orchestre, juste pour que les gens entendent ce qui se passe, pour que l’orchestre et la voix fassent corps, il faut se donner physiquement, c’est incroyablement fatiguant, cela dit, c’est génial, ça vous porte, on a l’impression d’être sur une autre planète. Ça vaut tous les efforts.

Vos parents sont des artistes ?

Pas du tout. Ils adorent la musique. Ils voulaient que leur enfant fasse de la musique et c’est devenu ma passion, ma vie et toute mon existence.

Vous avez interprété pour la 1ère fois le rôle de « Tosca » avec l’orchestre philarmonique du Maroc.

Oui, c’est un grand rôle du répertoire, c’est une femme qui fait tout par amour et qui meurt malheureusement à cause de cet amour, en fait, c’est une belle histoire d’amour, c’est très dramatique, c’est très fort…

C’est un rôle intense qui se prépare à l’avance ?

C’est un rôle très exigeant qui se prépare bien à l’avance et qui demande une préparation psychologique très forte. Ça fait presque deux ans que j’essais de me l’approprier.

Vous avez également interprété du Gershwin.

C’est un sacré challenge parce que l’orchestre est énorme. L’écriture de Gershwin, c’est le mélange entre le classique et le jazz, c’est un orchestre beaucoup plus imposant que ce qu’on a l’habitude de faire dans l’opéra en général. Gershwin a ce côté jazz qui est assez sympa, mais assez dur à faire avec un orchestre.

Quels sont les rôles que vous aimez faire ?

Tosca d’abord. Et puis, j’aimerais beaucoup faire du Wagner, ne serait ce qu’un petit rôle, parce que c’est un compositeur que j’adore, c’est complètement subjectif, il n’y a pas de raison logique, quand je l’écoute, ça me transporte.

[caption id="attachment_14928" width="550"] Axelle Fanyo et Edwin Fardini avec le chef d’orchestre Olivier Holt.[/caption]

Le Jazz, ça vous dit ?

Ca me tente énormément, mais j’attends d’être à l’aise dans mon répertoire classique avant de passer à autre chose.

Chanter seule ou en duo, en quoi est-ce différent ?

Quand on chante seul, c’est comme s’il n’y avait plus rien à penser, tandis lorsqu’on chante avec quelqu’un, il y a un rapport à installer, une union à créer, que ce soit dans les personnages en soi qu’on interprète ou dans le son qu’on produit. On ne peut pas faire tout ce qu’on veut, on doit s’accorder l’un à l’autre, trouver une unité, chercher un son commun, produire quelque chose à deux.

Le fait d’avoir reçu des prix, ça donne plus d’assurance ?

En fait, ca donne plus de confiance. Parce que je trouve que l’assurance, c’est mauvais. En fait, cette reconnaissance signifie qu’on plait aux gens et qu’on peut conquérir les autres, donc, il faut continuer de défendre son travail jusqu’au bout.

Qu’est ce qui vous frustre dans ce métier?

C’est le fait de ne pas pouvoir tout chanter. Chaque chanteur a un répertoire donné, il y a des choses qu’on ne pourrait jamais chanter même si on le voulait, des choses qui ne sont pas écrites pour nous. Moi, par exemple, je ne pourrais jamais chanter Traviata, ça me frustre énormément, cela dit, j’ai Tosca, alors ça compense. De plus, même dans mon répertoire, je ne pourrais pas tout chanter, c’est un univers infini!

Pour la jeune soprano que vous êtes, comment vous sentez-vous à 26 ans?

Je sens qu’après une longue période dans le brouillard, je commence à toucher du doigt quelque chose et bientôt, j’aurais ma main. De toute façon, on n’arrête jamais d’apprendre… on sent qu’on est là pour transmettre, raconter quelque chose, que ça soit via l’instrument lui même, ou par la voix, cela dit, il faut que l’histoire qu’on raconte nous soit propre. Ce n’est pas parce que c’est écrit de telle manière dans le texte qu’il faut le dire à la lettre. C’est ça ce que j’ai compris maintenant. Je raconte une histoire, je lis un texte, j’écoute une musique, et ce qui est intéressant, c’est comment les transmettre au public en face de moi ? Et c’est cela qui est passionnant. Parce que pendant des années, on a travaillé la technique, et là, il faut aller au-delà.

Si vous n’étiez pas chanteuse ?

J’aime beaucoup l’enseignement, j’aime bien partager, transmettre, échanger, j’adore le contact ✱