Mourad Bouriki  « Le Tarab est le must de la chanson arabe »

 

Vainqueur de The Voice en 2012, le jeune chanteur apprécié pour ses reprises de chansons classiques nous raconte son aventure à Coke Studio sur 2M et les coulisses de son duo avec Mly Tahar Asbahani, l’icône du groupe mythique Jil Jilala.

Epris de Tarab depuis son plus jeune âge, Mourad Bouriki est formé très tôt par son père Lachcen Ben Brahim Bouriki aux mouwachahates arabes. Après une formation au conservatoire de Safi, le jeune artiste participe à plusieurs concours régionaux, nationaux et arabes, tels que «Adoua Al Madina» (Radio nationale 2008) ou Studio 2M en 2009. Mourad lance ensuite les titres Hayer et Loukan Byeddi. En 2012, il remporte le 1er prix de The Voice et signe avec Universal pour sortir un 1er album où il collabore avec des compositeurs et artistes de renom tels que RedOne, Asi Hellani, le poète Nizar Francis et bien d’autres. Depuis, le jeune safiote se produit dans différents événements au Maroc et au Moyen-Orient (Liban, Dubai…).

Comment avez-vous vécu l’expérience de Coke Studio ?

J’ai beaucoup apprécié le concept parce que j’ai déjà participé à Coke Studio dans le monde arabe. Sauf qu’à Dubai, le duo est composé d’un chanteur étranger et d’un autre arabe, du coup, on avait une chanson occidentale avec un rythme arabe et vice versa. Vous savez, quand vous avez des producteurs et compositeurs de talent comme Hamid Daoussi, vous ne pouvez qu’accepter le défi, car vous savez que le résultat va être à  la hauteur ! Mon passage avec Mly Tahar Asbahani était génial, on a chanté « Siniya » de Nass Ghiwane, un tube du patrimoine musical marocain. Je pense que ce genre d’émission va plus rapprocher les jeunes de notre patrimoine.

Comment vous vous êtes préparés pour le duo ?

Au studio, chacun essayait d’ajuster sa voix en fonction de l’autre. Vous savez, c’était un honneur pour moi de chanter avec Mly Taher Asbahani, un des piliers du groupe mythique Jil Jilala, c’est une légende vivante au Maroc. J’ai beaucoup appris de cette expérience, j’ai pu le connaître personnellement, et puis, si le duo a bien fonctionné, c’est parce que c’est une personne très humble. On n’a pas eu de difficultés à trouver un terrain d’entente même si lui chante « grave » et moi « aigu », car c’est quelqu’un qui sait t’écouter.

Deux dates déterminantes pour vous : votre participation à Studio 2M en 2009 puis votre victoire à The Voice en 2012.  

Oui, j’ai commencé à avoir une carrière professionnelle juste après Studio 2M mais j’ai toujours été conscient, même après ma victoire à The Voice, que c’était très difficile de nos jours de se démarquer de la masse et de percer dans ce milieu car la concurrence est très rude d’où la nécessité de créer son propre style musical. La seule occasion qui s’offre finalement aux jeunes artistes, c’est de participer à ce genre d’émissions et souhaiter qu’ils soient repérés par une société de production ou un compositeur de renom ; moi, ça m’a ouvert beaucoup de perspectives. The Voice m’a permis de collaborer avec RedOne, qui est un producteur et compositeur international, c’était une des meilleures expériences que j’ai pu vivre dans ma carrière et j’espère que ça va se reproduire. C’est un grand artiste que je respecte énormément parce qu’il a percé par ses propres moyens, on s’est vite compris, résultat : « Sayidati » est un morceau qui a plus car il respecte à la fois mon style tout en ayant une touche personnelle de RedOne !

Qu’est-ce qui vous attire dans le style traditionnel « Tarab » ?

C’est un style qui te permet d’enchanter les gens pour les emporter dans un monde de béatitude extrême. En fait, tu leur ramènes un peu de joie pour égayer leur quotidien. En interprétant les « maqamats », tu les tu les aides un peu à oublier leur problèmes, tu les nourris spirituellement, tu les fais rêvasser...Chanter ce genre de chansons me procure beaucoup de joie, c’est un style musical qui me ressemble, de plus, chanter du Tarab n’est pas à la portée de tous, il faut avoir une grande maîtrise des « maqamats » (intervalles musicales), des paroles, respecter la prononciation des mots, …c’est beaucoup de travail, ce n’est pas parce qu’on chante qu’on peut faire du Tarab ; il y a le chanteur, l’interprète et l’enchanteur, celui qui va au-delà…le Tarab, c’est le must de la chanson arabe, j’espère que l’ère des chansons « légères » va s’estomper pour laisser place à la chanson authentique.

Justement, ce n’est pas facile d’intéresser les jeunes au Tarab ?

C’est cela en fait le but de Coke Studio, moi, j’ai essayé de donner une touche moderne à une chanson marocaine issue de notre patrimoine musical. Vous savez, moi, j’ai eu la chance de baigner depuis mon plus jeune âge dans un milieu artistique, ce qui n’est pas le cas de tous les jeunes. Peut-être que cette touche de modernité séduira nos jeunes artistes.

On retrouve le Tarab  dans votre nouvel album aussi ?

Exactement, c’est un album de reprises de chansons classiques auxquelles j’ai rajouté une touche moderne. C’est le cas également pour une de mes dernières chansons religieuses « 3awn Gharib » que j’ai repris du folklore syrien halabi et qui a connu un grand succès dans les réseaux sociaux et dans les médias marocains.

C’est votre père qui vous a poussé dans cette voix ?

Oui, il est un peu mon idole, mon modèle, c’est lui qui m’a encouragé et m’a présenté au public quand j’avais 12 ans. Il m’a appris l’art au sens noble du terme, il m’a appris à être authentique et à être sincère avec le public. Il m’a transmis la sensibilité artistique, la politesse, l’humilité, la passion, …Et c’est tout naturellement que j’ai repris le relais.

Le secret de la réussite ?

Le travail avec sincérité. D’ailleurs, c’est le seul domaine où on ne peut pas faire de complaisance.

Vos idoles ?

A part mon père, il y a Oum Keltoum, Abdelwahab, Abdelhalim, Fairouz, Wadii Safi, Mohamed Faouzi, Karim Mahmoud, Abdelmoutalib…j’aime bien aussi Melhem Barakat, Melhem Zain, Assi Halani, Kadem Saher, Saber Rouba3i, Dikra…Pour les Marocains, j’adore écouter Mahmoud Idrissi, Mohamed Gharbaoui, Ismail Ahmed….Mohamed Hiyani, Belkhiyat, Doukali, Naima Samih…

A part la chanson ?

J’adore voyager, découvrir d’autres cultures, sinon, j’aime le foot, je suis widadi et un supporter du Real.

Si vous n’étiez pas chanteur ?

Je serais sportif, j’ai toujours rêvé de hisser le drapeau marocain et The Voice a été une grande opportunité pour moi pour démontrer qu’au Maroc, il y aussi de grands artistes.

Est-ce qu’au Mashreq, vous n’avez pas senti une sorte de discrimination parce que vous êtes marocain ?

Du tout, j’ai récemment enregistré une émission avec Marwane Khouri au Liban, j’ai été très bien accueilli, ils ont respecté mon talent et m’ont traité à ma juste valeur. C’est une grande reconnaissance pour moi car il ne faut pas oublier qu’on chante leur style !

Vos projets ?

En plus de mon dernier album de reprises, je vais bientôt sortir la chanson « Zinek Khatar » que j’ai déjà enregistrée, puis une autre patriotique « Min Rouh Fanan ». « 3yit nsbar 3ala bou3dou » est déjà diffusée sur les radios marocaines, puis « Lalla Bent Bladi ». Une tournée à Dubai, en Arabie Saoudite, aux Emirats et en Europe en  est également prévue l’année prochaine.