La France et le Maroc sont, plus que jamais, déterminés à renforcer leur coopération en la plaçant sous le signe du co-développement. Cette volonté a été exprimée au plus haut sommet des deux Etats.
L’allocution prononcée par le souverain lors du dîner qu’il a offert, le 3 avril, au président français a été porteuse de plusieurs messages. Le premier est celui de la détermination du Royaume à approfondir et développer encore davantage sa relation avec la France « pour qu'elle soit au service d'un dessein maroco-français beaucoup plus ambitieux ». Le roi Mohammed VI place l’élément humain au cœur de ce partenariat renouvelé et renforcé, avec comme principale préoccupation la jeunesse et la formation qualifiante. « En conjuguant nos efforts, en exploitant mieux nos atouts respectifs dans des investissements partagés, nous réussirons, ensemble, à développer ce qui ne le sera pas si nous agissons seul, chacun séparément », a souligné le souverain. En insistant sur l’identification de nouveaux créneaux de co-production comme sources de croissance supplémentaire. Désormais, le co-développement voulu par les deux chefs d’Etat passe également par la fructification des opportunités que présentent la région méditerranéenne et l’Afrique.
« Au-delà de ces perspectives bilatérales prometteuses, notre ambition est grande pour que le Maroc et la France contribuent, autour de la Méditerranée, à l'élaboration de réponses innovantes et ingénieuses pour une nouvelle éthique dans les relations entre l'Afrique, le Monde Arabo-Musulman et l'Europe. Cette éthique qui privilégiera les valeurs d'entraide et de solidarité, favorisera le développement humain et durable. Elle transformera les disparités socio-économiques en autant d'atouts, créateurs de richesses communes », a précisé le souverain. Par ailleurs, le roi Mohammed VI a rappelé que la construction d'un Maghreb stable et solidaire constitue toujours pour le Royaume du Maroc une priorité géostratégique fondamentale. Le Plan d'Autonomie proposé pour la région du Sahara, demeure pour le souverain, la seule voie pour le règlement du problème du Sahara, « qui continue d'hypothéquer, malheureusement, le devenir du Maghreb ». Sur les questions majeures de politiques internationales et de sécurité, le Maroc et la France sont sur la même longueur d’onde. Tant en ce qui concerne le conflit palestinien, la guerre au Mali, la Syrie…
Comme l’a précisé le roi Mohammed VI, après la visite de François Hollande au Maroc, le partenariat franco-marocain sera davantage renforcé et enrichi, dans toutes les sphères d'activités porteuses d'espoirs et de convergence.
A chacune de ses déclarations, le président français, a aussi exprimé sa ferme détermination à renforcer la relation franco-marocaine. Il a aussi affirmé à l'adresse des membres des deux chambres du Parlement réuni, le 4 avril, en session extraordinaire concernant le plan d'autonomie présenté par le Maroc qu’il est « une base sérieuse et crédible en vue d'une solution négociée à la
question du Sahara ». Le président Hollande a également souligné que le maintien du statu quo compromet la sécurité de toute la région. « S'il y avait un argument de plus qu'il conviendrait d'ajouter, c'est que la crise au Sahel rend encore plus urgente la nécessité de mettre fin à cette situation », a-t-il insisté. Par ailleurs, son discours prononcé à la clôture du forum des hommes d’affaires organisé le même jour à Rabat a été porteur de beaucoup d’espoir pour l’avenir.
Avis de deux patrons français. Thierry De Margerie, PDG d'Alstom Maroc « C’est en créant des emplois au Maroc que nous allons créer des parts de marché ailleurs » Alstom essaie de favoriser la constitution d’un cluster industriel ferroviaire au Maroc. Ce cluster va grandir avec les grands projets de transport urbain. Nous sommes partis sur la base de volontariat, mais avons cédé à de grosses pressions liées aux contrats avec nos homologues marocains. Certes ceci nous a permis de développer nos achats au Maroc et construire des usines qui ne sont pas liées directement aux contrats mais à l’exportation. Or cette approche de volontariat a ses limites. Le Maroc veut augmenter la rentabilité de ses investissements par des retombées industrielles et cherche des méthodes pour engager les investisseurs contractuellement bénéficiaires du marché, ce qui n’est pas récurrent dans d’autres contrats dans le monde. C’est le grand sujet de la compensation industrielle. Des fois, de telles exigences irréalistes peuvent conduire à des inconvénients tels que l’augmentation des prix. Donc, il ne faut pas que cela ait un effet dissuasif sur les investisseurs, parce que le Maroc se retrouve en concurrence avec d’autres pays qui veulent aussi dynamiser leur économie. Il y a quelques règles à respecter dans ce domaine sans oublier de donner aux investisseurs une visibilité à long terme. Il faut se libérer des contraintes ultra libérales de certains bailleurs de fonds qui n’aiment pas valoriser les aspects industriels. Ces aspects doivent être valorisés au même titre que les prix compétitifs. Il faut pondérer les prix par les engagements industriels et veiller à ce que ces engagements soient crédibles. Le magnifique exemple de l’industrie aéronautique s’est bâti en 10 ans. Le tissu industriel marocain est encore limité. Il faudra du temps pour qu’il s’adapte au grand volume de certains marchés. Néanmoins, il est incontestable que grâce à notre expérience déjà acquise, beaucoup d’opportunités de co-développement entre nos entreprises est possible. Le sujet de la co-localisation n’est pas un faux débat. Il faut dépasser ces craintes et aller vers le co-développement. C’est en créant des emplois au Maroc que nous allons créer des parts de marché ailleurs et d’autres types d’emplois en France. Jacques Prost, DG du groupe Renault Maroc « Il nous faut maintenant réussir l’intégration ! » Cela fait un an qu’on a eu la chance d’inaugurer l’usine de Tanger. Une usine qui produit maintenant deux voitures et qui emploie 4.200 personnes. Ils seront 5.000 cette année puisque nous allons démarrer en septembre prochain une nouvelle ligne de production qui va porter la capacité de l’usine de 270.000 par an à 340.000 et permettra l’entrée de la troisième voiture. En 2012, ce sont 40.000 voitures Lodgy et 8.000 Docker qui ont été fabriquées à Tanger. Nous pourrions fabriquer plus, mais nous sommes contraints par le marché européen qui représente 95% de nos exportations. En termes d’intégration, nous avons pu attirer 17 fournisseurs du premier rang et le potentiel d’intégration locale de nos voitures représente aujourd’hui presque 50%. Il nous faut maintenant réussir l’intégration. Nous nous sommes fixés un objectif de 80%, donc il nous reste 30% que nous allons chercher au cours des années à venir. L’enjeu aujourd’hui est d’exporter vers l’Afrique via l’usine de Tanger. D’après nos prévisions, d’ici 2018, le marché européen va stagner et on rattrapera uniquement les niveaux de 2007. Donc l’Afrique représente un marché prometteur. D’ailleurs, nous avons même élargi le périmètre de la région Euro-Med pour devenir Euro-Med-Afrique.
Paru dans le n°211 de L’Observateur du Maroc