Société
Visas: Un chantage français
Le mouvement de colère continue de s’amplifier face aux rejets massifs de demandes de visas aux Marocains désireux de se rendre en France. Citoyens, politiciens, juristes et société civile, la colère se généralise…
Hayat Kamal Idrissi
Des refus massifs sans motifs plausibles selon les demandeurs en colère
« Je suis bachelier et j’étais admis aux classes préparatoires en France or ma demande de visa a été refusée sans explication plausible. Je ne suis pas le seul dans ce cas, nous sommes légion ! Des étudiants dont les dossiers sont complets et qui devraient en principe être acceptés et pourtant le consulat leur inflige des refus incompréhensibles ! », s’insurge cet étudiant casablancais au microphone de Kifache.tv, devant l’un des centres de visa de la ville. Plongés dans le désarroi, de nombreux candidats éconduits n’arrivent pas à comprendre.
Galère
« Mon dossier est complet comme c’est le cas pour la plupart des demandeurs. Aucun motif n’est évoqué cependant pour expliquer le refus alors que les frais du visa sont déjà payés et encaissés », réagit, énervé, un autre jeune homme affirmant attendre la réponse depuis plus de deux mois. « Au-delà des refus presque systématiques des demandes, les délais incroyables d’attente pour avoir la réponse. J’attends depuis des mois maintenant et mon passeport est pris en otage alors que j’en ai besoin pour travailler vu que j’opère dans le secteur touristique. Aucune communication et un service déplorable ! Je ne demande maintenant qu’à récupérer mon passeport ! », s’insurge Said.B, en réclamant un meilleur traitement et plus de considération pour les intérêts et les engagements des demandeurs de visa.
De son côté, l’artiste franco-marocain Amine Radi raconte sa mésaventure dans une vidéo qui est devenue virale au bout de quelques heures. N’en croyant pas ses yeux et ses oreilles, il livre « le récit incroyable » de son aventure aux portes du consulat de France. « On ne m’a même pas laissé accéder à l’enceinte du consulat. On me parlait de derrière une grille en prétextant Covid-19 pourtant j’ai affirmé que suis vacciné et j’avais ma bavette en plus », ironise-t-il.
L’artiste est venu en fait à la rescousse de ses parents qui n’arrivent pas, depuis de longs mois, à décrocher un rendez-vous pour leur visa. « J’ai demandé juste des renseignements, des explications pour ce rendez-vous devenu si impossible à décrocher. J’étais traité d’une manière inhumaine, avec mépris sans toutefois avoir l’information », ajoute Radi.
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Colère
Dans sa vidéo postée sur les réseaux sociaux et largement partagée, ce dernier dénonce une procédure incompréhensible, compliquée à volonté et inefficace d’une manière flagrante. « Pire encore, cette procédure permet à des intermédiaires louches de tirer profit de ce business de rendez-vous de visa. J’étais approché à côté du consulat par une sorte de « courtier » qui enrôle les futurs candidats », ajoute l’artiste mi-amusé mi-scandalisé.
D’après son récit, on lui a proposé un rendez-vous en contre partie de la bagatelle de 5000 dhs. « C’est honteux et inacceptable. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on maintient une procédure qui donne lieu à de telles manigances et pratiques louches. C’est une aberration ! », conclut Amine Radi.
Réciprocité
70% des des demandes ont été rejetées. Cette situation a poussé certains politiques et juristes marocains à réclamer la réciprocité à ’imposer le visa aux Français désireux de se rendre au Royaume. L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a d’ailleurs accusé la France « de pratiquer une politique de chantage et d’exploitation en Afrique, afin de préserver ses intérêts économiques dans la région aux dépens de la dignité et de l’intérêt des demandeurs ». L’association a également demandé le remboursement des frais payés en cas de refus. Une requête faite également par la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) qui a déjà adressé une lettre, dans ce sens, à l’ambassade de France.
Selon les données publiées par le ministère français de l’Intérieur, les Marocains ont obtenu environ 98.000 visas d’entrée en France en 2020, contre 346.000 en 2019, environ 303.000 en 2018 et 295.000 en 2017.