Alors que le monde se rouvre, la Chine s’isole à coup de détentions et d’abus
Les appels au Boycott de la Chine se multiplient

Dans une chronique publiée sur le site d’information américain The Hill, Ahmed Charaï montre que la Chine navigue à contre-courant en recourant à «la diplomatie des otages». L’analyste plaide en faveur de la libération des deux Michael canadiens, Kovrig et Spavor.

Bien que la pandémie de COVID-19 continue à faire des ravages dans de nombreux pays, les vaccins font reluire une lueur d’espoir à l’horizon. Sur cette base, de nombreuses entreprises internationales établissent leurs prévisions. D’ailleurs, les compagnies aériennes n'offrent plus de tarifs avantageux, car les voyageurs d'affaires ont hâte d’accélérer la cadence dès que possible.

Voyager en Chine, cependant, sera une décision beaucoup plus compliquée à prendre. Pékin fait face à une double inquiétude exprimée par des entreprises internationales. La première concerne une possible application arbitraire des lois locales contre des ressortissants étrangers. La deuxième est relative à la pression politique exercé sur les sponsors qui boycottent les Jeux olympiques d'hiver de 2022. Les prochains mois offrent à Pékin l'occasion d'apaiser lentement ces craintes. La libération des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, détenus arbitrairement, contribuera grandement à atteindre cet objectif.

Pékin conteste avec véhémence la soi-disant «diplomatie des otages» dont on l’accuse. Mais il serait difficile de nier le fait que cette perception existe. Une enquête menée en juillet 2019 auprès de grandes entreprises internationales dans plusieurs secteurs a montré que la moitié des personnes interrogées estimaient que le risque de voyager pour les dirigeants d'entreprise en Chine avait augmenté au cours de l'année écoulée. Près de la moitié des répondants ont affirmé avoir renforcé les mesures de sécurité en conséquence. En outre, 30% des personnes interrogées ont déclaré connaître quelqu'un au sein de leur propre organisation qui avait été détenu en Chine.

L'un des principaux facteurs à l'origine de ces réponses a été la détention en décembre 2018 des Canadiens Kovrig et Spavor. Ces dernier ont été arrêtés quelques jours seulement après que le directeur financier de Huawei, Meng Wanzhou, a été détenu au Canada suite à une demande d'extradition émise par les États-Unis. Il est communément admis que les deux Michaels ont été arrêtés en représailles de l’arrestation de Meng. Pékin a même reconnu que la résolution du cas de Madame Meng pourrait ouvrir une voie pour «les deux Michaels». Aujourd'hui, plus de 900 jours après ces arrestations, peu de choses ont changé et les perceptions se sont probablement durcies. Mes amis et collègues comprennent que même si les risques d'être détenus en Chine sont faibles, les enjeux sont énormes. Tant que cette perception existera, de nombreux voyageurs hésiteront à risquer des années de leur vie en détention pour proposer un service en Chine ou conclure une affaire dans ce pays. Surtout que nous avons tous réorganisé nos priorités à la lumière de la crise pandémique.

Les Jeux olympiques de 2022 ajoutent une autre complication. Face à la réalité de la culture de consommation militante d'aujourd'hui, les entreprises subiront d'énormes pressions pour qu’elles boycottent ces Jeux en raison d'un certain nombre d'allégations de graves violations des droits humains. Pékin est sensible à cette dynamique, et a déjà sensibilisé ses diplomates pour l’engagement des sponsors, anticipant ainsi de nouveaux épisodes embarrassants. Les expériences des précédents boycotts olympiques suggèrent que les dirigeants politiques seront réticents à forcer les participants à boycotter les Jeux olympiques. Il leur sera cependant beaucoup plus facile de faire des entreprises des boucs émissaires pour envoyer un message par procuration. Il y a quelques semaines à peine, un dirigeant du Congrès américain a fustigé les entreprises sponsors des jeux qui «détournent le regard sur les abus de la Chine en ne se souciant que de leurs bénéfices».

Pour faire taire les critiques, les sponsors devront apporter des preuves tangibles de la trajectoire positive de Pékin sur les questions problématiques. En l'absence de «bonnes» nouvelles à ce sujet, les sponsors, livrés à eux-mêmes, seront sous des projecteurs politiquement embarrassants. La libération de Kovrig et Spavor est un investissement relativement peu coûteux, mais sera de grande portée s’il advenait. Cela contribuera à donner aux dirigeants d'entreprises la confiance nécessaire pour se rendre en toute sérénité aux jeux.

C’est la bonne décision à prendre, avant tout.

Lire la chronique d’Ahmed Charaï dans The Hill : As the world reopens, surging detentions and abuses isolate China