Abdelfattah Grini « Il ne faut jamais oublier d’où on vient »

Avec son look excentrique et sa voix chaleureuse, l’artiste marocain qui s’est fait connaître grâce à l’émission de télé-réalité « Album » sur la chaîne arabe MBC en 2007 a su insufler un nouveau souffle à la chanson orientale en imposant un style bien propre à la lui, à la fois jeune, décomplexé et plein de fraicheur. Sa chanson « Fan » en version arabe du film de « Shah Rukh Khan a conquis le cœur du public indien et lui a ouvert les portes de Bollywood. Sa prestation sur la scène de la plage d’Agadir lors de la 13e édition du Concert pour la Tolérance sera gravée à jamais dans les mémoires. Rencontre avec un artiste décontracté, et ambitieux qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins.

Quel look, Bravo ! Oui, j’ai un look un peu fou, personne n’a jamais réussi à me le faire changer ! J’ai toujours dit que le problème n’était pas le look mais plutôt ce qu’un artiste pouvait proposer comme contenu. Je me rappelle mes débuts en Egypte, lorsqu’une de mes chansons sortait, les gens croyaient que le chanteur était âgé, ce n’est qu’après qu’ils ont mis un visage sur un nom. Ils étaient d’ailleurs surpris de voir quelqu’un avec un look pareil interpréter la chanson orientale ! Avec le temps, ils ont changé d’avis surtout lorsqu’ils ont découvert ma personnalité, mais aussi par rapport aux artistes marocains.

Pour vous, le look, c’est très important, ça fait partie de votre identité musicale ? Au début de ma carrière, les gens ignoraient à quoi je ressemblais, ce n’est qu’après la sortie de mes clips et de mes interviews, qu’ils ont découvert comment j’étais physiquement. Je crois même que mon look a un peu aidé, mais l’important c’est ce que tu leur offres comme contenu musical, si ce que tu leur proposes est vide, ils vont vite se lasser et passer à autre chose. Il faut savoir intéresser son public, lui proposer quelque chose qui va lui plaire pour l’inciter à écouter tes chansons et assister à tes concerts.

Ça vous fait quoi de chanter pour la 1ère fois au Concert pour la Tolérance ? C’est un grand honneur pour moi de chanter ici, à Agadir, surtout pour une cause aussi noble que la tolérance. C’est un message très fort parce que dans l’univers de l’art, c’est important de ne pas focaliser sur les différences et se concentrer sur ce qu’on a en commun et qui nous rapproche, à savoir la musique. En plus de véhiculer une image de cohabitation, de paix, de partage et de tolérance, moi, ce qui m’intéresse en tant qu’artiste marocain, c’est aussi de montrer la particularité de notre public marocain, le niveau qu’a atteint notre art, nos concerts. D’autant plus que cette édition va être un peu différente des autres puisqu’on m’a dit que les chanteurs marocains figureront également dans le show qui sera diffusé sur M6 en France.

Vous allez chanter une nouvelle chanson ce soir ? Oui, j’ai tenu à ce que ma nouvelle chanson « 3agbak kida ya3ni ? » (distribuée par Ali Charara) que je chante ce soir après « Jabara Fan », soit filmée sur la scène d’Agadir pendant le Concert pour la Tolérance, avant que je ne la diffuse sur les chaînes arabes connues, comme MBC ou Wanassa, … Même si je l’ai déjà enregistré à Dubaï, j’ai préféré la jouer ici à Agadir, pour faire passer une belle image de tolérance qui caractérise le peuple marocain ainsi que la performance de nos artistes.

La version arabe de la chanson « Jabara Fan » a fait un véritable tabac. Comment est née l’idée d’un tel projet et à quand remonte votre passion pour la chanson indienne ? Au départ, je voulais juste que les gens l’acceptent. Mais vous savez, le marché de l’Asie, du Pakistan, du Bangladesh…c’est un univers qu’aucun chanteur arabe n’a encore exploré ! Ca fait longtemps que ce projet trotte dans ma tête, je voulais pénétrer le Bollywood system, et comme il y avait déjà MBC Bollywood, c’est a matché. Vous savez, la semaine dernière à Dubaï, les chiffres réalisés par la chanson montrent que c’est ma version arabe marocaine qui a réussi et non la version indienne ! Et d’ailleurs, même les gens en Inde ont plus apprécié la version avec notre dialecte marocain.

Vous avez tenu à imposer la darija dans cette chanson? Oui, le but au début en Egypte, c’était de la faire soit en égyptien ou en libanais, mais moi, j’ai refusé, et j’ai dit que cette chanson ne pouvait se faire qu’en marocain. Parce que je connais bien l’impact que cette version allait avoir, notamment un Duo avec Shahrukh Khan, j’appréhendais aussi la réaction du public marocain…ils avaient beaucoup de réserves quant au résultat, mais Dieu merci, ça s’est très bien passé. Il y a même des stars indiennes comme Anil Kapoor qui snappent la chanson. Vous imaginez, les indiens eux-mêmes ont été bluffés, quand ils ont entendu la partie indienne, ils ont pensé que c’était un chanteur indien qui l’interprétait !

Comment avez-vous vécu votre duo avec Shahrukh Khan? C’était énorme dans la mesure où j’ai toujours été un grand fan de lui, d’autant plus que je suis un Marrakechi et pour moi, les films et les chansons indiennes, c’est énorme. Quand j’ai tourné ce clip, je savais très bien que les marocains adoraient ce personnage,… mais de là à ce que Shahrukh Khan dise qu’il aime la chanson et qu’elle est la meilleure version, c’est une grande reconnaissance pour moi. Les médias au Maroc : radios, télévisions et presse écrite, m’ont aussi beaucoup appuyé, ils m’ont donné un énorme coup de pouce, c’est eux qui ont permis à cette chanson de réussir et de rayonner à l’international.

Comment on fait pour gérer son succès ? Ce sont les gens qui vous entourent qui le gèrent pour vous. Je travaille avec une équipe qui a toute ma confiance, qui croit en moi et qui me soutient, et croyez-moi, personne ne peur réussir seul.

Quel est le secret de la réussite dans ce métier ? Ne jamais oublier d’où on vient et toujours garder les pieds sur terre.

Avez-vous d’autres projets ? Oui, certains projets Bollywood sont sensés se concrétiser en décembre prochain, dont un projet de téléréalité. Pour l’heure, nous en sommes au stade des négociations. Il y un autre grand featuring en version latino que je compte bientôt enregistrer. Vous savez, mon objectif premier est de montrer que nous, artistes marocains, sommes capables de réussir, qu’on chante en égyptien, en khaliji, en libanais, en indien, en anglais, en français, ou en marocain !