Les convulsions en Amérique
Ahmed Charau00ef

On avait salué l’arrivée d’un président noir aux USA comme l’aboutissement de la lutte pour l’égalité et la fin d’une histoire douloureuse, celle de l’esclavage puis de l’apartheid. C’est ce même président, Barack Obama, qui reconnait à la fin de son second mandat que les problèmes persistent, que la justice a, parfois, un fonctionnement discriminatoire. Les derniers événements, violents, heurtent la sensibilité de tout humaniste, et posent de vraies questions. Bien entendu, on ne peut justifier l’assassinat de policiers, mais nul ne peut contester l’existence d’une violence policière. En six mois, la police a abattu 118 noirs. Ils n’étaient pas tous pacifiques, loin de là. Mais sur une dizaine de cas, la police était dans le tort et malheureusement, la justice n’a pas sanctionné. C’est pour cela que Barack Obama parle de «fonctionnement» discriminatoire. Mais il faut rester raisonnable. L’Amérique a connu une guerre civile à cause de l’esclavage. Une très longue lutte pour les droits civiques. L’une des plus grandes démocraties du monde, la première puissance, a attendu Martin Luther King, pour aller dans le sens de l’égalité des individus. La discrimination positive a permis d’augmenter le nombre de noirs dans les universités, aux postes de direction, tout en offrant une meilleure visibilité à cette communauté. Mais aux derniers Oscars, il y a eu un vrai mouvement parce qu’aucun noir n’était nominé. Ce sont là les limites d’une politique volontariste, parce que la transformation sociétale ne peut pas être imposée. Les noirs américains représentent 13% de la population et non pas la moitié, comme l’écrivent certains. Ils sont sur-représentés en milieu carcéral, devant les tribunaux, mais aussi, heureusement, dans le sport et le show-business. Dans l’actuelle séquence historique, c’est le rapport entre la police et la communauté noire qui fait la une. Il y a un vrai problème éthique, démocratique et même sécuritaire. La police est dépositaire de la force publique, la seule violence permise en démocratie. Or, celle-ci ne doit s’exercer que dans l’absolu respect des droits humains. Il faut insister sur les manquements de cette formation-là dans le cursus des polices, et sur la nécessité d’une formation continue. L’Amérique est un pays où les armes, même lourdes, sont en vente libre. Les lois permettent à un policier de tirer dès qu’il se sent en danger. C’est cela qui fonde les jugements d’acquittement, le policier n’a pas à prouver qu’il était en danger, mais qu’il pouvait se sentir en danger. C’est choquant, mais c’est légal. Il faut voir plus loin. Les conditions socio-économiques des noirs sont terribles. En majorité, ils sont pauvres, peu éduqués, bénéficiant rarement d’une assurancemaladie et surtout convaincus qu’ils sont stigmatisés. La démocratie américaine a les ressources pour traiter le problème à la racine et privilégier la citoyenneté face au communautarisme. Mais cela prendra du temps, parce qu’il y a le poids de l’Histoire.