Chine : Le pari africain
Mireille Duteil

La Chine ne va-t-elle pas endetter inconsidérément l’Afrique par sa générosité intéressée ? Telle est la crainte, tout aussi intéressée, du vieux monde occidental au lendemain du Forum Chine-Afrique des 3 et 4 septembre dans la capitale chinoise. Car, à l’exception du Swaziland, toujours lié à Taiwan, le continent noir est accouru en rang serré à Pékin à l’invitation du président Xi Jinping. On se serait cru à une traditionnelle grande messe France-Afrique, voire à une réunion du Commonwealth.

Qu’il est donc bon d’avoir un nouvel ami généreux au moment où les promesses de financement des pays occidentaux diminuent et leurs projets d’infrastructures se font plus rares. Mais remettons les choses en place. La Chine a promis 60 milliards de dollars (52 milliards d’euros) dont une partie sous forme de dons et de prêts sans intérêts. Cette somme est la même que celle promise lors du 6e sommet de Johannesburg en 2015. Mais cette fois, il n’est plus seulement question de dons, mais aussi de faire des affaires : 20 milliards sont des lignes de crédits, 10 milliards seront consacrés à des projets de développement et 5 milliards devront soutenir les exportations africaines. Le reste étant constitué de dons et de prêts sans intérêts.

Des Africains s’interrogent : jusqu’où peuvent-ils se lier financièrement et économiquement à la Chine devenue leur premier créancier (14% de l’endettement de l’Afrique noire) et leur premier partenaire commercial ? Pour répondre à cette crainte et à celle des Occidentaux, le président chinois a promis d’éponger les dettes africaines.

Pas question que l’Afrique réitère avec les créances chinoises l’énorme endettement qui était le sien vis-à-vis des Occidentaux dans les années 80 et 90, quand tous lui prêtaient sans contrôle. L’Afrique en est sortie appauvrie quand elle a dû faire appel au FMI. Aujourd’hui, si le service de la dette accapare 11% des recettes du continent contre 4% en 2011, six pays « seulement » sont surendettés et neuf risquent de le devenir. Pékin est le créancier principal de trois pays : Djibouti (où elle possède une base militaire), le Congo-Brazzaville et la Gambie.

La Chine réfute l’idée que l’endettement africain pourrait devenir critique et parle d’un partenariat « gagnant-gagnant » avec l’Afrique dans lequel elle voit un continent d’avenir. « Les nouvelles routes de la soie ont leur extension africaine », a dit Xi Jinping. Pour Pékin, l’Afrique n’est pas seulement le continent où elle peut vendre ses marchandises, acquérir des terres et des mines, acheter des matières premières (souvent à des prix bradés en contrepartie de ses financements), voire délocaliser ses entreprises, c’est aussi et peut-être surtout, un point d’appui diplomatique où elle peut damer le pion aux Occidentaux en particulier, et aux États-Unis, son principal adversaire.

De son côté, si l’Afrique est satisfaite de sortir de son tête-à-tête avec lesEuropéens, et va y gagner des infrastructures et des aides financières sans contrepartie en terme de droits de l’Homme, elle n’entend pas mettre ses œufs dans le seul panier chinois. Résultats dans dix ans.