Terrorisme. Les transporteurs routiers veulent des routes sécurisées 
Les transporteurs routiers marocains veulent des routes sécurisées

L’attaque armée contre les routiers marocains au Mali suscite l’inquiétude des professionnels du secteur. Toujours sous le choc de l’accident meurtrier, la majorité des transporteurs refusent aujourd’hui d’emprunter ce chemin risqué, tant que les mesures adéquates ne sont pas déployées. 



Les transporteurs routiers au Maroc sont en deuil. Samedi dernier, ils ont été bouleversés, comme tous les marocains d’ailleurs, par la perte de deux des leurs, alors qu’ils se dirigeaient vers la capitale malienne à bord de camions transportant des marchandises « avant qu'ils ne soient attaqués par balles par un groupe d'éléments armés qui se cachaient derrière les arbres au bord de la route » indique l'ambassade du Maroc à Bamako. Un troisième routier a survécu à cette agression. « D’après des témoins présents sur le lieu du drame, les assaillants étaient cagoulés, portaient des gilets pare-balles et disposaient d'appareils de communication sans fil. Aucun bien n’a été volé aux victimes. C’est à se demander ce que cherchaient réellement ceux qui ont ôté la vie à ces victimes », souligne Abdellah Hammouchi, Secrétaire Général National de l'Union des Syndicats Professionnels du Secteur du Transport au Maroc. Une enquête est diligentée par les autorités marocaines et maliennes afin de mettre la lumière sur ce drame.

Transport paralysé

En attendant les résultats, les camionneurs marocains ne veulent plus opérer dans cette zone jugée risquée. « L’axe routier où est survenue la catastrophe est unique. Pas de sécurité, ni de présence militaire sur place, ce qui ouvre la voie à la prolifération des gangs armés et à la multiplication des actes de vols, de violence.... » juge Idriss Bernoussi, Président de l’Association Marocaine des Transports Routiers Internationaux (Amtri). Cependant, le risque ne date pas d’aujourd’hui. «Les transporteurs ont toujours fait face à de nombreuses problématiques au niveau de cet axe routier. Jusque là, il s’agissait surtout d’actes de vandalisme...Actuellement, nous constatons que les choses se sont aggravées et ont pris une dimension plutôt terroriste », déplore le professionnel. Même son de cloche de la part de Mustapha Chaoune, Secrétaire Central de l’Organisation Démocratique du Transport et de la Logistique. Selon ce dernier, les autorités maliennes ont déjà recommandé aux conducteurs marocains d’éviter certaines localités vu l’instabilité politique qui règne dans le pays. Cependant «personne n’imaginait que l’on pouvait en arriver là. Et ce qui est arrivé au Mali, pourrait se reproduire dans beaucoup d’autres pays si l´on reste les bras croisés » prévient-il. Et d´ajouter que «la diplomatie marocaine n'est jamais intervenue pour faire face au danger que rencontrent les conducteurs au niveau des zones concernées». Autre hic majeur : l’assurance ne couvre pas les risques qui pourraient survenir en Afrique. «Le problème se pose uniquement pour ce continent et cela porte un préjudice majeur aux professionnels en cas de vols, de perte de marchandises... Opérer en Afrique surtout francophone, à l’exception du Sénégal, est une grande aventure non exempte de dangers. Alors que nous avons des familles, des enfants... On ne peut pas continuer à risquer nos vies », affirme Hammouchi.

Le commerce Sud-Sud menacé

Actuellement les transporteurs ne veulent plus aller en Afrique. Un coup dur pour le commerce bilatéral entre le Maroc et les pays subsahariens. En chiffres, « ce sont près de 350 camions qui transitent chaque jour par le poste frontalier d'El Guergarat. Une grande partie du flux est orientée vers le Mali, une autre vers la Mauritanie et le reste va vers le Sénégal ou d’autres pays de la région », déclare le Président de l’AMTRI. Fruits et légumes, produits agroalimentaires, poissons frais ou encore congelés, matériel médical...les produits acheminés sont divers. Durant le premier semestre 2021, et après la sécurisation du passage frontalier d’El Guergarat, le trafic routier a connu une hausse importante du nombre de camions transportant des marchandises, estimé à 18.553 véhicules contre 15.532 au cours de la même période un an auparavant. Autre chiffre révélateur, le volume de ces véhicules a dépassé 380.000 tonnes en 2021, contre 350.000 tonnes en 2020 avec une valeur globale de marchandises s’élevant à 4,2 milliards de dirhams (MMDH) contre 3,6 MMDH durant l’année écoulée. «Si les transporteurs n’opèrent plus sur cet axe routier, cela va impacter toute la région, surtout les pays qui ne disposent pas de ports et qui dépendent principalement des produits en provenance du Maroc » reconnaît Chaoune. Un coup dur pour la coopération Sud-Sud préconisée par le Royaume. «Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une affaire nationale avant tout. Mais il faut dire que le transport routier vers l’Afrique n’a pas bénéficié de l’intérêt des pouvoirs publics contrairement à celui à destination de l’Europe », regrette-t-il.

Ce que proposent les transporteurs

Les avis des professionnels sont unanimes : les pouvoirs publics doivent agir pour protéger les transporteurs. Comment ? «Il faut que la sécurité soit assurée sur cet axe routier », insiste Bernoussi. De son côté, Chaoune estime que ce dossier nécessite une attention particulière de la part de la diplomatie marocaine. Hammouchi pour sa part appelle à la fois le nouveau gouvernement à agir pour la sécurité de ces professionnels, et les patrons d’entreprises de transport à assumer leurs responsabilités. « Il faut former les transporteurs, les vacciner, les prémunir contre certaines maladies, etc. Nous sommes prêts à reprendre le travail, mais pas au détriment de notre santé ni de notre sécurité » conclut-il.