« La Zlecaf constitue une opportunité favorisant le développement des entreprises marocaines sur le continent »
Jonathan Djenaoussine et Driss Jaï, fondateurs de Friedland Morocco.

Friedland AARPI annonce la création de sa nouvelle entité à Casablanca, Friedland Morocco, renforçant ainsi sa présence sur le continent africain. Proximité juridique du Maroc avec les autres pays africains, avantages de l’OHADA et opportunités de la ZLECAF…les deux fondateurs du bureau de Casablanca du cabinet d’avocat d’affaires parisien, Jonathan Djenaoussine et Driss Jaï ont répondu aux questions de l’Observateur du Maroc et d’Afrique. Entretien croisé.



Lobservateur.info : Friedland AARPI crée une nouvelle entité à Casablanca, Friedland Morocco. Quelles sont vos ambitions à travers cette implantation ?

Jonathan Djenaoussine et Driss Jaï :Le cabinet Friedland est un cabinet d’avocats d’affaires pluridisciplinaires basé initialement à Paris et qui vient de s’implanter récemment à Casablanca. Nous intervenons en France, en droit français, au Maroc, en droit marocain, et disposons également d’un Desk Afrique nous permettant d’accompagner nos clients en Afrique du Nord et dans les 17 États membres de l’espace OHADA. Nous opérons dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures, des mines, et de l’agrobusiness, et assistons régulièrement des investisseurs étrangers dans le cadre de leur implantation en Afrique, de la phrase création jusqu’au dénouement de leurs opérations. Nous assistons également nos clients dans le cadre d’opérations d’acquisition, de restructuration, de joint-venture mais aussi dans le cadre de la structuration de leurs projets d’investissement au Maroc et sur l’ensemble du continent africain. Ce nouveau bureau permettra de renforcer la capacité de Friedland à accompagner ses clients marocains et facilitera également l’assistance et la représentation de ses clients français et européens, tant au Maroc qu’en Afrique.

L’implantation et le développement en Afrique semble concerner principalement les très grandes entreprises. Qu’en est-il des PME ? Auriez-vous des conseils pour s’exporter hors des frontières?

Comme tout développement à l’international, l’implantation ou le développement de son activité sur le continent africain constitue et nécessite un investissement certain qu’il ne faut certes pas sous-estimer mais qu’il ne faut pas non plus surestimer. Les PME marocaines disposent d’un large éventail d’outils leur permettant de pénétrer les différents marchés africains pour s’offrir des relais de croissance avec un investissement limité. Elles peuvent en effet se tourner, dans un premier temps, vers l’export et bénéficier ainsi des dispositifs de crédit-export et d’assurance-export, qui couvriront en grande partie leur opération. Dans un souci de développement plus important, elles peuvent également opter pour une implantation en local directement ou par l’intermédiaire d’un partenaire stratégique qu’il conviendra d’identifier en amont. Le tissu économique et industriel des PME marocaines étant l’un des plus important en Afrique, les entreprises marocaines bénéficient d’une image de marque importante sur le continent. Elles peuvent par ailleurs s’appuyer sur des accords de coopération privilégiés avec certains pays dits « frères » comme le Sénégal où la coopération économique s’en trouve facilitée. Enfin, l’avènement de la nouvelle zone de libre-échange Zlecaf constitue une opportunité supplémentaire favorisant le développement des entreprises marocaines sur le continent.

L’Afrique semble présenter de plus en plus d’opportunités, notamment avec la zone de libre échange ZLECAF qui vient d’être créée,mais toutes les entreprises ne semblent pas en mesure de maîtriser les outils juridiques nécessaires pour les saisir

Toute décision d’investissement renferme un risque. Investir à l’international et en particulier en Afrique, dans des pays qui peuvent présenter des risques politiques importants, peut effectivement renforcer la crainte des investisseurs. Toutefois, ces investisseurs disposent d’un certain nombre d’outils susceptibles de leur offrir un haut niveau de sécurité et de lisibilité. En premier lieu, ils disposent dans les 17 pays membres de l’espace OHADA, d’un droit unifié en droit des affaires offrant une haute technicité. Ils peuvent en outre prévoir contractuellement de soumettre leurs différends à l’arbitrage pour ne pas avoir à se soumettre à la justice étatique du pays hôte. Enfin, pour les projets d’une certaine envergure, il est indispensable de négocier, en amont, avec les autorités du pays hôte, une convention d’investissement qui leur assurera une prévisibilité en matière fiscale notamment et qui facilitera l’accès au foncier, si besoin.

L’accord sur la ZLECAF est entré en vigueur ce 1er janvier 2021. Quels sont les avantages qu’offrent ce nouveau traité pour les Etats signataires ? et quels seraient les impacts sur le développement économique du continent ?

Ce nouveau traité offre un marché commun aux 54 pays signataires dont le Maroc qui y a adhéré. Cette zone aspire à créer un marché libéralisé par l’établissement d’une union douanière continentale, mais également de contribuer significativement à la circulation des personnes et des capitaux. Les sociétés marocaines pourraient en tirer profit à plusieurs titres.

Outre les opportunités pour les entreprises marocaines qui cherchent à se développer sur le continent, les sociétés étrangères désireuses de se développer sur le marché africain pourraient opter pour une implantation au Maroc qui, comme vous le savez, est un hub pour le continent, pour ensuite opérer à partir du Royaume.Cette nouvelle zone offre également l’avantage de dynamiser les exportations des produits marocains, mais également l’implantation des sociétés marocaines sur le continent. A l’inverse, il faut également s’attendre, dans une moindre mesure, à une concurrence plus importante pour les entreprises marocaines sur leur marché national. Nous pensons notamment à l’agro-alimentaire.

Le protocole sur l’investissement devrait favoriser, faciliter et protéger les investissements, mais également créer des obligations et des engagements entre Etats et investisseurs. Le cadre règlementaire sera probablement assoupli afin de contribuer à un environnement propice à l’investissement. Ainsi, cet accord comprend de nombreuses mesures de facilitation du commerce, qui permettront la diversification du commerce et l’émergence de chaînes de valeur régionales et mondiales.

Existe-t-il une proximité juridique entre la France et l’Afrique francophone. Qu’en est-il de cette proximité qu’a le Maroc avec les autres pays d’Afrique.

Le droit OHADA suit les principes du droit civil français, il existe donc une véritable proximité juridique entre la France et les pays d’Afrique francophone. C’est la raison pour laquelle les juristes de droit français interviennent avec aisance en droit OHADA en coopération étroite avec leurs homologues locaux. Le Maroc n’a pas adhéré à l’OHADA et, à ce jour, n’a pas manifesté son intention d’adhérer à l’espace OHADA. Pour autant, le Maroc est un partenaire privilégié des entreprises implantées dans l’espace OHADA et œuvre de longue date, sur le plan diplomatique et économique, à instaurer une coopération institutionnelle étroite avec l’institution OHADA.

Le Continent est-il vraiment ce Far West juridique comme le perçoivent bon nombre d'investisseurs ?

L’Afrique est loin d’être un far west juridique, en matière de droit des affaires à tout du moins. Le droit OHADA présente une haute technicité dans les différents domaines du droit des affaires et a même été un temps en avance sur le droit français. Les cabinets d’avocats locaux sont de plus en plus familiers avec la technicité requise dans le cadre d’investissements d’envergure et offrent de plus en plus un niveau de standard élevé. L’espace OHADA dispose de sa propre cour d’arbitrage, la CCJA et le processus de médiation tend à se développer sur le continent. En outre, l’OHADA travaille actuellement sur l’élaboration d’un traité visant à permettre la reconnaissance des décisions judicaires rendues par les états membres de l’OHADA, ce qui permettra d’offrir une sécurité accrue aux investisseurs dans le cadre de leur expansion régionale.

L’Ohada apparait comme vecteur essentiel de la promotion des investissements panafricains au sein de la Zlecaf. Pourquoi ?

L’Ohada apparait comme un levier d’influence évident, un outil juridique d’intégration en Afrique, qui demeure le garant du droit des affaires en Afrique. Les investisseurs qui viennent en Afrique prennent des risques et entendent donc pouvoir s’appuyer sur un cadre règlementaire sécurisé. L’OHADA a donc pour but de garantir la sécurité juridique des activités économiques afin de favoriser l’essor de celle-ci et d’encourager les investissements.