Patrick Boffa rend hommage à Yves Saint Laurent !

Connu pour son style épuré mêlant rigueur classique, sensualité et créativité du souffle de l’instant présent, le créateur français nous parle de son admiration pour YSL lors de l’Oriental Fashion Show tenu ce week-end au Royal Mansour à Marrakech.

Après votre défilé au Maroc en 2013, vous revenez rendre hommage à YSL :

C’est une collection conçue en deux parties : une avec le côté tailleur et donc une référence au smoking que j’adore. L’influence d’YSL est évidente dans ce travail, l’idée est de s’inspirer mais pas de copier, c’est un peu un hommage irrévérencieux, lui, il avait des coupes très tailleur, moi, j’ai mélangé du flou avec des vestes de smoking... La 2e partie de la collection, ce n’est qu’un travail de flou avec des robes du soir, beaucoup plus sexy et qui ont pour référence toute la mythologie grecque, avec un travail de plissé, de plis et de drapés.

Le jeu de transparence, le noir dominent cette collection ?

Oui, j’aime beaucoup ce jeu de transparence, ce sont des choses qu’on a masqué avec de la dentelle, des doublures couleur chair, pour le Maroc, pour rester respectueux du pays, des traditions et de de culture marocaine. Le 1er défilé est tout en noir, c’est une grosse référence, le noir n’est pas une couleur, c’est juste magique ! On peut tout se permettre avec le jeu de transparence, il y des noirs plus rouges, d’autres plus bleutés ; tous les noirs sont différents, il y a une profondeur et un travail d’exécution que j’adore dans le noir.

On sent justement l’influence de YSL dans votre travail ?

Lorsque j’ai rencontré Pierre Berger, il a trouvé mon travail très intéressant parce que c’était une sorte de filiation et non pas de la copie. Vous savez, Saint Laurent a tellement fait de belles choses dans sa carrière que, quoi qu’on fasse, on le retrouve quelque part.

Mes modèles sont de vrais vêtements et le but de ces vêtements, c’est de vivre et d’être portés. Ma plus belle satisfaction, c’est quand une femme m’avoue avoir adoré telle ou telle silhouette et que je puisse la lui refaire à sa taille pour qu’elle puisse se l’approprier, la porter et vivre avec !

Chez vous, chaque vêtement est personnalisé ?

Chaque vêtement a une âme, une histoire, naît d’une rencontre avant tout. L’idée c’est de rencontrer des femmes qui ont envie de belles choses, qui ont envie de s’habiller et de se faire plaisir. Ce ne sont pas forcément des mannequins, puisque j’habille tout type de corps. Pour les femmes qui ne peuvent pas se permettre la transparence par exemple, on repense tout le vêtement pour elles, en modifiant certaines choses : une manche un peu moins bouffante, un col un peu moins large,… c’est vraiment le principe du sur-mesure, d’arriver à satisfaire la cliente dans son entièreté, pour qu’elle s’approprie vraiment un vêtement avec les idées que je peux lui apporter tout en respectant ce qu’elle aime.

Vos sources d’inspiration ?

J’ai un grand respect pour le travail d’Alexandre Mac Queen, c’est un travail de recherche créative très exubérante et très travaillée que j’adore. C’est une source d’inspiration et même dans les moindres détails, on peut arriver à puiser des idées qui sont très inspirantes. J’ai une affection pour le travail de Martin Margiela, qui avait une rigueur dans les coupes, une grande simplicité avec des lignes très épurées, un grand travail sur les matières. Moi, je porte beaucoup d’attention aux matières, ce sont uniquement des soies fabriquées et produites en France, tous les vêtements sont produits dans l’atelier, sont coupés par moi, sont montés à la main, on a des couturières et des corsetiers issus de grandes maisons, comme Chanel ou Dior.

Vous avez commencé en tant que danseur ?

J’ai commencé la danse à l’âge de 5 ans, c’est une passion, j’adorais voir les gens danser à la télévision, alors mes parents m’ont inscrit dans une école de danse, j’ai suivi un cursus du Conservatoire de Paris, je suis rentré ensuite dans un corps de ballet, après être sorti du conservatoire avec une médaille d’or, j’ai commencé une carrière de danseur et j’aimais tellement la mode que c’était presque une évidence. La danse et la mode sont liés, c’était la grande époque des années 90 où Gianni Versace collaborait avec des grands corps de ballet (Bejar...). J’ai eu la chance de travailler avec ces danseurs, de côtoyer tous ces gens, et mon regard s’est tourné vers la mode et je me suis dit, au-delà de la souffrance physique de la danse, voilà ce que j’ai envie de faire.

Qu’est-ce qui vous plait tant dans la mode ?

Le fait de rendre les femmes belles,… le plus grand bonheur, c’est de créer un vêtement, de voir une femme le porter et que d’un seul coup, elle se retourne vers vous, vous regarde dans les yeux, avec un regard de petite fille et vous dit : « je n’ai jamais été aussi belle ou aussi jolie, … ». En fait, quelque que soit son corps, la personne arrive à être transcendée en se disant : « merci, vous m’avez rendu très belle ». Ça pour moi, c’est la plus belle des récompenses.

C’est un peu grâce à Gil Tardieu que vous avez pu pénétrer ce monde si fermé ?

Oui, on travaille ensemble depuis de nombreuses années, d’ailleurs, lui aussi a un passé de danseur. Il a été une sorte de mentor pour moi, nous nous sommes rencontrés par hasard, j’étais présent sur un petit défilé sur lequel j’avais fait du stylisme en fabriquant quelques petites pièces pour un coiffeur. Gil a adoré mon travail et m’a proposé de travailler avec lui, et de là est née une vraie complicité. Lui gérait la partie artistique et la conception et moi, je m’occupais de la création, et le binôme a tellement fonctionné que ça fait maintenant une vingtaine d’années qu’on ne se quitte plus !

Quel est le secret de la réussite ?

Il n’y en a pas, je crois que c’est beaucoup de chance et surtout énormément de travail et d’acharnement. C’est un métier où il ne faut pas avoir peur d’être exigeant et de montrer vraiment ce qu’on a envie de faire. Chaque fois que j’ai essayé de faire des concessions, je suis passé à côté de ce que je voulais faire !

Vos projets ?

Je voudrais pouvoir développer ma marque, au niveau de la communication, de l’image,… Pour le moment, elle est un très bel écrin, elle plait beaucoup, il faut qu’elle grossisse tout en restant à échelle humaine. Je tiens à garder le contrôle de ce qui sort de l’atelier, j’aime rencontrer chaque cliente, apprendre à la connaître, pour qu’elle puisse me faire confiance, me montrer ses défauts ; et par la suite lui arranger le modèle, un peu comme un chirurgien esthétique pourrait modifier un corps !

J’ai plus de clients à l’étranger qu’en France. Pour moi, le Maroc est un pays de cœur, j’y viens depuis que je suis tout petit et puis, c’est le 1er pays à m’ouvrir les bras. Il y a ici cette curiosité et cette facilité qui m’a permis tout de suite d’avoir une visibilité et de me greffer sur des événements comme « l’Oriental Fashion Show » et si je ne peux pas produire ces somptueux caftans dans mes ateliers, je peux amener mon clin d’œil européen, cette modernité, ce décalage avec en même temps, quelques références au Maroc.