Le coup de théâtre de Benoît XVI
Vincent HERVOUET

Un pape à la retraite, c’est impossible à imaginer. Un paradoxe comme des parcmètres à Venise ! Une contradiction dans les termes mêmes, comme « une obscure clarté ». C’est davantage encore, un défi à l’ordre du monde. Benoit XVI a réussi sa sortie en coup de théâtre, davantage encore que son élection qui avait déjà été une surprise. Depuis deux mille ans, l’Eglise catholique est cette institution qui traverse les crises et maintient ses rites qu’elle fait évoluer avec prudence. On compte 265 Papes depuis Pierre, le disciple désigné par Jésus, mais sur les doigts d’une seule main ceux qui ont renoncé à leurs charges.

Un seul l’a fait tout à fait librement et le cas remonte à sept siècles. Célestin V redevint moine et vécut en ermite. Il avait été critiqué par le plus grand des poètes italiens Dante Alighieri qui dénonçait dans la Divine Comédie « le grand refus par lâcheté » du pape-moine. Benoit XVI avait au contraire manifesté il y a trois ans son admiration pour ce prédécesseur lointain en se rendant sur sa tombe et en y déposant le « pallium » cette cape que portent les papes sur leurs épaules le jour de leur intronisation. A l’époque, ce geste n’avait pas été compris comme un signe avant-coureur.

Chacun désormais perçoit « l’obscure clarté » qui unit ces deux mystiques qui privilégient la recherche de Dieu dans la prière et le silence et qui se sont rejoints à travers le temps. L’aveuglement et l’arrogance des médias s’étalent avec éclat quand ils se penchent sur le Vatican, comme à chaque fois qu’ils traitent de la foi. Le comble aura été atteint avec la trahison du majordome du Saint Père dont les journaux ont fait leurs choux gras pendant des mois. Les secrets de Polichinelle photocopiés en douce par le mauvais larron ne révélaient rien d’autres que des rivalités de cour, des réalités très humaines et d’ailleurs sans conséquences.

Les médias et le traitre sont passés totalement à côté du scoop absolu, ce projet secret qui habitait Benoit XVI depuis un an et qu’il avait confié à certains de ses proches, sa décision révolutionnaire d’abdiquer. Comme quoi, on peut se retrouver en pleine lumière et rester méconnu. Depuis 8 ans, Benoit XVI est présenté comme l’incarnation du conservatisme. A cause de cela, la presse qui est fille des Lumières lui aura voué une hostilité qui jamais n’a désarmé. Notamment la presse française, si prompte à faire la leçon au reste du monde. Jean Paul II avait eu droit à la même haine, cédant sur la fin le pas à la dérision. Jean-Paul II réduit à l’impotence par la maladie avait choisi de rester jusqu’au bout. Il lui a fallu beaucoup de courage et en s’exhibant si diminué, il a voulu témoigner de la dignité des malades et plus encore, de la grandeur de la souffrance quand elle est offerte en sacrifice. C’est tout le mystère de la foi. Benoit XVI qui avait épaulé son prédécesseur jusqu’à l’agonie a choisi une voie radicalement différente mais tout aussi humble.

Benoit XVI a beau être attaché aux traditions, il révolutionne le pontificat. Au point qu’il sera peut-être difficile à ses successeurs de se maintenir en fonction, en cas de maladie et de contestation. Avec le danger que le trône de Saint Pierre devienne aussi fragile que l’autorité d’un Président américain après les élections du mid-term... Evidemment, ce geste aura des répercussions au-delà du Vatican. Comment imaginer qu’il reste sans conséquences à Londres ou la Reine Elisabeth (86 ans) se maintient comme chef de l’Eglise Anglicane mais évite les longs voyages ou à Jérusalem où Shimon Peres (90 ans) est désormais le doyen des chefs d’Etat, sans oublier les potentats d’Afrique ou d’Asie centrale qui s’accrochent au pouvoir en se prétendant irremplaçables.

En reconnaissant qu’il n’a plus la force d’assumer les responsabilités qui lui ont été confiées, Benoit XVI manifeste une forme de libre arbitre, ce qui représente un acte d’une modernité absolue. C’est aussi la démonstration que foi et raison vont de pair, ce que le théologien Ratsinger s’est attaché à démontrer tout au long de sa vie. Un message difficile à entendre pour ses contemporains. Pour beaucoup d’Occidentaux qui réduisent la foi à un sentiment. Pour nombre d’Orientaux qui récusent l’apport de l’intelligence, au nom du fondamentalisme. программа каркасный дом