Inzegane: Les Filles aux sabres en liberté surveillée
En se passant pour des adeptes de tchermil, ces filles tentaient-elles de se faire populaires ?

Leur photo a fait le buzz la semaine dernière : Les adolescentes brandissant des sabres et des couteaux ont été présentées devant la justice et seront en liberté surveillée préjudicielle.

Leur photo et vidéo ont choqué la toile : Dix élèves de Massa et de Belfaâ, s’exhibant avec leurs blouses blanches, prennent la pose en brandissant fièrement couteaux et sabres. Largement partagée sur les réseaux sociaux, cette photo ne va pas tarder à mener les forces de l’ordre jusqu’aux filles identifiées malgré leur tentative de se cacher la face.

Tchermil frappe encore



Mardi, le juge des enfants au tribunal d’Inzegane a prononcé son jugement : La liberté conditionnelle pour les dix adolescentes tout en les soumettant au système de liberté surveillée préjudicielle pendant trois mois. Une nouvelle affaire qui rappelle l’engouement d’un grand nombre de jeunes pour le phénomène du « Tchermil ». Mêlant culte du bling bling et apologie de la violence, cette mode séduit depuis des années les jeunes qu’ils soient hommes ou femmes. « Que ça soit dans la rue, dans les écoles ou ailleurs, ses adeptes n’hésitent pas à afficher leur appartenance par le mode vestimentaire, par leurs coiffures, par leur manière d’être, d’agir, de s’exprimer et surtout en s’adonnant à des démonstrations de force filmées et photographiées avec des armes blanches », nous explique Hassan Baha, chercheur en sociologie de l’image.

Baskets Nike, jogging, bijoux bling bling, motos, couteaux et sabres, coupes de cheveux extravagantes... les mchermlines font tout pour se différencier des autres. « Ils se construisent une identité autre, indépendante de celle des autres. Ils se constituent en communauté antisystème et se considèrent comme émancipés et affranchis. Cette idée de révolte séduit beaucoup d’adolescents en mal de repères et les attire pour se convertir au tchermil », analyse le chercheur.

Se distinguer



Etre mchermel devient alors une manière de se distinguer, de gagner en confiance en soi et surtout de transmettre une image de force aux autres. « Les démonstrations avec des armes blanches sont une manière de rappeler leur pouvoir et de se faire craindre par les autres, considérés souvent comme ennemis incapables de comprendre leur culture et leur culte », ajoute Baha en mettant le doigt sur les raisons de cet engouement des adolescents, garçons et filles, pour cette mode et ce mode de vie.

S’inventer une nouvelle identité, se sentir en force dans une communauté partageant les mêmes visions et les mêmes idées, beaucoup de jeunes en sont tellement fiers qu’ils vont exhiber leur appartenance dans la vie réelle mais aussi sur les réseaux sociaux. « Et c’est justement là la motivation de ces jeunes filles d’Inzagane : Dire aux autres que nous appartenons à cette catégorie pour se faire une certaine popularité, se faire accepter ou se faire craindre » explique le chercheur. « Nous connaissons tous l’éprouvante expérience pour un adolescent de se faire « aimer » et apprécier dans son milieu scolaire. Tchermil était la clé pour ses filles, qui peut être ne sont même pas des adeptes mais ont fait tout simplement semblant », analyse-t-il.

Culte des jeunes en mal de reconnaissance et des marginalisés ou tremplin vers la criminalité, tchermil séduit toujours et satisfait des besoins inassouvis chez une large population prédisposée. « Là où il y a frustration, dépit et pauvreté, tous les phénomènes extrêmes peuvent trouver un terreau fertile : Du tchermil jusqu’au terrorisme en passant par les différentes déviations », conclut le chercheur.