Mohamed Amine Barakat, DGA de l’EFA: «Nous travaillons sur tous les scénarios possibles»
Mohammed ZainabiL’EFA est une « école en entreprise». Comme toute entreprise, l’établissement a eu à relever les défis imposés par la crise sanitaire. Le point sur ses actions déjà menées et celles à venir.
Entretien réalisé par Fatima-Zohra Jdily
Au lendemain de l'annonce du confinement, le monde entier, a swiché vers le digital, vers le monde virtuel, qu’est-ce que cette expérience a donné au sein de l’EFA ?
C'est une expérience extraordinaire parce qu'il y a aussi des choses positives qui vont nous permettre de nous améliorer. En ce qui concerne la transformation qui s'est opérée à cause de cette crise ou grâce à cette crise, il faut dire qu’elle concerne beaucoup de choses et pas uniquement le digital. Il s’agit d’une transformation au niveau des comportements, de façon plus globale. Et donc, nous l'avons vécue comme tous les autres, de façon maîtrisée, de façon réfléchie. D'abord et surtout, nous n'avons pas paniqué et c'était vraiment l'élément le plus important. Il a fallu analyser très rapidement les avantages et les inconvénients, mais surtout chercher des solutions pour que nous puissions tout simplement garantir une continuité pédagogique de qualité pour nos étudiants.
La différence au niveau de l'enseignement supérieur, c'est que on est vraiment en fin de cycle de formation, parce qu'on doit présenter un produit dont les entreprises ont besoin et donc on est jugé sur la qualité de ce qu'on va tout simplement livrer. Le vrai chamboulement, c'est qu'on était sur une formation classique pour préparer des jeunes sur des process classiques au niveau des entreprises, et il fallait à la fois adapter nos process de fabrication qui sont l'enseignement, l'encadrement, l'accompagnement des étudiants, mais aussi pouvoir les préparer à ce qu'ils vont retrouver en entreprise. C'était ça le vrai challenge de l'enseignement supérieur et c'était vraiment le vrai challenge de notre école, l’Ecole française des affaires.
Mais grâce à Dieu et grâce à beaucoup de moyens qui ont été mis en place par la Chambre française de commerce et d'industrie et l'Ecole française des affaires, nous avons bien accompagné nos jeunes. Aujourd'hui, on est en train de finir l'année de formation avec de très belles réalisations, un bilan qui reste positif, mais surtout avec des pistes d'amélioration pour l'avenir.
Vous avez continué à assurer les cours régulièrement ? Comment vous avez pu gérer le cas des étudiants qui ont eu des difficultés ?
Oui, effectivement, nous avons tout mis en place pour garantir la continuité pédagogique sur les mêmes modalités. On a gardé, bien entendu, les mêmes enseignements, le même volume horaire, le même niveau d'encadrement, le même niveau d'accompagnement que nous avons l'habitude de faire avec nos étudiants quand ils sont chez nous. Il y a eu effectivement un certain nombre de cours qui ont été faits en visioconférence, enregistrés pour permettre à ceux qui ne pouvaient pas se connecter à l'instant T de pouvoir les apprécier et les regarder et les exploiter par la suite. Nous avons également mis en place tout un dispositif d'évaluation à distance. Ça aussi, c'est un élément très important parce que l'évaluation ne sert pas uniquement à sanctionner le parcours d'un étudiant. Pour nous, c'est le meilleur moyen de savoir si notre étudiant a pu tout simplement acquérir les compétences sur lesquelles on s'engage vis à vis de l'entreprise qui va le recruter. Et à chaque fois qu'on trouvait des lacunes, il était de notre devoir de regarder comment les combler.
Après, bien entendu, les jeunes n'ont pas tous les mêmes compétences, mais là où on a vu la vraie différenciation entre nos étudiants, c'était sur l’engagement. On a détecté ceux qui étaient plus responsables, plus autonomes, plus engagés dans le cadre de leur formation et d'autres qui ont besoin peut-être d'un peu plus d'autonomie, qu'on assiste un peu plus sur cette responsabilité. C’était beaucoup plus sur cet aspect comportemental de soft skills sur lequel on va certainement mettre encore plus l'accent l'année prochaine et les années à venir.
Ensuite, sur l'aspect des compétences, c’est à la limite simple. Lorsque vous avez un étudiant qui a des lacunes, il faut que l'école, dans le cadre de sa responsabilité vis à vis de ses étudiants, mette en place un dispositif d'accompagnement, et nous l'avons fait. On a détecté des jeunes qui avaient des problématiques et automatiquement nos professeurs permanents ou nos professeurs vacataires, qui étaient vraiment d'un soutien énorme et qui étaient volontaires pour accompagner les jeunes, ont mis en place des cours de soutien pour pouvoir mettre à niveau les étudiants, mais surtout pour pouvoir livrer à l'entreprise un diplômé qui est capable de répondre à ses différentes problématiques.
Vous avez parlé également des jeunes qui sont de milieux différents. On en a certains, effectivement, qui n'ont pas forcément les mêmes moyens que d'autres, notamment en termes d'ordinateurs, etc… Mais ce qui est important, c'est que les solutions que nous avons choisies peuvent être exploitées par n'importe quel étudiant, même à travers un smartphone. La difficulté que nous avons trouvée était celle par rapport à des jeunes qui ont été confinés loin de chez eux. Il y’en a eu certains qui, malheureusement, ont eu la malchance d'être ailleurs lorsque la fermeture des villes a été annoncée. J'aimerais les remercier parce qu'ils ont fait preuve de courage et se sont quand même battus. Ils ont tenu à avoir une connexion et ont suivi les cours. Ils ont surtout passé les évaluations parce que l'enjeu n'est pas de suivre le cours lui-même, le digital permet une certaine flexibilité, même si on a insisté pour que tous nos étudiants soient connectés pour pouvoir dialoguer avec les encadrants, discuter et poser des questions, etc…même s'ils pouvaient le faire par ailleurs, mais l'enjeu majeur, c'était de leur faire passer les évaluations à distance et c'étaient des évaluations qui nécessitaient de rédiger, de faire des recherches sur internet, de produire des dissertations et surtout des études de cas à faire. Donc, il fallait absolument les mettre en situation, et c'est là où on a eu quelques difficultés avec certains étudiants. Mais ceux-là, on leur a proposé de venir ici à l'école et refaire s'il le faut des rattrapages qui sont prévus un peu plus tard lors du mois d'août, pour pouvoir aider ces jeunes à finir leur année dans les meilleures conditions.
Racontez nous votre expérience avec les travaux pratiques ou dirigés ?
C'est très simple, on est au sein de la Chambre française de commerce et d'industrie. On est un regroupement d'entreprises et tous nos process, toutes nos procédures, notre façon de faire est calquée à l'entreprise, y compris l'Ecole française des affaires. Dès qu'un étudiant met les pieds au niveau de l'EFA, il est déjà en entreprise. C'est un élément qui est très important.
C'est l'école en entreprise. J'insiste dessus parce qu'on a dupliqué la même méthode de travail en entrepris avec nos étudiants aujourd'hui. Moi-même, j'ai fait du télétravail, comme beaucoup d'entre nous. Nous avons appliqué la même chose puisque nous avons même formé nos étudiants au télétravail. Donc, l'idée,c'était de les faire travailler sur une plateforme collaborative dont je ne citerai pas le nom, qui est très connue aujourd'hui, exploitée par beaucoup d'entreprises. Cela permet de les mettre en situation réelle. Je m'explique, on a lancé des études de cas qui étaient soit individuelles. Chaque étudiant avait un brief d'une direction générale ou d'un responsable de service sur lequel il devait exploiter les compétences transmises dans le cadre d'un bloc de compétences et les dupliquer et les appliquer dans le cadre de l'étude de cas. C’est un élément important. Il y avait également des études de cas collectives où chaque étudiant dans son groupe avait une responsabilité. Tous ensemble représentaient un service ou une agence de communication ou une entreprise, pour pouvoir répondre à des problématiques réelles. On a beaucoup plus adapté nos évaluations. Il n'y a pas eu de dissertation, mais il y a eu des analyses et des recommandations à faire, des plans d'action à produire et des façons de faire sur lesquelles les étudiants devaient se prononcer, expliquer avec des soutenances. Il y a eu des soutenances que nous avons tenues à distance. Ce sont des choses que l'on a retrouvé en entreprise. On n'a eu aucun mal à les appliquer à nos étudiants et on revient justement au challenge des écoles, qui est de pouvoir adapter leurs process pédagogiques. Mais aussi, à travers cette adaptation, préparer les étudiants à travailler demain en télétravail. C'était vraiment l'élément sur lequel on a beaucoup investi et on s'est beaucoup investi.
Est-ce que vous avez une visibilité sur la rentrée au mois de septembre ?
On s’est fait mordre une première fois, il ne faut pas qu’on se fasse mordre une deuxième. C’est là où j’insiste sur le fait d’anticiper. On est obligés d’anticiper, et on doit faire preuve de beaucoup d’agilité. Aujourd’hui, nous sommes entrain de travailler sur les 3 scénarios possibles: 100% présentiel, 100% distanciel et la solution hybride entre les deux. Ça veut dire qu’on va mettre en place ces 3 dispositifs et on va briefer différentes équipes administratives et pédagogiques et logistiques, informatique aussi sur ces trois dispositifs et on sera prêt à accueillir les décisions que le gouvernement va partager avec l’ensemble des opérateurs. A ce moment-là, on sera prêt à déployer celle qui sera décidée sans aucun problème. Si on reçoit les étudiants chez nous, on est en train de travailler sur les différentes salles. Déjà quand vous êtes rentrés, vous avez vu que les mesures sont toutes mises en place et nous les avons maintenues tout au long de l’année. Nous sommes en train d’identifier les salles qui permettent d’accueillir le nombre qui sera défini par les autorités compétentes. Nous serons prêts. C’est d’ailleurs l’un des chantiers les plus importants de cet été. La consigne est donnée à toutes les équipes, il n’ya a pas de congé si on ne prépare pas ces 3 scénarios.
L’idée c’est quoi ? Il ne faut pas que les étudiants et les familles sentent encore plus la lourdeur de cette situation. Il faut qu’on arrive à accompagner nos étudiants, qu’on leur facilite les choses. On ne peut pas improviser devant un étudiant, devant une famille qui attend de l’école beaucoup de choses.
Un étudiant attend la construction de son avenir. On doit lui faciliter justement son objectif et l’accompagner jusqu’au bout. C’est notre travail de préparer tous les scénarios possibles. Sinon, aujourd’hui, nous n’avons pas de consignes particulières. Je ne dirais pas que nous sommes dans le flou, les différentes solutions sont connues, c’est à nous de les identifier.