Libre cours
Naim KAMAL

« Vous bombardez leurs pays, et vous déchirez leurs familles, vous dessinez leur prophète dans les dessins les plus ridicules, vous encouragez les chrétiens africains et vous les armez pour tuer des musulmans au Mali et en Afrique Central… Puis vous vous manifestez comme des victimes !!! Ne vous moquez pas de vous-même ! Personne ne croira mis à part les débiles et les hypocrites !!! » Cette déclaration est attribuée sur facebook au philosophe français Michel Onfray qui l’aurait publiée sur son mur. Je dois dire que je n’ai pas pu en vérifier l’authenticité. J’ai donc des doutes sur son authenticité surtout quand je reviens à la récente extrême droitisation du philosophe et fondateur de l’université populaire. Mais qu’elle soit sienne ou pas, elle résume ce que le matraquage médiatique que subissent les Français depuis le début du mois de janvier a oublié : La part de responsabilité de la France dans les drames collectifs et individuels de cette année noire. Et à croire la déclaration que les réseaux sociaux véhiculent au nom de Michel Onfray, la France doit compter pas mal de « débiles et d’hypocrites ». Sous prétexte de commémorer dans la foulée du massacre de 23 novembre les attentats de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, c’est un incessant bombardement politique et médiatique qui est orchestré au nom de la mémoire. Visages contrits. Mines graves. Larmes à flot. Plaques commémoratives. Chants funèbres. Chœur de l’armée française. Johny Halliday visage ravagé. Déclarations enflammées sur l’esprit de la manifestation du 11 janvier de l’année précédente, mais foule clairsemée au grand dam des organisateurs, rien n’a été épargné pour faire vivre les valeurs de la république : Liberté, égalité, fraternité, mais entendez surtout supériorité.

Infos sur infos, reportages sur reportages, micros-trottoirs sur micros-trottoirs, documentaires sur documentaires, débats sur débats, le public français et ceux qui, masos d’ici, veulent voir, nécessité oblige – n’est-ce pas les nôtres qui commettent les carnages - cette guerre de la civilisation contre la barbarie, ont été gavés comme des oies bonnes à en faire une bouchée, sans savoir à quelle sauce ils seront mangés. Des livres pour l’occasion ont été publiés largement commentés et encensés, érigés en ouvrages d’histoire. Je les ai guettés, tous sont passés, promus. Sauf un : Mohicans, connaissez vous Charlie ? de Denis Robert. Eh bien non, on ne cannait pas Charlie ! On part des années de gloire des historiques de Hara-Kiri, François Cavanna et le professeur Choron, rejoints par Delfeil de Ton et autres Siné, et on finit avec le hold-up de Philippe Val et de ses sbires qui deviendront par un triste matin de janvier ses martyrs, Charb y compris. Charlie ce n’est pas ce qu’on voit ou on croit. C’est une histoire d’intrigues et d’argent, de censure et de mises à l’écart dont les vraies victimes sont, comme dans toutes les révolutions, les historiques, Cavanna et les autres, abandonnés en mer agitée sur l’autel de la mesquinerie. Ce sont leurs noms qui devraient figurer sur les plaques commémoratives, si ce n’est à la place de Charb et des siens, du moins à leur tête. Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, le Charlie sans limite et sans tabou n’existe pas, ou n’a plus existé depuis que le Philippe Val pontifiant et péremptoire, qui a domestiqué la rédaction, a mis main basse sur le journal. L’humour bête et méchant revendiqué par les pères fondateurs, a cédé la place à des usurpateurs, bêtes et méchants mais sans humour. Mohicans, connaissez-vous Charlie ? Un haletant récit qu’il faut acheter, sinon, pour reprendre une publicité de Hara-Kiri, volez-le, lisez-le et faites-le lire !