Société
Espagne : Pourquoi la « Loi transgenre » dérange-t-elle ?
Après des mois de gestation et de tension, le projet de loi permettant de changer librement de genre dès 16 ans doit être voté ce jeudi par les députés espagnols. Pourquoi cette loi divise-t-elle l'Espagne ? Arguments de ses défenseurs, ses détracteurs et l'avis du psychologue.
Hayat Kamal Idrissi
La loi trans au cœur de la polémique
« Ley trans » ou la « Loi trans » divise depuis des mois l’opinion publique et les partis politiques en Espagne. Porté depuis quatre ans par le parti de gauche radicale « Podemos », allié des socialistes au sein du gouvernement de Pedro Sanchez, ce projet de loi devrait permettre aux personnes transgenre de changer de nom et de genre après un simple rendez-vous auprès de l'administration espagnole.
Controverse
Une procédure qui ne nécessitera de fournir ni rapports médicaux ou psychologiques ni preuve d'un traitement hormonal suivi durant deux ans. Une condition sine qua non jusqu’à présent en Espagne pour pouvoir changer de sexe pour les personnes majeures. Sur le point d’être adoptée au parlement, ce projet de loi en gestation depuis des mois a déjà divisé l’opinion publique, la gauche et les activistes féministes de l’Espagne. Les causes de cette controverse ?
« Les personnes trans et la communauté LGTBI ne peuvent plus attendre la reconnaissance de tous leurs droits. Nous n'allons pas accepter un seul recul », déclarait, déterminée, en octobre Irene Montero, ministre de l'Egalité et représentante de Podemos. D’après ses défenseurs, cette loi permettra en effet de «dépathologiser» la transidentité. En termes pratiques, la « ley trans » permet de changer son nom et son genre sur ses papiers d'identité et ceci dès l’âge de 16 ans et sans besoin de rapport médical attestant d'une «dysphorie de genre».
Dysphorie
« La dysphorie de genre est un terme médical décrivant la détresse cliniquement significative de la personne transgenre causée par l’inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre », nous explique Bernard Corbel, psychologue clinicien. Un profond mal être engendré principalement par l’incompatibilité entre le sexe anatomique et l'identité sexuelle nous explique le spécialiste. « Une détresse qui est aggravée par l’incompréhension de l’entourage. J’ai eu de nombreux patients qui souffraient énormément à cause du rejet familial et social et de l’incapacité de leurs proches de les accepter comme ils sont et comme étant des personnes transgenre», ajoute Corbel.
Omettant la nécessité de preuves médicales de dysphorie, la « loi trans » prévoit également d'ouvrir cette possibilité aux 12-16 ans s'ils sont accompagnés par leurs représentants légaux. Un élément qui a suscité un large débat au sein même du gouvernement et dans la société civile en particulier le mouvement féministe. Ces derniers estiment que ce projet de loi est une régression et portait atteinte aux droits des femmes tout en risquant d’entraîner des problèmes pour les jeunes.
Droit problématique
Ne faisant guère l’unanimité, une enquête de l'institut de sondage Sigma Dos affirme en effet que 65% des Espagnols qualifient ce nouveau droit de « problématique », comme le relate RFI. Si ses défenseurs en voient l’occasion ultime pour les personnes trans de ne plus être considérées comme malades, ses détracteurs estiment que l’âge de faire « ce choix » est trop précoce. En appelant à un débat plus profond autour de cette loi, l’écrivaine Rebeca Gonzalez juge la barrière des 16 ans « trop immédiate », relate RFI. « Une jeune personne de 16 ans doit essayer de se connaître, de s'aimer de l'intérieur vers l'extérieur, de ne pas faire de grands changements brusques dans sa vie », argumente Gonzales.
Un avis partagé par le psychologue qui estime que 16 ans, ça reste un âge assez précoce. « Je comprends les motivations de cette loi qui vise à protéger ces personnes de la souffrance engendrée par l’angoisse existentielle, par le regard stigmatisant et le rejet social. Mais l’âge indiqué pour prendre cette décision cruciale laisse perplexe », avoue Bernard Corbel. Le clinicien estime que « l’autorisation ouverte » de changer d’identité sexuelle à cet âge précoce est troublante à plus d’un titre.
Réversibilité ?
« A mon avis, ces personnes sont libres de faire un tel choix mais un encadrement médical et psychologique et plus qu’indiqué. Une cellule d’écoute psychologique peut donner son avis à l’Etat civil et valider le choix tout en s’assurant de la profondeur et la persistance de « l’envie » de changer d’identité sexuelle et de sexe », indique le spécialiste. Ce dernier insiste sur l’importance de la « réversibilité » de la décision administrativement parlant. « Car qui nous dit qu’après quelques années, cet adolescent ne changera pas d’avis et se rendra compte qu’il n’a pas fait le bon choix ? », s’interroge Corbel.
Quant à la réversibilité du changement chirurgical de sexe, le spécialiste se montre très sceptique. « C’est une opération lourde. Si toutefois la personne se rend compte de ne pas avoir fait le bon choix, qu’elle regrette sa décision, les conséquences psychologiques pourront être invasives et subversives. Ceci sans parler de « la complexité » de l’opération chirurgicale. Un suivi médical et psychologique solide, rapproché et à long terme sera indispensable dans ce cas de figure », conclut le spécialiste.
Controverse
Une procédure qui ne nécessitera de fournir ni rapports médicaux ou psychologiques ni preuve d'un traitement hormonal suivi durant deux ans. Une condition sine qua non jusqu’à présent en Espagne pour pouvoir changer de sexe pour les personnes majeures. Sur le point d’être adoptée au parlement, ce projet de loi en gestation depuis des mois a déjà divisé l’opinion publique, la gauche et les activistes féministes de l’Espagne. Les causes de cette controverse ?
« Les personnes trans et la communauté LGTBI ne peuvent plus attendre la reconnaissance de tous leurs droits. Nous n'allons pas accepter un seul recul », déclarait, déterminée, en octobre Irene Montero, ministre de l'Egalité et représentante de Podemos. D’après ses défenseurs, cette loi permettra en effet de «dépathologiser» la transidentité. En termes pratiques, la « ley trans » permet de changer son nom et son genre sur ses papiers d'identité et ceci dès l’âge de 16 ans et sans besoin de rapport médical attestant d'une «dysphorie de genre».
Dysphorie
« La dysphorie de genre est un terme médical décrivant la détresse cliniquement significative de la personne transgenre causée par l’inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre », nous explique Bernard Corbel, psychologue clinicien. Un profond mal être engendré principalement par l’incompatibilité entre le sexe anatomique et l'identité sexuelle nous explique le spécialiste. « Une détresse qui est aggravée par l’incompréhension de l’entourage. J’ai eu de nombreux patients qui souffraient énormément à cause du rejet familial et social et de l’incapacité de leurs proches de les accepter comme ils sont et comme étant des personnes transgenre», ajoute Corbel.
Omettant la nécessité de preuves médicales de dysphorie, la « loi trans » prévoit également d'ouvrir cette possibilité aux 12-16 ans s'ils sont accompagnés par leurs représentants légaux. Un élément qui a suscité un large débat au sein même du gouvernement et dans la société civile en particulier le mouvement féministe. Ces derniers estiment que ce projet de loi est une régression et portait atteinte aux droits des femmes tout en risquant d’entraîner des problèmes pour les jeunes.
Droit problématique
Ne faisant guère l’unanimité, une enquête de l'institut de sondage Sigma Dos affirme en effet que 65% des Espagnols qualifient ce nouveau droit de « problématique », comme le relate RFI. Si ses défenseurs en voient l’occasion ultime pour les personnes trans de ne plus être considérées comme malades, ses détracteurs estiment que l’âge de faire « ce choix » est trop précoce. En appelant à un débat plus profond autour de cette loi, l’écrivaine Rebeca Gonzalez juge la barrière des 16 ans « trop immédiate », relate RFI. « Une jeune personne de 16 ans doit essayer de se connaître, de s'aimer de l'intérieur vers l'extérieur, de ne pas faire de grands changements brusques dans sa vie », argumente Gonzales.
Un avis partagé par le psychologue qui estime que 16 ans, ça reste un âge assez précoce. « Je comprends les motivations de cette loi qui vise à protéger ces personnes de la souffrance engendrée par l’angoisse existentielle, par le regard stigmatisant et le rejet social. Mais l’âge indiqué pour prendre cette décision cruciale laisse perplexe », avoue Bernard Corbel. Le clinicien estime que « l’autorisation ouverte » de changer d’identité sexuelle à cet âge précoce est troublante à plus d’un titre.
Réversibilité ?
« A mon avis, ces personnes sont libres de faire un tel choix mais un encadrement médical et psychologique et plus qu’indiqué. Une cellule d’écoute psychologique peut donner son avis à l’Etat civil et valider le choix tout en s’assurant de la profondeur et la persistance de « l’envie » de changer d’identité sexuelle et de sexe », indique le spécialiste. Ce dernier insiste sur l’importance de la « réversibilité » de la décision administrativement parlant. « Car qui nous dit qu’après quelques années, cet adolescent ne changera pas d’avis et se rendra compte qu’il n’a pas fait le bon choix ? », s’interroge Corbel.
Quant à la réversibilité du changement chirurgical de sexe, le spécialiste se montre très sceptique. « C’est une opération lourde. Si toutefois la personne se rend compte de ne pas avoir fait le bon choix, qu’elle regrette sa décision, les conséquences psychologiques pourront être invasives et subversives. Ceci sans parler de « la complexité » de l’opération chirurgicale. Un suivi médical et psychologique solide, rapproché et à long terme sera indispensable dans ce cas de figure », conclut le spécialiste.