Ahmed Bentouhami, Directeur Général de l’ONSSA : «Le contrôle des produits alimentaires est la responsabilité de tous»
Ahmed Bentouhami, DG de l'ONSSA

L’ONSSA est en première ligne dans le domaine de la sécurité sanitaire liée aux produits alimentaires. Ses interventions vont prendre une nouvelle dimension parce qu’un terroriste aurait versé dans le trafic de denrées alimentaires périmées.

 L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Qu’est-ce qui explique la recrudescence du nombre de denrées alimentaires périmées durant ce mois de Ramadan ?

Ahmed Bentouhami : Cette année, comme vous le savez, nous nous trouvons face à une situation un peu particulière. J’entends, ici, ce phénomène de stockage de produits alimentaires périmés en lien avec le terrorisme. C’est la première fois que cela arrive au Maroc. Nous nous sommes mobilisés dès que nous avons été informés par les services compétents à ce sujet. Nous avons alerté nos services pour que des recherches soient effectuées à travers l’ensemble du pays. Le résultat a, tout de suite, suivi à travers les saisies effectuées à Oujda, Tanger, Ouarzazate et dans d’autres villes.

Le plus gros a été trouvé à Fès, n’est-ce pas ?

La première opération dévoilée concerne Fès. D’ailleurs l’information relative à cette opération provenait des services de police. Pour le reste, ce sont nos services et les autorités locales qui ont effectué les recherches nécessaires pour trouver les entrepôts appartenant au concerné et effectivement ce qui a été découvert est énorme. Nous-mêmes, nous ne pouvions pas imaginer qu’il y avait autant de trafic de denrées trouvées. Ce que je peux dire, c’est que cela va certainement nous amener à d’autres découvertes. Cela montre aussi la nécessité pour nous de trouver d’autres solutions pour lutter contre le fléau du stockage ou de réutilisation de denrées alimentaires périmées. C’est très dangereux pour la santé publique. Maintenant le travail se poursuit car, je le répète, il y a des quantités énormes.

Quels sont les autres acteurs avec lesquels vous coordonnez vos actions ?

Je dois préciser que l’ONSSA effectue les contrôles dans le cadre de commissions provinciales où sont représentées, notamment, les autorités. Du reste, il y a les services économiques préfectoraux qui s’occupent de tout ce qui est lié au contrôle des prix, de l’affichage, etc. En outre, des actions spécifiques sont menées par nos services. Nous allons donc établir un bilan général de tout ce qui a été fait comme nous le faisons d’habitude pendant le mois de Ramadan.

Est-ce que cette série de saisies de denrées périmées s’explique par le fait que le contrôle est beaucoup plus important au mois de Ramadan ?

Oui c’est sûr, parce que tout le monde se mobilise durant ce mois sacré et tout le monde fait attention. L’ONSSA a participé avec les autres ministères à une grande réunion de mobilisation au ministère de l’Intérieur dont le but était le renforcement des contrôles. Il faut le reconnaître, nous ne pouvons pas faire toute l’année ce que nous faisons pendant le Ramadan. Nos services de contrôle se mobilisent spécialement durant ce mois pour les produits alimentaires et laissent leurs autres tâches habituelles. On ne peut pas se permettre cela toute l’année. Surtout que nous avons des effectifs un peu limités. Pour le reste de l’année, on fait des contrôles tous les 3 mois ou tous les 6 mois. Cela dépend des secteurs, des produits, etc. Mais pendant le mois de Ramadan, on ne fait presque que cela. Sur les 2000 personnes, à peu près, que compte l’ONSSA, entre 600 et 800 d’entre elles sont mobilisées pour les contrôles.

Vous le disiez, c’est la première fois au Maroc qu’une affaire de saisie de produits impropres à la consommation est liée au terrorisme. Cela ne donne-t-il pas une nouvelle dimension aux actions de contrôle ?

C’est inquiétant. Je pense que les gens qui versent dans de tels trafics cherchent des solutions de facilité pour gagner de l’argent. Comme le fait de racheter des produits alimentaires à un prix dérisoire, trafiquer les étiquettes et fabriquer de nouveaux emballages pour vendre le tout comme s’il s’agissait de nouveaux produits. C’est très grave ! Ce genre de trafiquants sont des ennemis pour nous tous.

Comment leur faire face ?

Il faut que tout le monde se mobilise contre eux. D’ores et déjà, on est en train de voir comment on peut améliorer notre système de contrôle. On va aussi effectuer des recherches concernant les produits saisis. Lesquels peuvent provenir de la contrebande, mais pas seulement. Il y a aussi des marchandises périmées qui peuvent provenir d’unités agréées qui doivent elles-mêmes les détruire, en principe, mais il pourrait y avoir des fuites…

Concernant les produits saisis, proviendraient-ils d’entités nationales?

Dans les produits qui ont été trouvés dans les différents entrepôts, il y a de tout : des produits qui proviennent d’unités marocaines et d’autres de contrebande. Cela nous pousse maintenant à chercher comment lutter contre la revente de produits périmés et qui sont les clients qui les achètent. Je pense que les enquêtes qui vont suivre vont être très utiles parce qu’il doit y avoir un réseau d’approvisionnement, des équipes, des fournisseurs. Ce sont autant d’éléments importants dans cette affaire.

Est-ce qu’il n’est pas aujourd’hui grand temps de renforcer vos actions de contrôle par un partenariat public-société civile pour une meilleure efficacité?

Le contrôle et la sécurité sanitaire des produits alimentaires sont la responsabilité de tous. D’abord, de par la loi, l’opérateur qui met le produit sur le marché a la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les aliments qu’il commercialise soient sains. Ensuite intervient le rôle des services de contrôle pour ce qui est des règles d’hygiène, de sécurité. Ce sont là les rôles des services de contrôles relevant principalement de l’ONSSA. Mais n’oublions pas le consommateur et les associations de consommateurs. Ces organisations sont là pour attirer l’attention des services de contrôle, mais aussi pour sensibiliser les consommateurs à la nécessité d’acheter de la marchandise étiquetée et faire attention à la date limite de consommation. Nous-mêmes, nous tenons beaucoup de réunions de sensibilisation avec les associations de protection des consommateurs. Nous sommes liés par des conventions de partenariat avec une ou deux d’entre elles. Certes, ce que nous faisons aujourd’hui, n’est pas suffisant, mais le rôle du consommateur et des associations est primordial pour préserver la sécurité sanitaire de notre population.