Peinture
Exposition « Lady Berbère ». Lorsque l’art rencontre l’artisanat




L’alphabet secret de Keya




« J’ai été troublé par la manière dont elles tissaient, leur rapport singulier avec la matière première, leur sensibilité, confie l’artiste autodidacte Keya. J’ai voulu dans mes peintures leur rendre hommage. Ces tapisseries sont pour moi comme de véritables œuvres d’art, et ont des ressemblances frappantes avec les œuvres d’artistes mondialement reconnus.
L’artiste affirme avoir « conçu un alphabet secret pour transmettre à son fils des leçons, des conseils, des messages d’amour, un peu comme ces femmes qui ont choisi de délivrer des messages emplis de pudeur, d’humour aussi parfois, à leurs filles, leurs mères, leurs sœurs pour se protéger du regard des hommes. Elles se transmettent leur intimité, c’est aussi cela qui nous lie inconsciemment aujourd’hui. »
A la croisée de la tradition et de la modernité, « cette exposition a pour objectif de mettre en lumière le travail de ces tisseuses de tapis berbères, d’aider l’association SEMNID dans le but d’ouvrir pour la rentrée, un nouveau foyer pour soutenir la scolarisation des filles des zones rurales », nous confie la fondatrice de l’événement Stéphanie Cassan.
Les brodeuses aux doigts d’or

Cette galerie dans le désert combine subtilement l’art et l’artisanat, les secrets de femmes et leurs visions audacieuses du monde. Dans la fibre, ces femmes témoignent de leurs expériences, de leur solitude, de leur joie, de leur délicatesse, guidée par une histoire portée par leurs mères et grands-mères avant elles. Leur force est d’avoir créé un langage propre dans lequel leur parole n’est plus tue. Un langage inarticulé et pur. Comme les mots semblent ternes face aux élans du cœur. « Lorsque je me suis intéressée au travail de ces femmes, j’ai découvert ce qu’elles cachaient au sein de leurs tapisseries, leurs secrets, petits ou grands, explique Nathalie Heller Loufrani. Des secrets universels de femmes. J’ai reconnu l’œuvre des plus grands artistes et en même temps j’étais consciente qu’il s’agissait d’objets du quotidien. » La collectionneuse estime voir « dans leur travail la même puissance et la même force que dans les pièces contemporaines qui m’étaient donné de voir dans les galeries et les grandes ventes en Occident. J’ai voulu rendre hommage à ces artistes anonymes ».

Retour aux sources
Au cours de l’événement, un reportage vidéo signé Abdelillah Bellam, dédié aux femmes du Moyen Atlas et aux tapisseries Zindekh a été diffusé juste avant la présentation d’un spectacle de danse contemporaine mis en scène par le chorégraphe Taoufiq Izeddiou et animé par la chanteuse Fatima Zahra Nadifi avec qui il a collaboré dans la pièce « Botero en Orient ». Le danseur atypique s’est inspiré de sa mère qui créait des tapis et lui a enseigné l’art de tisser. Le désert d’Agafay évoque pour lui la terre, le retour aux sources et aux origines, l’humain. « Tout est inspiré du rapport à l’œuvre, nous explique Taoufiq. J’ai cherché dans les gestes de tissage, et j’ai essayé de représenter toutes les étapes de la confection d’un tapis. S’il n’y a pas de sol, il n’y a pas d’appui, pas de danse », conlut le dirigeant de la compagnie de danse contemporaine Anania.

Lancé le 4 juin 2021 dans le désert d’Agafay au camp Terre des étoiles, un parcours « Hors les murs Lady Berbère » a été présenté en même moment au Es Saâdi Palace et au Selman Marrakech.
Fin septembre, l’exposition itinérante sera présentée au jardin rouge de la Fondation Montresso. D’autres expositions Lady Berbère se poursuivront en 2022 autour d’artistes de talent comme le styliste Mossi Traoré, lauréat 2020 du Prix Pierre Berger de l’Andam.