Connue pour son style mêlant subtilement le trivial et le sublime, la poétesse franco-marocaine Rim Battal pour qui la poésie est une nature première et un retour aux sources, vient de publier son 5e ouvrage « Les Quatrains de l’all inclusive ».
Installée à Paris depuis 2013, la casablancaise Rim Battal s'est imposée au fil des ans comme l'une des voix les plus fortes et les plus originales du corps féminin versifié. Sa poésie s'inscrit dans une tradition poétique de l'intime, où l'intime est politique. A travers ses écrits, la poétesse, âgée de 34 ans, propose un nouveau modèle de femme, d’amour et de corps politique à travers les mots, la performance et les arts visuels.
L’Eden consumériste
Pendant l’été 2019, l’artiste passe quinze jours de vacances en Sardaigne avec ses filles. Allongée sur un transat, « Face à la piscine / jambes écartées / mine de rien » (page 14), la poétesse compose sur son iPhone des poèmes qu’elle structure en quatre strophes, une forme « presque aussi confortable qu’un transat », confie-elle. Ces poèmes, elle les nommera « de l’all inclusive », non comme une formule touristique, mais plutôt comme un lieu et un temps qui relèvent de la mythologie contemporaine, un nouvel Éden consumériste plus qu’un Paradis (« Le paradis n’est pas un lieu pour une vierge / si vierge il y a », p. 49).
Corps contraint, Corps libre…
Dans Les Quatrains de l'all inclusive, chaque poème se compose ainsi de 4 parties qui dressent une image, un souvenir, une intuition, un questionnement sur le corps, le corps contraint ou libre, la facilité et le confort que l'on paye de sa liberté, les rapports de pouvoir dans l'amour filial, la maternité heureuse ou souffrante, être fille d'une femme et mère de filles, l'amour à oscillations, la sexualité de la « milf », l'état actuel du monde en feu, l'indécision, le rêve. Comment guérit-on de l'enfance, de sa mégalomanie et ses dépendances, de ses phobies.
Avec cet ouvrage, Rim Battal réaffirme la prégnance de tout ce qui est extérieur à soi dans le processus d’écriture. Loin de l’effacer, l’autrice en fait la matière même de son livre. L’objet devient ainsi sujet et le sujet devient objet.
Un retour aux sources
Oscillant entre le trivial et le sublime, la poétesse s’exerce fréquemment à l’art de la punchline (mêlant rime et esprit) et de l’alexandrin. On peut ainsi lire ainsi dans un poème : « J’ai ovulé dans ma culotte » (p. 33) ou encore « J’ai gardé de l’enfance le goût / du poème / du dessin / et le pipi dans la piscine [sans scrupules] » (p. 16).
Les souvenirs de l’enfance hantent toute son œuvre, que ce soit l’histoire de la virginité déjà racontée dans L’œil des loups (« la nuit m’a saisie ce jour-là / m’a nommée violence / […] j’ai dit adios à mon surmoi » p. 49), ou le souvenir de l’adolescente qu’elle était vingt auparavant (« celle que j’étais il y a vingt ans / est une simple pierre blanche » p. 61).
Chez Rim Battal la poésie est un retour aux sources. Telle une évidence, elle est profondément féminine, elle est l’origine du monde.