Jason Clarke « Pour un film, l’histoire est la clé de la réussite »

Membre du jury de la 16e édition du Festival de Marrakech, l’acteur australien au charisme irrésistible, connu pour ses rôles dans Everest, La Planète des singes ou Terminator, a su s’imposer à Hollywood grâce à son tempérament puissant et son jeu réaliste. Propos recueillis par Kawtar Firdaous

L’Observateur du Maroc et d’Afrique: En tant que membre du jury, quels sont vos critères pour juger un film ?

Jason Clarke : C’est l’histoire qui m’intéresse le plus. Peu importe la direction ou le jeu d’acteurs, si l’histoire ne tient pas debout, rien ne fonctionne. Les films que nous voyons à Marrakech sont des films à petit budget et ça compte aussi. Ceci dit, les bons films doivent avoir une raison d’être. C’est pour cette raison que j’adore les films scandinaves et surtout danois. Je trouve que les Danois font des films réalistes, ce ne sont pas de grands films ou des œuvres compliquées, mais leur histoire tient la route de A à Z.

Vous avez été approché par des réalisateurs scandinaves ?

Oui, je suis même devenu ami avec quelques uns…Il y a quelques années, je parlais à Thomas Vinterberg à propos d’un film qu’il tournait et que je n’ai pas pu faire ! Il m’avait envoyé son chef d’œuvre « The Hunt », je trouve que c’est un des meilleurs films que j’ai vu pendant ces 10 dernières années !

Comment faites-vous pour préparer vos rôles ?

En ce moment, je me prépare pour incarner le rôle d’un colonel britannique dans « The Aftermath » de James Kent avec Keira Knightley, et dont le tournage débute au mois de janvier. Généralement, je fais beaucoup de recherches pour m’imprégner du personnage que je vais jouer et me situer dans l’espace temps où il évolue. Pour celui-là par exemple, j’ai tenu à rencontrer des militaires, des capitaines, des généraux en retraite, j’ai été à Wellignton Barracks à Londres, j’ai vu les gardes de la reine, j’ai lu des livres sur la période sombre de l’époque (après la seconde guerre mondiale en 46),… puis après, je construis le physique de mon personnage. C’est ma manière à moi de me mettre dans l’esprit du personnage, autant mentalement, émotionnellement que physiquement.

Qu’est-ce qui vous séduit dans un rôle ?

ça dépend du film. La première chose qui m’attire en fait, c’est l’histoire. J’aime être le héro, j’ai interprété quelques rôles de leaders mais un bon personnage reste un bon personnage, je ne jouerais jamais un rôle pour de l’argent. Après ce film de guerre, je vais tourner avec Helen Mirren, un thriller dramatique «Winchester» des réalisateurs Michael et Peter Spierig. C’est un style complètement différent, et donc, je cherche toujours à me diversifier. Mais vous savez, je ne choisis pas un rôle mais une histoire.

Dans HHhH de Cédric Jiminez (2016), vous interprétez Reinhard Heydrich, un colonel Nazi déchu, qu’est ce qui vous a attiré dans ce rôle ?

C’est le livre que j’ai lu à propos de son histoire qui m’a séduit en premier. Ca n’a pas été évident pour moi de jouer un colonel nazi pendant cette période de guerre avec l’Allemagne dans les années 40. Heydrich était un homme noir de l’histoire certes, mais dans le livre, il y avait une certaine honnêteté. Car au-delà de son côté sombre, ça décrivait aussi son ascension à Prague, les soirées mondaines auxquelles il était convié, la conférence de Wannsee à Berlin (1942) qui a mis au point « la solution finale de la question juive », le génocide, les assassinats, …En fait, ça valait le coup de raconter cette histoire d’une façon intelligente, parce que c’est arrivé pour une raison. Il faut donc continuer à en parler pour ne rien oublier.

C’était différent pour vous d’être dirigé par un réalisateur français, vous qui menez une carrière aux USA ?

Le style français est complètement différent, ça change des grosses machines américaines ! En tournant ce film avec une équipe française, j’ai vécu la vraie passion du cinéma. Tout le monde rêvait et voyait son rêve se réaliser chaque jour. D’ailleurs, sur le plateau de tournage, l’amour du métier se ressentait au quotidien. ça peut paraître cliché, mais c’était bien réel. Hollywood a par contre l’avantage d’attirer toutes les nationalités. Tout le monde a envie d’y percer et donc ce mélange de professionnels du cinéma venus des quatre coins du monde est très intéressant là-bas.

Les acteurs que vous aimez ?

Quand j’étais à l’école de cinéma, j’aimais Gary Oldman, mais j’adore voir des films avec des acteurs que je ne connais pas, et des fois, quand vous baissez le son, vous voyez vraiment s’ils sont bons ou pas. C’est ce qui se produit quand vous regardez des films étrangers qui ne sont pas soustitrés. Dans « American Hustle » par exemple, il y a des scènes que vous voulez voir et revoir, ce n’est pas la performance qui m’intéresse mais plutôt la personnalité que construit l’acteur.

ça vous arrive des fois de revoir vos films ?

Non, sauf quand mes neveux et nièces veulent des fois les voir et en parler. Dans la Planète des Singes par exemple, ils n’arrivaient pas à comprendre comment j’ai joué. C’est drôle, parce que ma mémoire du tournage est différente de celle du film !

Votre prestation dans Everest était époustouflante. Comment s’est déroulé le tournage ?

C’était génial, je n’ai jamais pris autant d’hélicoptères dans ma vie que pour ce film ! Nous avons tourné dans des conditions extrêmes à près de 3.000 mètres d’altitude sur l’Himalaya et en plein hiver, ça aurait pu me coûter quelques doigts, gelés par le froid. J’ai réalisé finalement combien j’étais chanceux, ce film a été pour moi une aventure unique, l’essence même de mon métier d’acteur ! De plus, le réalisateur Baltasar Kormakur travaille à l’australienne, il va droit au but et veut tout expérimenter luimême, réaliser, jouer l’acteur,...

Que signifie pour vous le fait d’être un acteur ?

C’est un boulot qui me permet de vivre, ça me rapporte énormément, ça me permet d’être ici à Marrakech, d’aller à Wellington Barracks (quartiers militaires, près du palais du Buckingham), rencontrer l’armée, escalader les montagnes,…En fait, ça veut tout dire pour moi, j’ai commencé en tant qu’étudiant à l’école de cinéma, je voulais être bon, des fois, c’est très épuisant, dérangeant, et des fois, c’est juste la meilleure chose au monde, c’est libérateur, j’ai fait de bons et de mauvais films, l’important pour moi est d’être toujours excellent ✱