
Entretien réalisé par Salaheddine Lemaizi
L’Observateur du Maroc. Quelle lecture faîtes-vous de la présence royale pour assister à l’investiture du nouveau président malien ?
Khalid Chegraoui . Cette visite rentre dans le cadre des relations bilatérales entre les deux pays. Le Maroc a des relations avec le Mali depuis plusieurs siècles. Les liens entre les populations des deux pays sont ancestraux. Les Marocains ont eu une présence très forte à Tombouctou. Après la crise terrible qu’a connue le Mali avec la tentation de séparatisme au Nord, le Maroc renouvelle ainsi son soutien à ce pays. Une position affirmée aussi au sein des instances des Nations Unions lorsque le Maroc présidait l’instance du conseil de sécurité. Aujourd’hui, le Royaume appuie le changement démocratique dans ce pays et l’unité territoriale de l’Etat malien. Cette position traduit l’intérêt marocain pour les évolutions politiques dans l’espace sahélo-saharien. Le roi Mohammed est à sa deuxième visite dans cette région en une année, peut-on parler d’un retour de la diplomatie marocaine en Afrique ? Premièrement, le Maroc ne s’est jamais coupé de ses racines africaines, ni sur le plan diplomatique, de l’aide au développement ou économique. Depuis, l’indépendance du Royaume à aujourd’hui, cette relation est en mouvement. Même que les premiers gouvernements marocains comptaient un ministère des affaires africaines. En janvier 1961, notre pays a réuni le gotha de l’intelligentsia africaine proche du bloc de l’Est dans une monarchie alliée à l’Occident. Sous Hassan II comme aujourd’hui avec Mohammed VI, le Maroc continue d’investir dans ses relations africaines. En témoigne les visites de Sa Majesté dans plusieurs pays africains. Donc, cette diplomatie est dans une continuité et jamais en rupture, le plus est à enregistré dans le fait que notre continent africain s’inscrit aujourd’hui dans l’agenda personnelle du souverain marocain. L’issue de la crise malienne et l’existence de liens entre les groupes jihadistes et des membres du Polisario conforte-t-elle la position marocaine sur le dossier du Sahara ? Quoique le séparatisme au Nord du Mali ressemble en terme de demande séparatiste absolue à celui promut par le Polisario, je pense qu’il faut s’éloigner de toute comparaison entre la crise au Mali et le dossier de Sahara car il ne faut pas comparer l’incomparable. Au Mali on est en face d’une demande de droit à la différence basé sur un concept ethnique ce qui n’est pas le cas au Sahara récupéré en 1975, car il faut revenir aux zones récupérées auparavant et à l’ensemble de l’espace saharien de la région ; entre autres Goulmim, Tantan, Tata … bref les vallées du Draa et du Noun, en plus de Sidi Ifni et Tarfaya. D’autant plus que personne n’est gagnant dans une guerre, il y a que des perdants. Le point malheureux est que les peuples du sahél-sahara et parmi eux les pays du Maghreb n’arrivent pas à toujours à trouver des solutions politiques et pacifiques à leurs différents. Le seul gain dans cette crise malienne, c’est que les peuples africains sont en train de prendre conscience du danger de la territorialisation des identités quelconques au sein des Etats nations. C'est-à-dire, que la construction de zones instables, sur une base identitaire loin des limites du viable, est dommageable pour tout continent. Ceci se traduit dans les positions des pays soutenant le Polisario. Plusieurs nations ont retiré leur soutien au Polisario ou préfèrent désormais la neutralité. Ceux qui persistent à soutenir le séparatisme le font dans le cadre d’un agenda contradictoire entre l’Algérie et le Maroc. Le Maroc gagne des points en Afrique à travers ses rapports gagnants – gagnants avec les pays amis et frères. Enfin, je reprends l’idée de l’ex-ministre des Affaires étrangères sénégalais Cheikh Tidjane Gadio qui exhorte le Maroc de retrouver sa position au sein de l’Union Africaine. Les autres nations africaines ont besoin du Maroc et le contraire est valable.