Ainsi va le monde !
Vincent HERVOUET

Jeudi, petit-déjeuner avec Alain Juppé

«Certains veulent renverser la table. Moi, je veux mettre un nouveau couvert. Il s’agit de rassembler, mais pour réformer». Dans ce salon de l’hôtel George V, l’ancien Premier ministre est en terrain conquis. Personne à table n’envisage de lui demander de comptes. Pourquoi faut-il donc qu’il vante les réformes lancées, il y a plus de 20 ans et qui avaient fini par mettre le pays dans la rue ? Pourquoi vouloir prouver qu’il a toujours raison ? Sur l’éco, l’éducation, l’Europe, la Libye, la Syrie, l’Islam, etc. On dirait le plaidoyer d’un retraité. Cette auto-commémoration permanente suscite une sorte de joie amère : Alain Juppé a le narcissisme douloureux. «Le meilleur d’entre nous», comme disait J. Chirac, ne comprend pas que l’électorat de droite reproche à sa génération d’avoir orchestré le déclin.

Mardi, diner avec une longue cuillère

Etre ministre en Hongrie, c’est avoir à se justifier dès qu’on voyage en Europe. Laszlo Trozanyi est ministre de la Justice et il a ses habitudes dans ce club sélect dont les hautes fenêtres ouvrent sur la Concorde. Il n’y a pas si longtemps, il était ambassadeur à Paris. Ce sont ses anciens collègues auxquels il doit maintenant expliquer que le régime décrié de Viktor Orban ne représente aucune menace en Europe. Il le fait en juriste et défend les accords de Dublin piétinés par l’afflux des migrants. Ce n’est pas la grille dressée à la frontière serbe qui aurait ruiné les accords de Schengen mais les bras ouverts d’Angela Merkel aux réfugiés. A vrai dire, depuis le début de l’année, le revirement des Européens sur ces questions semble donner raison à Budapest (Seulement 146 réfugiés ont obtenu l’asile en Hongrie… mais moins de 20 en Espagne…) Le ministre plaide surtout en historien et rappelle que son pays a survécu à des siècles de menaces ottomanes, la dislocation de son empire, le calvaire des occupations nazies et soviétiques… Si la constitution qui prétend que «Dieu bénit les Hongrois» choque Bruxelles, alors c’est l’Europe qui pose problème en reniant ses racines. CQFD

Mercredi, «l’écureuil empaillé ?» 

A Toulouse porte un nom très français, mais n’a pas l’accent de la ville rose. Elle vit depuis trop longtemps à Arlington dans la banlieue de Washington. Cette consœur américaine a été l’une des premières à tenter d’expliquer le phénomène qui bouleverse la campagne 2016 : «Pourquoi voter pour un homme qui a un drôle d’écureuil assis sur la tête ?». Donald Trump mérite mieux qu’un haussement d’épaules ou un soupir accablé. C’est un clown qui venge la classe moyenne de sa colère contre les institutions. «The» Donald semble sorti du feuilleton «Happy days» qui cultive la nostalgie des années 50 où l’Amérique vivait sans états d’âme : «il cherche à s’identifier au héros bien-aimé du feuilleton, macho, grande gueule, dragueur, bagarreur et rebelle, en lutte contre l’autorité et les convenances, qui installe son bureau dans les toilettes pour homme d’un restaurant…» A la veille des primaires dans le Wisconsin, Mélania, sa troisième épouse a été mobilisée en urgence pour dire que son mari est un chic gars. Trop tard ! A force de déclarations provocantes, «the Donald» a fini par lasser l’électorat féminin. C’est plus grave que le rejet qu’il suscite dans les minorités. Résultat : sa défaite face à Ted Cruz est cinglante. Elle donne un premier coup d’arrêt à ses ambitions présidentielles. L’écureuil bientôt empaillé ?