Etablissements de Protection sociale : L'anarchie ne peut plus durer
La gestion des établissements de protection sociale a fait l'objet d'un rapport accablant de la Cour des compte

Fini l’anarchie dans la gestion des établissements de protection sociale ! Ces institutions doivent désormais respecter des cahiers de charge dont les termes viennent d’être publiés dans le Bulletin officiel.



Respecter les règles d’hygiène et de sécurité, disposer d’une équipe qualifiée et pluridisciplinaire, fournir des services d’écoute, d’assistance sociale et juridique ainsi que de médiation sociale... sont autant de conditions spécifiées par les cahiers de charges des établissements de protection sociale annoncées dans le Bulletin officiel. Découlant de décisions du ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille, ces cahiers de charge définissent également les modèles de règlements internes pour ce type d’institutions. Une reprise en main d’un domaine géré depuis longtemps d’une manière amateur et laissant libre cours à certains abus et autres dérapages.

Redressement

Détaillés à volonté, ces cahiers de charge concernent en effet les conditions générales de gestion des institutions de protection sociale : Celles de prise en charge des personnes âgées, les espaces multifonctionnels pour femmes ainsi que les établissements de prise en charge des personnes en situation de handicap. Selon la nouvelle réglementation, ces institutions ne doivent pas être installées dans des bâtiments menaçant ruine ou un effondrement complet ou partiel. Outre la salubrité des espaces d’accueil, ces établissements doivent disposer de ressources humaines qualifiées et pluridisciplinaires. Trêve d’amateurisme ! L’équipe doit se constituer de cadres administratifs, d’assistants sociaux et éducatifs et le cas échéant, de cadres médicaux ou semi-médicaux, selon la capacité d’accueil des établissements, les catégories cibles et la nature des services proposés.

Toujours dans ce même sens, les établissements de protection sociale se doivent de respecter les règles d’hygiène et de sécurité en vigueur, de disposer d’installations sanitaires en bon état ( toilettes, salles de bains, entrepôts de blanchisserie...). Le nouveau cahier de charge impose aussi l’obligation d’assurer tous les bénéficiaires de ces institutions ainsi que leurs salariés. Ceci avec des contrats d’assurance couvrant les dommages auxquels ils pourraient être exposés ou qui pourraient être infligés à autrui.

Sécurité, confort et dignité

Pour les établissements de prise en charge des personnes âgées et fournissant un service d’hébergement, il est indispensable de disposer de lits et de chambres adaptés en tenant compte de l’état de santé des bénéficiaires. Ceux proposant des services d’écoute et d’assistance sociale et juridique doivent également disposer d’un espace aménagé pour la prestation de ces services, ainsi que d’un local de stockage répondant aux normes pour les établissements qui proposent la restauration.

De même pour les institutions ciblant les femmes. Selon le règlement annexé à la décision n° 1701.21, les établissements fournissant des services d’écoute, d’assistance sociale et juridique et de médiation sociale, sont appelés à disposer d’un espace aménagé spécialement pour ce type de prestations. Cet espace doit faciliter le processus de dialogue, garantir l’écoute et la confidentialité des déclarations tout en respectant la vie privée des bénéficiaires. Aussi, doit-il être facile d’accès et équipé d’une manière confortable. Sa superficie ne doit pas être inférieure à six mètres carrés.

Quant aux institutions ciblant les personnes en situation de handicap, les conditions impliquent un contrôle permanent du comportement général afin d’assurer la sécurité, l’intégrité, la santé et la tranquillité des bénéficiaires. Ceci tout en respectant leur dignité. Le texte met l’accent également sur le contrôle du partage d’informations entre l’institution et les organismes concernés par la prise en charge de ces personnes et les professionnels.

Rapport accablant

Rappelant qu’en 2018, un rapport accablant de la Cour des comptes a dévoilé les anomalies rongeant la gestion des établissements de protection sociale et minant l’efficacité de leur action. « La gestion de ces établissements soulève plusieurs contraintes et observations liées à l’insuffisance des capacités d’accueil, au manque de ressources financières, aux contraintes de gestion et à l’insuffisance des ressources humaines, à la qualité des prestations fournies et au respect des conditions techniques exigées concernant les équipements et les locaux », note d’emblée les enquêteurs de la cour des comptes.

Selon les données de cette synthèse conjuguée à une étude pilotée par la Wilaya de Casablanca, la capacité d’accueil existante est en deçà des besoins de prise charge. « En effet, 34 établissements sur les 147 ayant répondu au questionnaire soit une proportion de 23%, exercent leurs activités avec des flux effectifs des bénéficiaires qui dépassent leurs capacités d’accueil. Les dépassements au niveau de ces établissements vont de 6% à 800%. Les listes d’attentes se rallongent notamment pour 5 établissements prenant en charge des personnes à besoins spécifiques », note la même source.

Submergés par une demande croissante, une cinquantaine d’établissements exercent leurs activités en l’absence d’autorisations selon les données de l’Entraide nationale. Ainsi, 28 établissements qui exerçaient leurs activités avant l’avènement de la loi 14.05, n’ont pas pu régulariser leur situation au regard des exigences de ladite loi. Même de nouveaux établissements au nombre de 26, créés après la publication de la loi, ne disposent pas de l’autorisation exigée par ses dispositions. Cette situation porte la part des établissements non autorisés à 18%. La synthèse de la Cour des comptes note également la prépondérance de l’apport de la bienfaisance dans les ressources financières de ces établissements. La situation est d’ailleurs aggravée par l’insuffisance du soutien public et le retard dans le versement des subventions. La bienfaisance représente ainsi la source financière principale à hauteur de 51%.

Côté gestion, le rapport soulève la faiblesse du taux d’encadrement et des salaires. Les données recueillies mettent en évidence le faible taux d’encadrement des établissements de protection sociale. Ainsi, 23 % de ces établissements ne disposent pas de directeur et 17% des directeurs ne remplissent pas les conditions légales fixant le niveau de diplôme exigé. En plus, 67% des employés ne dépassent pas le niveau primaire et seulement 1% du personnel dispose d’un niveau universitaire. Si le salaire moyen des employés s’élève à 2 833,00 DH, 64% du personnel perçoivent moins que le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti et 29 % parmi cette population ne bénéficient d’aucune couverture sociale.

Le rapport note de surcroit un manque important dans la mise en œuvre des contrôles exigés par la loi 14.05 relative aux établissements de protection sociale. Locaux non adaptés aux conditions fixées par le cahier de charges, des bâtiments en état de vétusté avancée, des établissements implantés dans des endroits inadaptés , des locaux non conformes aux conditions techniques exigées... ont été autant d’observations soulevées par ce rapport accablant. Les nouveaux cahiers de charge sauront-ils rétablir la situation ? A suivre.