L’Amérique n’est plus une cocotte-minute
Vincent HERVOUET

Se tirer une balle dans la bouche, manière radicale de se mettre un bâillon. C’est donc par écrit et à l’hôpital où il est soigné après avoir raté son suicide que Djokhar Tsarnaev répond aux enquêteurs qui cherchent à comprendre la course à la mort dans laquelle il s’est lancé avec son aîné Tamerlan. Avaient-ils des complices ? Des commanditaires ? Quels étaient leurs prochaines cibles ? La police a ses énigmes à résoudre. Le dilemme de l’opinion est plus simple. La question tient en deux mots : Colombine ou 11/09 ? Les deux frères formaient-ils un de ces duos pervers qui jouissent de la tuerie de masse ou étaientils des fantassins d’une guerre terroriste sans fin ? Les familiers des deux hommes livrent leurs témoignages sur toutes les antennes du pays. Camarades de faculté, voisins, amis d’enfance, tous incrédules.

Les psychologues spéculent. Ces Tchétchènes ont vécu plus d’une décennie aux Etats-Unis. Ils en avaient adopté la langue, la silhouette, les habitudes. Et la nationalité pour le cadet. Ils semblaient entrés de plein pied dans l’ascenseur social. Leur vie était celle d’Américains de leur âge. Les rêves qu’ils avouaient, typiques de la Middle class. La gloire pour Tamerlan qui avait espéré intégrer l’équipe olympique, après avoir gagné le titre de boxeur poids lourd du Massachussetts. La fortune pour Djokhar, au bout de ses études de médecine. L’enquête dira peut-être comment cette mécanique s’est détraquée et ce qui a précipité les deux frères dans leur cavale nihiliste. Les carences de la police qui n’a pas repéré à temps la dangerosité de l’aîné ont d’ores et déjà provoqué la création d’une commission d’enquête.

Le FBI devra rendre des comptes sur sa myopie, une fois de plus. Les complotistes y trouveront matière à entretenir leur passion. Mais Il y a une banalité du mal et l’odyssée funèbre des terroristes gardera comme toujours sa part de mystère. Les Tsarnaev ont réussi à mettre Boston en état d’alerte. Mais sitôt les tueurs neutralisés et les victimes enterrées, la ville a respecté une minute de silence, fait son deuil et déjà, elle tourne la page. A Harvard comme au M.I.T les étudiants les plus enviés du pays ont repris leurs cours. L’Amérique, pays de la résilience ? En l’espèce, il faut admirer le savoir-faire de Barack Obama.

Apparaissant le soir du marathon sanglant à la télévision, avec le calme d’un Commandant en chef. Sermonnant le pays à la cérémonie oecuménique qui s’est tenue dans la cathédrale catholique de Boston avec la modération d’un prélat rassembleur. Depuis qu’il a eu le scalp de Ben Laden, Barack Obama fait tout pour laisser croire aux Américains qu’ils sont à l’abri d’Al Qaida. Il les a guéris de la terreur. Il leur a rendu la confiance en eux et en leurs institutions que la guerre au terrorisme avait ébranlée. La décision de juger Djokhar Tsarnaev comme un Américain ordinaire puisqu’il a été naturalisé va dans le même sens. Le jeune homme encourt la peine de mort mais se défendra devant un tribunal civil. Il ne sera pas traité en ennemi combattant, comme un kamikaze capturé à l’étranger et enfermé aux oubliettes de Guantanamo. Les bombes de Boston n’ont pas réussi à ébranler les Etats-Unis au point de les renvoyer douze ans en arrière. L’Amérique n’est plus une cocotte-minute. Le traumatisme du 11 septembre semble surmonté продвижение сайта через яндекс