Qu’attendent les artistes du nouveau gouvernement ?
Grandes attentes des artistes marocains

Après dix ans d’attentisme, plusieurs artistes déçus par le passé se réjouissent de l’arrivée du nouveau gouvernement et se disent « très confiants » quant à l’avenir de la profession et du secteur.

Jérôme Cohen Olivar, réalisateur

Jérôme Cohen Olivar


« J’attends du nouveau gouvernement qu’il soit à l’écoute des artistes, mais j’espère aussi qu’il saura prendre des risques, défier la censure et sortir des sentiers battus... Notre Roi a d’ailleurs tracé la voie à suivre et son parcours parle de lui-même et j’attends la poursuite de cette excellence dans le domaine artistique. Concrètement parlant, dans mon domaine, le cinéma, je pense qu’il faut s’éloigner du modèle administratif actuel et commencer à façonner ses propres outils pour aller au-delà des acquis et se tourner véritablement vers l’avenir ».

Asmaa Khamilichi, actrice

Asmaa Khamlichi


« Tout d’abord, je tiens à féliciter Aziz Akhenouch pour son poste de Chef du gouvernement, c’est un homme cultivé qui aime son pays et connait bien son métier. Je suis aussi ravie de voir un nouveau gouvernement aux commandes de notre pays et enfin des femmes actrices (Fatima Khair et Kelila Bounaila) qui nous représentent au parlement.

Je connais personnellement Fatima, c’est une femme très cultivée qui a la tête sur les épaules. Je suis persuadée qu’elle saura défendre nos droits et nos valeurs et je pense qu’on ne trouvera pas mieux pour nous représenter. J’espère qu’avec ce nouveau gouvernement, l’artiste pourra enfin jouir de tous ses droits et notamment les droits d’auteur. Cela fait 20 ans que mes films passent à la télévision sans que je ne touche aucun droit de passage! Il serait également judicieux de prévoir une couverture médicale plus intéressante pour les artistes et au lieu de faire travailler des étrangers sur les films tournés, on devrait aussi penser à faire travailler les Marocains, comme c’est le cas chez les Egyptiens.

Adil Fadili, réalisateur

Adil Fadili


Je pense à tout ce qui ne s’est pas fait pendant 10 ans. L’ancien gouvernement n’a pas bien servi les artistes et encore moins le paysage audiovisuel. Je fais référence par exemple aux appels d’offre qui ont été mal gérés, on a toujours privilégié les mêmes boites de production et on n’a pas donné sa chance à tout le monde. Les anciens responsables ont aussi formaté la télévision, et vu le manque de diversité, on s’est retrouvé avec un genre audiovisuel ultra formaté qui a énormément desservi la fiction. Les films qui traitent de sujets délicats ont longtemps été pointés du doigt et j’espère qu’avec le nouveau gouvernement, on pourra changer la donne. Il faut être conscient que l’art est un élément fondamental pour faire évoluer un peuple, il participe aussi au développement d’une société et peut très bien être exporté dans le monde entier. Enfin, il faut donner à l’artiste la place qui lui revient et qu’il mérite dans la société où il évolue. Driss Roukh, acteur, producteur et réalisateur

Driss Roukh


« On attend beaucoup de choses. D’abord il faut que ce nouveau gouvernement soit plus communicatif, pas juste avec les artistes mais avec tout le monde. Il faut qu’on sache parfois de quoi il s’agit, pourquoi telle décision a été prise ? Une des faiblesses de l’ancien gouvernement, c’est son manque de communication !

Il faut à mon sens travailler sur un vrai « projet culturel », et ce, pour l’ensemble des secteurs : théâtre, cinéma, littérature, poésie, art plastique, ...bref, tout ce qui donne de la vie à la vie, tout ce qui enrichit notre quotidien, ce qui nous emmène vers l’avenir, ce qui nous donne de la force, de l’inspiration, ... Nous avons besoin d’un vrai projet culturel à long terme, qui s’étale sur le futur, qui ne s’applique pas qu’à nous Marocains, mais qui tient aussi compte de notre identité arabo-judéo-amazigh...et qui mette en avant notre diversité culturelle.

Il faut travailler sur la culture de proximité. On devrait avoir dans chaque quartier des petites salles de théâtre, des complexes culturels, des maisons de culture qui redonneraient la vie à ses habitants, aux jeunes. On doit travailler sur 12 régions pour constituer 12 troupes de théâtre régionales, avoir 12 bureaux d’orientation théâtrale et culturelle, donner plus de visibilité à des projets de jeunes créateurs dans toutes les disciplines (théâtre, musique, cinéma, art plastique...).

Sur le plan cinématographique, il faut travailler sur les appels d’offre, revoir le cahier des charges et lui donner plus de crédibilité. Il faut organiser le secteur de telle sorte à avoir un équilibre entre les œuvres de jeunes cinéastes et des réalisateurs confirmés. Il faut aussi prévoir un fond spécial pour le cinéma d’orientation historique et les films à grand budget, ainsi que la réouverture des salles de cinéma, la construction de plusieurs salles de proximité et de complexes cinématographiques, ...Il nous faut au moins 500 salles de cinéma à travers le royaume et ce n’est que de cette manière qu’on pourra avoir un vrai marché. Sans oublier bien sûr tout le volet consacré au développement du champ télévisuel. »

Bouthaina Azami, artiste peintre et écrivaine

Bouthaina Azami


« J’attends qu’on ouvre l’art vers un plus large public, qu´il ne soit plus élitiste. C’est un travail qu’ont déjà entrepris les street artistes qui ont amené l’art dans la rue et qui ont permis aux populations de certains quartiers de se familiariser avec le geste artistique et avec l’élaboration de l’œuvre jusqu’à sa finalisation. Ce sont de grands artistes qu’il faut reconnaitre car j’ai l’impression que les musées et les galeries d’art restent toujours regroupés autour des mêmes personnes. Il n’y a pas de place pour la nouveauté.

Je trouve qu’il faut agir également sur la perception que l’on a de l’art, c-à-dire sur sa représentation. Cette dernière est en permanence freinée. Un Marocain qui va en Europe ne sera pas forcément choqué par une statue de nue par exemple, alors que c’est une chose inconcevable chez nous ! La question est d’être en accord avec soi-même, de nourrir et murir cette représentation en cassant ces barrières et ces obstacles qui font que l’artiste marocain va lui-même se censurer ».

Brice El Glaoui Bexter, acteur

Brice-El-Glaoui-Bexter


Il serait important que le nouveau gouvernement protège les artistes au maximum et qu’il se penche davantage sur notre secteur oublié. Le milieu du cinéma n’est pas réglementé alors que notre industrie est grandissante et attire beaucoup d’investisseurs locaux et étrangers. A l’ère de la mondialisation, il est plus important que jamais de régulariser notre industrie et de l’aligner aux normes internationales. On se doit donc de structurer légalement notre milieu afin de défendre les artistes marocains au niveau national et international.

L’intermittence du spectacle en France devrait être un exemple à suivre et à appliquer. Il faut réglementer le code du travail des artistes, ce qui forcerait les productions à moins marchander et imposer des tarifs plus élevés, instaurer des horaires réglementés et veiller à leur application. De plus, nos retraites devraient être personnalisées en fonction de notre profession.

Les artistes n’ont pas un revenu fixe et le prix de la vie ne cesse d’augmenter. Avec l’aide du gouvernement, les artistes pourraient avoir plus de poids face aux productions en étant protégés par des normes minimales. Cela conduirait à plus de transparence et confèrerait une meilleure assise aux jeunes intéressés par ce domaine. Il faudrait aussi se pencher davantage sur l’implémentation et l’application du bureau des droits d’auteur afin de recenser les droits d’image auxquels tout artiste a droit ! On devrait entre autre obliger les directeurs de casting à détenir un certificat afin de prémunir les jeunes des arnaques. N’oublions pas les budgets alloués au cinéma par le CCM ou les productions étrangères. Tous ces films actuellement en tournage au Maroc avec des budgets excédent les millions de dirhams et dont nous ne voyons aucunement la couleur.

Rafik Boubker, acteur

Rafik Boubker


Nos attentes vont dans le même sens que la vision royale et nous aimerions que ce nouveau gouvernement travaille conformément à la volonté royale (le roi Mohammed VI a toujours soutenu les artistes). Nous sommes confiants dans l’avenir, je pense qu’il y aura un changement dans le domaine, nous aimerions avoir un vrai Ministère de la culture conscient des réels problèmes dont souffre le secteur. Il faut impérativement assurer une couverture sociale pour l’ensemble des artistes et leur permettre de vivre dignement tout en leur garantissant une égalité des chances dans le travail. On espère ainsi avoir la bonne personne au bon endroit et je souhaite à ce nouveau gouvernement de réussir dans l’accomplissement de sa tâche.

Nassim Abassi, réalisateur

Nassim Abassi


J´aimerais que ce nouveau gouvernement encourage le secteur privé, investisse plus d’argent dans le cinéma en lui donnant des incentives financières ; que ça soit dans le domaine de la production du film marocain ou la construction de complexes multiplexes cinématographiques au Maroc. A l’instar des radios privées, on voudrait aussi avoir des télévisions marocaines privées capables d’exporter l’Histoire et la culture marocaine à l’international, à l’image de leurs consœurs turques. Ces télévisions devront donner plus de travail aux artistes marocains, durant toute l’année et pas uniquement pendant le mois du ramadan.

Mohamed Mouftakir, réalisateur

Mohamed Mouftakir


C’est un peu prématuré comme question. Personnellement, je trouve qu’un artiste n’attend rien de personne car il est plongé dans son travail en permanence. Il faut laisser au nouveau gouvernement le temps de faire ses preuves, et à chacun de faire son boulot. Il vaut mieux attendre avant de s’exprimer sur le sujet.