Emma Meston « J’aime que dans un bijou, on puisse y voir son histoire »
Emma Meston

A la tête d’Ikone Paris, la créatrice de bijoux de luxe ayant collaboré avec Christian Lacroix séduit par ses créations flamboyantes et son style glamour « années folles » teinté d’une touche orientale sensuelle. Depuis 2010, elle accessoirise les caftans des plus grands designers marocains et orientaux. Sa technique unique d’ « Emaillage » mêlant dentelle de métal et broderie est un savoir-faire reconnu comme Métier d’Art en France. Nous l’avons rencontré lors de la 1ère édition de l’Oriental Fashion Day* de Paris où elle nous parle de ses parures « haute couture » au style résolument baroque.

Parlez-nous un peu de votre technique de création.

L’« Emmaillage » est une dentelle de métal (cuivre étamé, argent ou or en bobine) qui sert de support à mes créations. C’est une technique que j’ai créé et déposé il y a 15 ans et qui s’apparente à la broderie et à la dentelle, mais qui est unique et considérée comme Métier d’Art en France. Je la tisse à la main, il n’y a pas d’outils sauf pour couper le fil. J’y insère beaucoup de matériaux nobles pour composer à chaque fois ma palette de couleurs et de volumes comme si j'allais peindre un tableau. Donc, ça va du cristal de Swarowsky, des pâtes de verre anciennes aux pierres précieuses ou semi-précieuses qui sont elles-mêmes serties déjà par des joailliers. Le fil que j’utilise vient d’Italie, il est galvanisé d’un film de plastique, donc, je garde l’aspect or ou argent si ce n’est qu’il est inaltérable, inoxydable, hypoallergénique et incassable. Puis, on trouve aussi des empiècements anciens empruntés à diverses époques.

Qu’est-ce qui vous inspire pour vos créations ?

Mes époques de prédilection au niveau de l’inspiration, c’est l’art nouveau jusqu’à l’art déco. En fait, tout m’inspire, la mode, l’art, les voyages… Un tableau, une peinture peuvent m’inspirer pour réaliser une collection cohérente. Je suis également très influencée par les années folles et j’adore mélanger les métaux argent, or, métal... 

Vous accessoirisez plusieurs tenues orientales dont le caftan. Comment se fait le choix des bijoux pour un défilé ?

Il faut que les bijoux collent à la thématique du défilé, qu’ils se marient avec la tenue mais aussi qu’ils correspondent à la vision du créateur. Pour l’Oriental Fashion Day par exemple, on a des pièces assez chargées qui s’apparentent à l’art vénitien rappelant ainsi l’esprit baroque, on a les influences orientales et orientalistes ; une des stylistes a d’ailleurs choisi des coiffes Josephine Becker, ce qui nous plonge directement dans les années folles, étant d’années que pendant cette période, il y avait énormément d’artistes qui s’inspiraient de l’Orient ! On a aussi des coiffes médiévales …et c’est ce mélange des styles qui est intéressant dans la couture, car il permet de créer une nouveauté vu que tout a déjà été fait, à moins de créer des vêtements du futur ! Donc, si on revisite ce qu’on connait déjà, il faut pouvoir créer une nouveauté et on la fait à travers le décalage. Ce n’est pas toujours de bon goût mais…D’autres stylistes optent pour un look plus sobre, étant donné que leurs robes sont vraiment dans des lignes très épures, on conserve alors ce côté, on met juste un peigne qui est un peu fleuri mais sinon, on reste dans des géométries qui appartiennent presque au style art déco. Pour d’autres créateurs, on se concentre plus sur le type d’accessoires que sur le style. Ça peut se résumer à des boucles d’oreilles par exemple, parce que les tenues sont déjà très ornées, et puis, comme ça, ça crée une belle chronologie de voir toujours le même visuel !

Vous êtes aussi très influencée par le style oriental ?

Oui, une journaliste m’avait qualifié une fois d’« ’orientaliste à Paris ». Même si mes origines anglaise et polonaise n’ont rien à voir avec l’Orient, je reste très attirée par cette culture. J’ai vécu au Maroc et en Tunisie petite et j’ai gardé des influences orientalistes parce que d’abord c’est une culture que j’aime beaucoup, j’aime énormément son art, mais aussi parce que j’ai encore des amis peintres et écrivains qui habitent toujours le Maroc et que je visite régulièrement. Donc, c’est vrai, je me replonge régulièrement dans cette culture que j’aime énormément. J’adore évoquer la richesse dans les bijoux, et ça vient de mon histoire personnelle, mais j’aime que dans un bijou, on puisse y voir son histoire.

Cela fait des années que vous participez à l’Oriental Fashion Show à Paris ?

C’est la 6e année que je suis fidèlement la créatrice du défilé Hind Joudar, c'est d’ailleurs grâce à une amie photographe Alexandra Badonneau que je l'ai rencontrée. Je trouve qu’elle est extrêmement courageuse et son livre « Les merveilles du caftan » est très pointu. Lorsqu’elle a lancé le premier défilé, elle était partie de rien puis, ça a pris un envol incroyable ! Elle et son équipe sont guidés par une grande passion, ça va complètement au-delà des aspects financiers, on est dans le cœur, et je dirais que c’est un état d’esprit qui me convient parfaitement. Et comme je suis aussi thérapeute, je suis tout le temps dans le cœur à travers ce que je fais, dans le bijou et à travers le fait de transmettre mon savoir pour que les gens soient dans le bonheur et à la fois aussi, l’énergétique. Donc, voilà, l’énergie c’est du cœur sinon ça ne passe pas !

*Le 11 mars 2017